Formation emploi Revue française de sciences sociales 117 | janvier-mars 2012 E
Formation emploi Revue française de sciences sociales 117 | janvier-mars 2012 Enseignement supérieur : les défis de la professionnalisation Jeunes diplômés en sciences : les déterminants de l’accès à la recherche-développement privée Young science graduates: determining factors for access to private research and development Wissenschaftliche hochschulabsolventen: Was ist für den zugang zur privaten forschung und entwicklung ausschlaggebend? Jóvenes graduados en ciencias: los determinantes del acceso al sector de investigación y desarrollo privado Claire Bonnard Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/3520 DOI : 10.4000/formationemploi.3520 ISSN : 2107-0946 Éditeur La Documentation française Édition imprimée Date de publication : 23 avril 2012 Pagination : 49-68 ISSN : 0759-6340 Référence électronique Claire Bonnard, « Jeunes diplômés en sciences : les déterminants de l’accès à la recherche- développement privée », Formation emploi [En ligne], 117 | janvier-mars 2012, mis en ligne le 06 juin 2012, consulté le 30 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/3520 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.3520 © Tous droits réservés N° 117 49 Jeunes diplômés en sciences : les déterminants de l’accès à la recherche-développement privée Claire Bonnard Attachée temporaire d’enseignement et de recherche en sciences économiques à l’IREDU (Institut de recherche sur l’éducation) – université de Bourgogne Résumé n Jeunes diplômés en sciences : les déterminants de l’accès à la recherche- développement privée L’accès des jeunes diplômés à la R&D (recherche et développement) privée est souvent présenté comme un enjeu majeur pour la compétitivité des pays. Nous analysons ici les déterminants de l’accès et des débuts de carrières dans la R&D en France. Nous utilisons les données de l’enquête nationale du Céreq de 2007 sur la « Génération 2004 », et un modèle de régression endogène à régime pour corriger un éventuel biais de sélection. Ainsi, le niveau de diplôme, et notamment l’accès au doctorat, est déterminant dans l’accès et la rémunération en R&D privée. En revanche, le doctorat ne procure aucun avantage salarial dans les autres secteurs. Pour les docteurs, l’expérience antérieure en entreprise, durant la thèse, est décisive, alors que pour les ingénieurs, seule la catégorie d’école d’ingénieurs joue un rôle. Enfin, pour les docteurs en sciences, en début de carrière, et contrairement aux diplômés d’écoles d’ingénieurs, la R&D est moins rémunératrice que les autres activités. Mots clés : recherche-développement • premier emploi • enquête d’insertion • doctorat • science pure Abstract n Young science graduates: determining factors for access to private research and development Young graduates’ access to private R&D (research and development) is often presented as a key issue in a nation’s competitiveness. Here, we analyse the determining factors regarding access to and early careers in R&D in France. We use data from the Céreq’s 2007 national survey covering the “Generation of 2004” and an endogenous switching regression model to adjust for any possible selection bias. We find that qualification level and, in particular, access to PhD research, plays a determining role in access private R&D and earnings. In contrast, holding a PhD does not lead to any advantage in terms of salary in other sectors. One decisive factor is the fact that PhD graduates have prior experience, during their thesis research, of working in companies, whereas for Engineers, there is a N° 117 50 DOSSIER significant difference only for the category of Engineering School graduates. Lastly, for a Doctor of Sciences, at the beginning of his or her career, and unlike Engineering School graduates, R&D pays less than other activities. Key words: research & development • first-time employment • school-to-work transition survey • PhD • pure science Journal of Economic Literature: O 32, J 24 Traduction : Provence Traduction La connaissance est considérée comme une ressource cruciale des entreprises. Ainsi, la façon d’attirer et de retenir les scientifiques et les ingénieurs revêt une importance capitale (Manolopoulos, 2006). En 2006, avec plus de 211 000 chercheurs en équivalent temps plein, la France se situe au 6ème rang mondial et à la seconde position au niveau de l’Union européenne (derrière l’Allemagne). En revanche, même si, depuis 1985, le nombre de chercheurs dans le privé a triplé, passant de 35 100 à plus de 108 000, la France accuse encore un retard important par rapport aux autres pays. Depuis les années 60, la pénurie d’ingénieurs et de scientifiques est souvent évoquée dans les médias. Elle est sujette à de nombreux débats dans la littérature académique, que ce soit aux États-Unis (Butz et al., 2003 ; Brown et al., 2008) ou au sein de l’Union européenne (Gago, 2004, Becker, 2010). De nombreux rapports font état d’une désaffectation à l’égard des matières scientifiques dans l’enseignement