APPEL À CONTRIBUTION POUR UN NUMÉRO des Cahiers Internationaux de Sociolinguist

APPEL À CONTRIBUTION POUR UN NUMÉRO des Cahiers Internationaux de Sociolinguistique Titre : Des expériences aux récits de recherche : ce que les dimensions qualitatives peuvent (ré)ouvrir comme débats Coord. par Ali Becetti & Isabelle Pierozak Diffusion de l’appel à publication : fin juin 2021 [rappel prévu en septembre] Date limite de réception des résumés : mi-octobre 2021 Date limite de réception des contributions : mi-février 2022 Retours du comité : fin mars 2022 Retours des contributions après modifications : fin avril 2022 Edition et date de parution : juin 2022 Envoi des contributions à : ali.becetti@univ-tours.fr et isabelle.pierozak@univ-tours.fr Consignes pour la remise des textes : voir feuille de style et consignes sur le site de L’Harmattan Il semble admis, dans la communauté des chercheurs en SH en général et en sociolinguistique en particulier, que « l’enquête de terrain » est une étape incontournable pour construire un savoir sur la réalité sociolinguistique et sert de ce fait « de mode de reconnaissance pour qualifier le sérieux d’une recherche scientifique » (Gaboriau, 2018 : 18 ; Calvet, 1999). La description des langues et rapports aux langues, représentations, attitudes, etc., tant en termes de pratiques que de représentations, est souvent demeurée associée, dans l’imaginaire des sociolinguistes, à la recherche de méthodes, qualitative/quantitative ou idéalement combinées (Blanchet, 2012), « heuristiquement fécondes » (Dietrich, Loison & Roupnel, 2012 : 227), pouvant être mobilisées sur le terrain pour rendre raison des phénomènes observables. Le privilège accordé dans certains courants sociolinguistiques à la relation ethnographique semble découler du postulat qu’une connaissance suffisante de la réalité implique une immersion empirique et qualitative sous la forme routinière de la présence du chercheur sur le terrain, où les interactions tissées avec les acteurs sociaux sont décisives pour les interprétations qui en seront faites. Si les modalités de rencontre des témoins et de recueil de données sont relativement assez documentées dans les récits de recherche, le rôle de l’expérience1 du chercheur dans la compréhension 1 L’expérience est entendue ici au sens de « cette épreuve nécessairement unique, irrépétable, en laquelle je suis moi-même en jeu et dont je ressors à chaque fois changé ; ce qui prime, ce n’est pas l’idée d’acquis, mais au contraire celle d’une mise à l’épreuve qui est en même temps transformation » (Romano, 1998 : 194). des phénomènes en jeu et cela, depuis l’expérience du terrain jusqu’au récit de recherche, demeure peu abordé. L’expérience qu’a le chercheur du terrain se réduit-elle à une description pure et simple des conditions contextuelles dans lesquelles il a été en contact avec les témoins ? L’expérience du chercheur peut-elle se résumer en sa rationalité scientifique, son expertise acquise au long de sa carrière de recherche ? Ou comporte-t-elle d’autres dimensions laissées scientifiquement en marge par le « scientifiquement correct » : affective, imaginative, etc. ? A l’épreuve du terrain, le chercheur en ressort-il affecté, transformé ? Quel sens/représentations donne-t-on à/se fait-on de cette expérience ? Quelles appropriations opérons-nous, consciemment ou non, des altérités que nous rencontrons ? Si l’expérience relationnelle engage nos facultés sensibles notamment par l’observation/écoute, qu’en est-il alors des autres facultés, moins visibles (intuition, imaginaire, etc. ?). Comment celles-ci peuvent-elles être assumées dans l’écrit ex post, dit ultérieur et isolable ? Peut/doit-on disqualifier ou gommer tout cela, sans autre forme de procès, une fois entreprise l’étape d’écriture de la recherche ? L’écrit sociolinguistique se résume-t-il à une restitution neutre et évidente de la rencontre ethnographique ? Ou transcende-t-il la référence aux situations d’enquête pour être une manière de traduire sa compréhension des altérités rencontrées et donc sa « vision du monde » (Humboldt, 1974) ? Quelle est la part de soi qu’on s’autoriserait à raconter et celle qu’on s’interdit d’évoquer ? Et pourquoi ? Quelle est la part de fiction/réalité racontée dans le récit ex post ? A l’exception de quelques travaux (par exemple Blanchet, 2012 ; Calvet, Robillard & Blanchet, 2007 ; Robillard, 2008 ; 2016), qui font l’effort d’intégrer explicitement dans leurs réflexions certains enjeux épistémologiques et éthiques sous-jacents à l’expérience de terrain, la plupart des chercheurs, diversement situés (Calvet et Dumont (dir.), 1999 ; Gadet, 2000 ; Cappeau et Gadet, 2007 notamment), font comme si la rencontre avec autrui consistait dans un double mouvement d’une part de mise à l’écart du vécu du chercheur, et corrélativement d’autre part, d’un inventaire de garde-fous méthodologiques dont le respect strict garantirait le sérieux et plus largement la scientificité de la recherche. Cette façon de faire, assez hégémonique en sociolinguistique, du moins francophone, semble faire l’impasse sur un certain nombre d’impensés qui continuent