OÙ VA LA DISTANCE ? EST-CE LA BONNE QUESTION ? France Henri Lavoisier | « Dista
OÙ VA LA DISTANCE ? EST-CE LA BONNE QUESTION ? France Henri Lavoisier | « Distances et savoirs » 2011/4 Vol. 9 | pages 619 à 630 ISSN 1765-0887 ISBN 9782746239371 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-distances-et-savoirs-2011-4-page-619.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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En moins d’une décennie, avec le boom du web social, nous sommes devenus des êtres « hyper communicants », branchés en quasi-permanence, multipliant les interactions à distance autant avec des individus qu’avec des collectifs. En milieu de travail, l’apprentissage à distance dans sa formule e-learning s’est rapidement taillé une place enviable en se fondant sur l’idée qu’il est rentable pour tous, et à tous les points de vue, de se former sans se déplacer, d’apprendre en travaillant et de travailler en apprenant. En milieu éducatif, malgré la provocation qu’elle a pu soulever (Jacquinot-Delaunay, 2010), la distance est finalement passée dans l’usage. De très nombreux établissements d’enseignement supérieur ont adopté la distance, soit sous sa forme intégrale de formation à distance, soit sous une forme partielle hybridant distance et présence. Pour les chercheurs du domaine, la distance n’est plus conceptualisée comme une absence ; le décalage spatiotemporel ne représente plus un manque. La présence à distance se décline et s’opérationnalise en termes de présence sociale, de présence cognitive et de présence éducative (Garrison et al., 2000 ; Jézégou, 2007 ; 2010) rendant la frontière entre présence et distance de plus en plus floue (Jacquinot-Delaunay, 2010). La distance semble être apprivoisée, intégrée, voire assumée. Pourquoi alors ces deux numéros spéciaux de Distance et savoirs consacrés à la distance en formation ? La distance est-elle toujours une réalité qui nous échappe ? Une nouvelle forme de distance Fluckiger (2011) observe dans les formations en présence l’émergence d’une nouvelle forme de distance. Dans ce contexte, la distance est créée par les étudiants ; elle n’est pas organisée par les institutions ou les enseignants. Elle s’installe en dehors de la mise à distance des enseignements et repose sur des habitudes d’usage d’une palette d’outils de communication et d’accès à l’information (courriel, compte © Lavoisier | Téléchargé le 26/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 37.65.160.1) © Lavoisier | Téléchargé le 26/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 37.65.160.1) 620 D&S – 9/2011. Où va la distance ? MSN, compte Facebook, Skype, blogue). Hors du cadre institutionnel, les étudiants communiquent entre eux à distance sur divers aspects liés à leur apprentissage, délaissant les outils mis à leur disposition sur les plateformes institutionnelles. Ce qui fait dire à Fluckiger « oui, nos étudiants communiquent beaucoup ; mais non, ils communiquent peu en contexte éducatif ». Une affirmation s’appuyant sur les résultats d’études qui constatent les difficultés d’intégration des outils du web social et des formes participatives d’enseignement à distance dans l’enseignement supérieur1. Ce hiatus entre les pratiques de communication personnelles des étudiants et les pratiques de communication en contexte universitaire est révélateur d’une distance autre que spatiotemporelle. Une distance instrumentale celle-là, qui doit être comprise en s’intéressant avant tout à l’étudiant comme un sujet théoriquement construit non plus comme un sujet essentiellement psychologique et unifiant, postulant l’unicité de la culture numérique à laquelle appartiennent les jeunes, mais également comme un sujet sociologique au profil pluriel, en tenant compte des situations et de son contexte socioculturel. Nouvelle forme de distance ou nouvelle manière d’apprendre ? Chercher à comprendre les nouvelles formes de distance par l’étude des pratiques communicationnelles des étudiants est sans contredit une entreprise valable et nécessaire. C’est selon nous une façon de s’interroger sur l’émergence d’un nouveau rapport au savoir. Dans une étude récente, Peraya (à paraître) note que le passage du web informationnel au web social a provoqué une évolution frappante des pratiques informationnelles, communicationnelles et épistémiques favorisant la participation, la collaboration, la communication, le réseautage social et le développement de communautés. Grâce à l’usage des technologies du web social, chaque individu peut désormais devenir un créateur actif de contenus, un producteur de savoirs. Pour caractériser le