L’apport des neurosciences cognitives pour l’enseignement Sans viser l’exhausti
L’apport des neurosciences cognitives pour l’enseignement Sans viser l’exhaustivité, ce dossier présente quelques-uns des apports récents de la recherche en neurosciences cognitives à l’enseignement. Sommaire 1) Terminologie : neurosciences ou neurosciences cognitives ? 2) Les neurosciences cognitives nous éclairent sur le concept d’apprentissage 3) Des recherches utiles pour l’enseignement : a) les 4 grands piliers de l’apprentissage b) la mémoire c) apprendre à apprivoiser et maîtriser son attention d) découvrir des fonctions exécutives à l’école (et apprendre à les maîtriser) e) le statut de l’erreur à (re)considérer f) la lecture g) les troubles spécifiques des apprentissages Bénédicte DUBOIS- responsable du pôle éducation inclusive ifp Nord Pas de Calais Novembre 2017 www.versunecoleinclusive.fr 1 Bénédicte Dubois - responsable du pôle éducation inclusive - IFP Nord Pas de Calais - 2017-2018 L’apport des neurosciences cognitives pour l’enseignement Le but de cet article n’est pas de générer ou développer un engouement aveugle pour les neurosciences cognitives chez les acteurs de l’éducation, sous le prétexte d’une quelconque « innovation pédagogique » ou d’un effet de mode. Il n’a pas non plus vocation à faire appliquer à la lettre des méthodes pédagogiques normatives, à la lumière des découvertes et des travaux des chercheurs en neurosciences cognitives. Il s’inscrit bien plus simplement dans la volonté d’actualiser les connaissances sur la recherche sur le cerveau afin d’aider les enseignants, sur la base de la plasticité cérébrale (qui évoque des apprentissages toujours possibles, ces derniers modifiant la structure du cerveau) à se doter de repères et de pistes de réflexion utiles pour leur enseignement. Un point nécessaire au sujet de la terminologie utilisée Quelle terminologie utiliser ? Neurosciences ou Neurosciences cognitives ? Jean-Philippe LACHAUX1 donne des définitions très claires sur ces deux concepts2 : Neurosciences Neurosciences cognitives Toutes les neurosciences ne sont pas cognitives. Certains chercheurs en neurobiologie consacrent leur carrière à étudier les mécanismes biologiques gouvernant la vie des neurones sans jamais se préoccuper de leur importance éventuelle pour les facultés cognitives. Les neurosciences cognitives doivent leur nom à cette particularité de relier le niveau comportemental et le niveau neuronal en passant par le niveau cognitif. Le travail du chercheur en neurosciences cognitives est de comprendre une fonction cognitive3. Sa tâche est double car il doit traduire : 1) le comportement qu’il observe en termes cognitifs : mémorisation, déplacement de l’attention, imagerie mentale, programmation motrice Pour ensuite… 2) associer chacun de ces processus cognitifs aux variations de l’activité neuronale qu’il a pu mesurer. 1 Directeur de recherche au sein de l’équipe dynamique cérébrale et cognition, Inserm de Lyon 2 JPh. LACHAUX, Le cerveau attentif, Odile Jacob, 2013 3 La définition de l’expression « fonction cognitive » se trouve à la page11 de ce dossier 2 Bénédicte Dubois - responsable du pôle éducation inclusive - IFP Nord Pas de Calais - 2017-2018 Les neurosciences cognitives nous éclairent sur le concept d’apprentissage Le neuroscientifique Steve Masson4 utilise la jolie métaphore de la forêt dans laquelle l’apprenant marche pour expliquer l’aspect biologique de l’apprentissage. « Pour se déplacer, l’apprenant doit pousser les branches avec ses bras en plus d’écraser l’herbe et les petits arbustes avec ses pieds. Le passage répété du marcheur crée progressivement un sentier qui est de plus en plus facile à emprunter. Bien vite, ce sentier devient une voie privilégiée pour passer rapidement du point A au point B. En contrepartie, si l’apprenant n’emprunte plus le sentier pendant un certain temps, les herbes, les arbustes et les arbres y reprennent lentement leur place et le sentier disparait progressivement. » Et c’est ainsi qu’il explique que lorsqu’on apprend, des mouvements similaires s’effectuent dans le cerveau. Quand on active son cerveau à plusieurs reprises pour accomplir une tâche, il développe des « chemins » neuronaux qui lui permettront d’accomplir la tâche demandée de plus en plus facilement et rapidement. Si, au contraire, on ne s’entraine pas les connexions neuronales associées à cet apprentissage s’affaiblissent progressivement, jusqu’à se défaire. 