DOSSIER INTERDISCIPLINARITÉ. PHILOSOPHIE ET SCIENCES DU COMPLEXE : DIALOGUE SUR
DOSSIER INTERDISCIPLINARITÉ. PHILOSOPHIE ET SCIENCES DU COMPLEXE : DIALOGUE SUR LES « DISCONTINUITÉS » Franck Varenne EDP Sciences | Natures Sciences Sociétés 2005/3 - Vol. 13 pages 291 à 295 ISSN 1240-1307 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2005-3-page-291.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Varenne Franck, « Dossier Interdisciplinarité. Philosophie et sciences du complexe : dialogue sur les « discontinuités » », Natures Sciences Sociétés, 2005/3 Vol. 13, p. 291-295. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour EDP Sciences. © EDP Sciences. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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Il nous invite alors à suspendre ces discontinuités entre disciplines à l’aide de modèles ou de langages choisis, en mettant en exergue quelques-uns des points forts du dialogue entre les deux auteurs de l’ouvrage. Il développe, en particulier, les opportunités et les limites de la modélisation dans la pratique de l’interdisciplinarité quand les chercheurs ont fait le choix de reconnaître la complexité des objets qu’ils cherchent à comprendre. La publication dans la rubrique « Forums » de cette note de lecture tient à l’importance du propos pour NSS, qui espère ainsi susciter le débat. La Rédaction Un ouvrage vient de paraître1 qui mérite plus com- mentaire, discussion et appel à réflexion que simple ré- sumé et proposition de librairie. Sans doute de nombreux lecteurs aimeront s’exprimer sur les thèmes qui y sont abordés. Pour notre part, nous voudrions apporter une première contribution à ce débat en en proposant ici un peu plus qu’un aperçu : un essai d’analyse et d’interpré- tation. Car, selon nous, il s’agit d’un livre qui fera date tant par la forme que par le contenu. Même si l’écriture en est limpide, le fil directeur peut en sembler complexe, toutefois. C’est à dessein. Si l’on fait l’hypothèse, sim- plificatrice, selon laquelle ce texte, écrit à quatre mains, avance la thèse que les objets désormais complexes de la science appellent une large approche interdisciplinaire (entre sciences, entre philosophies puis entre sciences et philosophies), on aura un écho certes fidèle, mais d’abord très affaibli, de la richesse et du véritable foisonnement Auteur correspondant : fvarenne@wanadoo.fr F. Varenne est professeur de philosophie au lycée militaire de Saint-Cyr et membre du groupe de recherche en épistémologie Academos, associé au Laboratoire de philosophie et histoire des sciences des Archives Poincaré (CNRS, UMR 7117). 1 Legay, J.-M., Schmid, A.-F., 2004. Philosophie de l’interdisci- plinarité : correspondance (1999-2004) sur la recherche scientifique, la modélisation et les objets complexes, Paris, Pétra, 302 p. de son propos. Car ce livre est à l’image de son objet. À la manière d’un poème, ce texte, véritable exercice d’interdisciplinarité en acte et qui nous semble unique en son genre, fait voir et ressentir ce dont il parle, à sa- voir cette sorte de « passion intime », de « secret ouvert » (p. 37) et commun qui anime conjointement aujourd’hui la philosophie des sciences la plus informée et la modé- lisation interdisciplinaire œuvrant dans les sciences du complexe. Comme le firent les poètes du préromantisme allemand, c’est en toute conscience et en toute résonance mutuelle (entre les deux auteurs) que ce livre est écrit à la manière d’une correspondance fragmentaire et ou- verte. Dans cette série de lettres-fragments échangées entre 1999 et 2004, le dialogue n’est pas immédiat, en effet. Il n’est donc pas faussement forcé. Les monologues sont souvent maintenus. Simplement, ils se croisent, se répondent ou s’interrompent successivement, formant comme un réseau serré de sens susceptible d’être abordé sous de multiples aspects et selon différentes hypothèses (complexité et complication, science et éthique, science et vérité, science et réel, science et complexité, disciplines et interdisciplinarités. . . ). Ces propos, à chaque fois person- nels donc, se répondent pourtant partiellement comme en un grand mouvement rhapsodique. Car il y a cette hypothèse partagée chez Legay et Schmid : en proposant Article published by EDP Sciences and available at http://www.edpsciences.org/nss or http://dx.doi.org/10.1051/nss:2005044 