supérieur, notamment en France (Giret et al., 2006). Outre la ques- tion en termes d’offre de diplômés en S&I (Sciences et Ingénieries) se pose celle du choix de carrière de ces jeunes diplômés (Lavoie et Finnie, 1998). Aux USA, Lowell et Salzman (2007) ne constatent pas de pénurie en termes d’offre de diplômés ; en revanche, il sem- blerait que ces jeunes diplômés puissent être attirés par d’autres types de carrières plus attractives. Selon Murphy et al. (1991), la concentration d’individus les « plus talentueux » au sein des métiers de la finance ou du juridique peut être une des sources d’une moindre croissance de productivité pour un pays. Dès lors, il est pertinent de comprendre l’insertion des diplômés en sciences au sein des activités de R&D privée. Une difficulté réside dans l’incertitude sur la productivité de l’in- dividu, que nous pouvons supposer plus importante que dans le secteur hors recherche. Lors de l’embauche, il est difficile pour l’employeur d’évaluer les connaissances de l’indi- vidu et ses capacités à résoudre des problèmes ou plus généralement à innover (Zenger, Lazzarini, 2004). Rares sont les études sur la productivité du chercheur industriel. Nous pouvons nous interroger sur les facteurs qui déterminent l’accès à la R&D. En effet, lors du recrutement, l’employeur se base-t-il uniquement sur le capital humain de l’individu (signal « formel ») ou utilise-t-il d’autres sources d’informations telles que les réseaux N° 117 51 C. Bonnard, pp. 49-68 de l’individu (signal « informel ») ? Ces facteurs différent-ils selon le type de diplôme ? Comment le diplôme scientifique est-il valorisé au sein des activités de R&D ? L’analyse de l’accès à la R&D est confrontée à une difficulté : les diplômés travaillant dans le secteur recherche peuvent présenter une motivation différente, telle qu’une préférence pour la recherche, par rapport aux diplômés exerçant dans un autre secteur d’activité. Or, ce type de motivation est inobservable, ce qui risque d’entraîner des biais de sélec- tion. En effet, ces caractéristiques non observables sont susceptibles d’affecter à la fois le fait de travailler dans la R&D et le salaire des jeunes diplômés. Afin de corriger ces biais, nous utilisons un modèle de régression endogène (« endogenous switching regression ») ou encore appelé « Mover/stayer ». Cette méthode estime simultanément les fonctions de gains et l’équation de sélection par la méthode du maximum de vraisemblance à information complète (cf. encadré 1). Les données utilisées sont issues de l’enquête 2007 sur la « Génération 2004 », réalisée par le Céreq. Cette enquête concerne environ 33 000 individus interrogés en 2007 sur leur insertion professionnelle, soit trois ans après leur sortie du système éducatif. Nous nous intéressons ici uniquement aux diplômés possé- dant au moins un bac + 5 dans une discipline scientifique, et salariés du secteur privé, ce qui représente environ 1 500 individus dans l’échantillon. Dans un premier temps, les déterminants de l’accès aux emplois de R&D (cf. encadré 2) privée sont analysés pour l’ensemble des jeunes diplômés en sciences. Les modèles sont également estimés séparé- ment pour les docteurs et les diplômés d’écoles d’ingénieurs. Il s’agit de déterminer s’il existe une différenciation quant à la sélection dans les activités de R&D entre ces deux diplômes. Dans un second temps, la rémunération des jeunes diplômés est analysée dans le secteur recherche et hors recherche. Cette analyse permettra, en particulier, de comparer le rendement salarial des différents diplômes dans les deux types d’activités. Enfin, à partir des paramètres des modèles estimés, les salaires conditionnels et non conditionnels sont prédits ; cela permet de mesurer l’écart salarial entre les activités de R&D et les autres activités pour chaque diplôme. 1I Les déterminants de l’accès aux emplois de R&D Dans le secteur privé, lors du recrutement, il est malaisé pour l’employeur de déterminer la productivité du jeune chercheur. En effet, les tâches de l’ingénieur étant principale- ment cognitives, l’employeur peut difficilement évaluer les capacités du jeune scientifique à innover (Zenger et Lazzarini, 2004). Dans le secteur académique, la productivité du jeune chercheur est généralement estimée par le nombre de publications au cours de son doctorat (Levin et Stephan, 1991). Des études montrent qu’en France, le nombre de publications ne semble pas être un critère de recrutement dans le secteur privé (Giret et al., 2007 ; Mangematin, 2000). Dans cette partie, nous analysons les facteurs sur lesquels l’employeur peut s’appuyer. N° 117 52 DOSSIER Encadré 1 Méthodologie : Modèle de régression endogène Des travaux (Giret, Perret, Recotillet, 2003 et Lassibille, 2001) montrent l’existence de caractéris- tiques non observables uploads/Science et Technologie/ formationemploi-3520.pdf
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- Publié le Fev 19, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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