statut des savoirs qui se développent et qui circulent dans les espaces du web social, Peraya distingue deux formes de savoir : le savoir scientifique et le savoir narratif. Le savoir scientifique, fondé sur des preuves, se définit comme un savoir objectif qui a valeur de vérité. Il est l’apanage des spécialistes reconnus par leurs pairs et regroupés au sein d’institutions, dont les universités. Le savoir narratif pour sa part relève d’une pragmatique fort différente : jamais argumenté en termes de preuve au sens défini pour le savoir scientifique, il ne se construit pas à partir de 1. Si les études auxquelles se réfère Fluckiger ne concernent qu’un nombre limité d’étudiants, leurs conclusions sont conséquentes avec ce que l’on peut observer sur le terrain. À cet égard, nous avons personnellement recueilli plusieurs témoignages d’enseignants désemparés se plaignant que leurs étudiants préféraient travailler à partir de ressources dénichées sur le web pour réaliser leurs travaux plutôt que d’assister aux cours. L’un d’eux expliquait qu’il avait réuni des collègues pour réfléchir à la question. Le groupe en était venu à la conclusion qu’il était impossible d’interdire aux étudiants d’utiliser le web. © Lavoisier | Téléchargé le 26/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 37.65.160.1) © Lavoisier | Téléchargé le 26/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 37.65.160.1) Où va la distance ? Est-ce la bonne question ? 621 la cumulation du savoir qui sert d’assises à la démarche scientifique. Il trouve sa validation « dans le fait d’être rapporté, répété et réaffirmé au sein d’une communauté sociale qui en constitue l’espace de légitimation » (Peraya, à paraître). Les savoirs narratifs se créent dans et par le lien social. Ils sont construits par des individus non spécialistes sans qu’une autorité instituée en sanctionne la diffusion et la circulation. Ils reposent sur le consensus qui se dégage du processus de circulation qui lui permet de se construire et d’être reconnu. Toujours selon Peraya, les étudiants aguerris à l’usage des technologies du web social importeraient dans la sphère académique des pratiques de communication personnelles propres à la construction de savoirs narratifs, dérogeant ainsi aux pratiques légitimées en milieu académique qui supportent l’élaboration du savoir scientifique, des pratiques souvent associées à la malhonnêteté et au plagiat qu’il faut éradiquer. Le décalage observé entre les pratiques de communication personnelles des étudiants et celles qui ont cours dans le monde académique révèle, comme le propose Peraya, des conceptions épistémiques différentes. En tant qu’éducateurs, cette réalité n’est pas sans confronter nos valeurs et nos conceptions de l’apprentissage. Quelle manière d’apprendre en formation à distance ? En formation à distance universitaire, comment l’apprentissage se positionne-t-il aujourd’hui ? Pour rendre compte de l’état des pratiques de la formation à distance qui influencent l’apprentissage, nous nous permettons ici une brève rétrospective de ce que nous estimons être des grands jalons de son cheminement. Nous remontons aux années 1970, époque où on assiste à l’envol de la formation à distance par la création à travers le monde de nombreuses universités autonomes à distance (Rumble et Harry, 1982 ; Mugridge et Kaufman, 1986). Le projet et son idéal Soutenu par l’idéal de la démocratisation de l’éducation, le but des instigateurs des grands projets d’universités était de rendre la formation accessible à tous. Cette formation qui se devait d’être de qualité tout en représentant un coût minimal pour la société, devait également renouveler la pédagogie. La médiatisation des enseignements, à la fois un moyen de surmonter la distance et de réduire les coûts, s’avérait une stratégie pour diversifier les modes d’accès au savoir (Guillemet, 2007) et permettre à l’apprenant de s’émanciper du modèle de l’école. Cette vision pédagogique était portée par la volonté de faire vivre aux étudiants une expérience inédite ouvrant la voie à la construction d’un nouveau rapport au savoir. De manière autonome, l’étudiant allait découvrir ses propres capacités d’apprentissage, développer sa confiance en lui-même et renforcer son aptitude à l’auto-direction. Le défi était de taille. Pour le relever, un des moyens privilégiés fut la recherche. © Lavoisier | Téléchargé uploads/Science et Technologie/ dis-094-0619 3 .pdf
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- Publié le Jul 03, 2021
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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