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.114.115.171 - 06/12/2012 10h20. © EDP Sciences Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 83.114.115.171 - 06/12/2012 10h20. © EDP Sciences 292 F. Varenne : Natures Sciences Sociétés 13, 291–295 (2005) là les prémisses d’une nouvelle manière de construire de la philosophie des sciences, de l’éthique des sciences et de l’épistémologie à la fois ciblée et engagée, il ne s’agit aucunement d’inaugurer une énième synthèse ou même de prôner aucune sorte d’exclusive en philosophie des sciences. Il était ainsi nécessaire de conserver la forme singulière de ces morceaux de réflexion personnelle et en acte (les lettres de cette correspondance), tout en les faisant se confronter en un livre unique. En fait, c’est toute une méthode de réflexion sur les pratiques tant scientifiques que philosophiques qui est ici proposée, en même temps qu’appliquée. Avant d’en venir à certaines de ses idées-forces, à son contenu, il nous paraît donc nécessaire de méditer un moment sur sa forme et de rassembler les quelques autres hypothèses qui nous semblent dessiner les contours de ce que l’on pourrait appeler de manière provisoire (et sans doute en- core insatisfaisante pour leurs auteurs) une « méthode » d’interdisciplinarité, à la fois ouverte et respectueuse, entre sciences et philosophies contemporaines. Une méthode d’interdisciplinarité S’il y a ici méthode, elle est minimale par respect pour son objet : elle est d’abord à prendre au sens du « che- min » dont nous parle l’étymologie (methodos = chemin). Les auteurs expérimentent leurs propos et circulent sur des chemins qui se croisent ou bifurquent. Mais, pour exposer plus simplement cette méthode que nous leur supposons, nous ferons nous-même une hypothèse de lecture (« philosopher par hypothèses » partielles et non par principes théoriques et à valeur générale est en effet une des suggestions majeures de l’épistémologie ouverte d’Anne-Françoise Schmid), sans prétendre par là dire le dernier mot sur cet ouvrage. Selon nous, en effet, c’est avec la notion de « discon- tinuités » que l’on peut faire ressortir la cohérence de ce projet véritablement inaugural. Les auteurs partagent cette idée que philosophies contemporaines et sciences du complexe doivent assumer les « discontinuités » qui les caractérisent désormais. Dire que la manière de conce- voir les frontières entre les disciplines doit être revue ne signifie pas, pour eux, que l’on s’approcheraitd’un savoir du réel, à la fois total, défragmenté et synthétique, cela à la manière des systèmes philosophiques des siècles pas- sés ou des réductionnismes (mécanicistes, par exemple) qui ont longtemps animé les sciences jusqu’à l’orée du XXe siècle. Cette reprise de la conception des frontières entre disciplines ne doit se faire ni au nom d’un réduc- tionnisme définitif (par le biais d’une destruction des frontières et des continuités supposées naturelles entre niveaux de réalité : entre le biologique et le sociologique, par exemple. . . ) ni au nom d’un relativisme sociologique radical. Ces dernières approches (réductionnisme et re- lativisme) gardent pourtant toute leur valeur, il ne s’agit donc pas de les exclure. Mais elle valent dans le cadre d’une philosophie des sciences minimale qui sait qu’il ne s’agit à chaque fois que d’hypothèses locales, d’angles de vue choisis, et non de principes généraux qui se préten- draient fondés en essence et en raison. La décision de l’hypothèse engage une coupure : là est la décision, là est le choix de « discontinuer » en quelque sorte. Ce que science et philosophie ont aujourd’hui en commun, c’est qu’elles n’ont ni l’une ni l’autre à recher- cher quelque chose de commun qui transcenderait leur pratique locale et leur performance, cette performance locale relevant toujours d’un acte décisionnel de rupture et d’institution d’hypothèses. À ce titre, la seule hypo- thèse qui serait vraiment contre-productive est celle qui se voudrait hégémonique : celle qui, prétendant surplom- ber les savoirs contemporains, se prendrait pour une théorie uploads/Science et Technologie/ dossier-interdisciplinarite-philosophie.pdf
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- Publié le Aoû 18, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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