d’obérer la compréhension des altérités sociolinguistiques. Il semble que la focalisation sur les aspects méthodologiques et déontologiques relègue au second plan l’importance pour les chercheurs d’expliciter et d’assumer la part de singularité qui leur revient 2 dans la compréhension d’autrui. En effet, la relation du chercheur aux autres est souvent réduite, dans ce qu’en donnent à voir les récits de recherche, à cet espace de recueil d’observables (enquête de terrain) où le discours scientifique s’évertue à gommer les traces du « vécu de chercheur », par le renvoi, en notes infrapaginales, d’éléments qui seraient alors redevables d’un regard psychanalytique [note finalement peu utile si on positionne la phrase ainsi ?], ou, autre possibilité, par l’insistance sur les modalités d’extraction de la matérialité discursive avec la mise en avant d’une empirie garante en soi. Ce numéro des Cahiers Internationaux de Sociolinguistique invite donc modestement à (ré)inscrire, en première ligne des réflexions des sociolinguistes, les questions d’expérience du chercheur, de vécu, d’écriture de la recherche, de compréhension des altérités, comme autant de problématiques dignes d’intérêt, dont le traitement ne peut éluder des questionnements épistémologiques et éthiques plus larges. Trois axes, sans exclusive, sont susceptibles d’organiser les contributions attendues, pourvu qu’elles incluent une visée épistémologique : 1. Le « qualitatif » en matière de recherche 2En revanche, selon Robillard (2014), « certains sociolinguistes assument le caractère dit « interprétatif » de leur travail, mais dans ce cas, ils devraient, pour être cohérents, mieux expliciter en quoi leur singularité leur permet ces interprétations, ce qui est un impératif éthique et politique de base, notamment lorsqu’on joue un rôle d’expert face à des institutions responsables de populations sur l’avenir desquelles peut peser l’expertise opérée » (Robillard, 2014 : 36). On peut s’interroger ici sur les multiples usages et réceptions du « qualitatif », sachant qu’il relève, selon une orientation phénoménologique/herméneutique, d’une certaine « manière d’être » (Pierozak, de Robillard, Razafimandimbimanana, Debono, 2013). Si, dans la doxa scientifique, on crédite la recherche qualitative de multiples avantages : « la souplesse » (Alami et alli., p.23), « les procédures sont plus suggérées qu’imposées, l’ordre des opérations souple, la créativité y a une place » (Paillé & Mucchielli, 2016 : p.30), il n’en demeure pas moins que le sens sous-jacent au terme « qualitatif » y reste rivé à une épistémologie constructiviste qui le convertit souvent en « un tic de langage peu interrogé » (Lahir, 2007 : 97). En s’éloignant de la vision galvaudée d’une nébuleuse méthodologiste fourre-tout, on s’interrogera sur la manière dont on peut penser les usages variables du qualitatif vers des horizons interprétatifs qui soient guidés moins par les protocoles et les atours de la vision contextualiste/contextualisante (Castellotti, 2014 ; Debono & Pierozak, 2015 ; Blanchet, 2016 ; Castellotti, Debono & Pierozak, 2017) que par la mise en récit des expériences vécues, celles du chercheur et des témoins. 2. Le « comprendre » d’une recherche A chaque fois que nous faisons l’expérience de comprendre autrui, nous sommes réciproquement susceptibles de nous (re)comprendre autrement chacun, de sorte que chaque rencontre, singulière, contingente, permet potentiellement de se réinterroger sur les limites du comprendre. D’où l’intérêt de penser et d’approfondir la piste selon laquelle nous sommes « empêtrés dans des histoires » (Schapp, 1992) et que donc l’accès au sens des autres est au moins et partiellement une affaire d’explicitation de la manière dont chacun pense être au monde avec les autres (Becetti, 2020). On tentera ici d’approcher des perspectives moins mainstream, qui accordent à l’histoire, au projet, au relationnel un rôle sinon primordial du moins capital pour considérer les phénomènes diversitaires, altéritaires, appropriatoires (Bretegnier, 2020, Castellotti, 2017, Huver, 2014), en mettant en jeu des témoins réciproques comme dans le récit de vie. De ce fait, on s’interrogera sur les manières de penser les entretiens compréhensifs, biographies langagières, récits de vie, etc. où le chercheur serait a priori plus exposé, tout en lui permettant souvent de ne pas mettre en jeu sa propre histoire, sa singularité et son expérience relationnelle dans ce qu’elle a d’étranger, d’éprouvant, etc. Il s’agira ainsi de déplier les questions de compréhension d’altérités, souvent abordées en anthropologie (La Soudière, 1988) mais de manière moins visible ou soutenue dans nos champs, gagnant de ce fait à être travaillées. Si la sociolinguistique s’est régulièrement définie par rapport à des problématiques touchant le terrain de la réalité sociale, on se demande comment on en est arrivé à (cautionner le fait de) secondariser les questionnements ayant trait aux rapports du chercheur aux uploads/Science et Technologie/ appel-a-contribution-pour-un-numero-thematique-cis-def.pdf

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