4 Professeur à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et directeur du Laboratoire de recherche en neurosciences cognitives Chercheur en NRS cognitives traduit le comportement observé, en termes cognitifs ex : mémorisation variation neuronale ex : programmation motice variation neuronale ex : déplacement de son attention variation neuronale associe ces processus variations neuronales observées Exemple de l’attention/concentration 3 Bénédicte Dubois - responsable du pôle éducation inclusive - IFP Nord Pas de Calais - 2017-2018 « Au niveau cérébral, apprendre, c’est modifier ses connexions neuronales. Ainsi, ce n’est pas parce qu’un élève est incapable de répondre à une question ou résoudre un problème qu’il n’a rien appris (…) c’est peut-être que les réseaux de neurones qui ont commencé à s’établir dans son cerveau ne sont pas assez consolidés pour que l’on puisse observer des changements dans sa façon de répondre ou d’accomplir une tâche. » Des recherches utiles pour l’enseignement Voici un panel non exhaustif des recherches récentes en neurosciences cognitives, associées à leurs auteurs, pouvant éclairer les acteurs de l’éducation : Les 4 grands piliers de l’apprentissage – Stanislas Dehaene, du Collège de France et du pôle de recherche NeuroSpin, à Saclay. Ce concept de « piliers de l’apprentissage » traite les facteurs qui constituent de façon incontournable l’apprentissage. Il s’agit de l’attention, de l’engagement actif, du retour d’information, et enfin, de la consolidation. 1) L’attention : modulant massivement l’activité cérébrale, l’attention est un mécanisme qui permet de sélectionner une information et qui facilite grandement l’apprentissage. On considère qu’il existe 3 systèmes attentionnels : l’alerte, l’orientation et le contrôle exécutif. 2) L’engagement actif : Stanislas Dehaene avance l’idée qu’un élève passif n’apprend pas parce que l’apprentissage est optimal lorsque l’on s’engage activement, c’est-à-dire lorsqu’on se mobilise. Cela peut s’effectuer par une alternance apprentissage/test immédiat et répété des connaissances parce que sans tester la fiabilité d’une connaissance, on restera dans l’illusion que l’on sait alors qu’il n’en est rien. 3) Le retour d’information (ou feed back). Les recherches actuelles montrent que le cortex est une sorte de machine à générer des prédictions et à les intégrer. Il lance une prédiction, reçoit en retour des informations sensorielles, et une comparaison se fait entre les deux. La différence crée un signal d’erreur qui va se propager dans le cerveau et qui va permettre de corriger et d’améliorer la prédiction suivante. In fine, l’apprentissage se déclenche quand un signal d’erreur montre que cette prédiction n’est pas parfaite. 4) La consolidation : Une nouvelle information, si elle n’est pas réactivée, finit par s’oublier. Il est donc nécessaire de répéter, réactiver un apprentissage pour qu’il devienne pérenne. 4 Bénédicte Dubois - responsable du pôle éducation inclusive - IFP Nord Pas de Calais - 2017-2018 Ces 4 piliers de l’apprentissage apportent ou réactivent un éclairage sur ce que signifie « apprendre » et surtout, donne au statut de l’erreur une place toute particulière dans le sens où elle ne doit plus être n’est plus stigmatisée mais devenir un véritable support pour la construction du savoir. La mémoire5 – Francis Eustache modèle néostructural de la mémoire (comprendre les différents types de mémoires et comment elles interagissent) (d’après le modèle MNESIS : Francis EUSTACHE et Béatrice DESGRANGES, 2008 et révisé en 2012, de l'équipe U1077 de l'INSERM de Caen) Fonction cognitive incontournable pour l’enseignement, elle devrait toujours se décliner au pluriel car notre cerveau est le siège de plusieurs représentations de mémoires6 qu’il convient de distinguer : 1- Une mémoire de représentation à long terme qui se compose de : - La mémoire perceptive qui renvoie au souvenir des odeurs, des goûts, des images… - La mémoire sémantique, constitutive de notre « culture générale ». Elle fait référence aux connaissances accumulées tout au long de notre vie : des dates, des règles, le sens des mots, les concepts… - La mémoire épisodique, celle de nos souvenirs, des événements vécus en un lieu et un temps précis : souvenirs de vacances, d’une fête, d’une scène… 2 - Une mémoire de représentation à court terme, beaucoup plus limitée, appelée mémoire de travail parce qu’elle mobilise et retient les informations utiles à toutes nos activités cognitives pour, par exemple : chercher un mot dans le dictionnaire, effectuer un calcul mental, discuter, se repérer sur un plan, argumenter… Dans ce type de mémoire, on distingue trois facultés : - La boucle phonologique qui permet de garder à l’esprit les mots de quelqu’un qui parle ou un numéro de téléphone à retenir pour le composer par exemple. 5 F. EUSTACHE, La Neuroéducation La mémoire au cœur des apprentissages. O. Jacob, 2016 6 D’après le modèle MNESIS (Modèle Néostructural Intersystémique de la mémoire humaine) proposé en 2003 par les psychologues Francis Eustache et Béatrice Desgranges, à partir des travaux de Tulving. 5 Bénédicte Dubois - responsable du pôle éducation inclusive - IFP Nord Pas de Calais - 2017-2018 - Le calepin visuo-spatial qui permet de se représenter une scène visuelle, de garder à l’esprit un lieu… - L’administrateur central coordonne ces deux facultés, il supervise en quelque sorte le fonctionnement de cette mémoire de travail. 3 uploads/Science et Technologie/ apport-des-neurosciences-cognitives.pdf
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- Publié le Nov 06, 2021
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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