Actes de la recherche en sciences sociales Les prix Ig-Nobel Monsieur Yves Ging

Actes de la recherche en sciences sociales Les prix Ig-Nobel Monsieur Yves Gingras, Monsieur Lionel Vécrin Citer ce document / Cite this document : Gingras Yves, Vécrin Lionel. Les prix Ig-Nobel. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 141-142, mars 2002. Science. pp. 66-71; doi : https://doi.org/10.3406/arss.2002.2820 https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_2002_num_141_1_2820 Fichier pdf généré le 22/03/2019 Résumé Les prix Ig-Nobel. Le double tranchant de l'humour scientifique. En 1991, Marc Abrahams, informaticien et éditeur des Annals of Improbable Research (AIR), une revue d'humour et de parodie scientifique, rivale du Journal of Irreproducible Results (JIR), plus ancien, a créé les prix «Ig-Nobel» (lire: «ignoble») pour «honorer» des scientifiques, des institutions, des hommes publics ou même des illustres inconnus pour leur contribution à des recherches «qui ne peuvent pas ou ne devraient pas être reproduites». Ce faisant, le comité assimile en fait deux cas de figure sociologiquement différents. Le premier, celui des recherches qui ne peuvent pas être reproduites est en fait assez rare dans la liste des Ig-nobélisés. Il ne soulève pas vraiment de débat au sein du champ scientifique, car il ridiculise des recherches déjà critiquées par les pairs. L'humour permet alors de dénoncer, mais sous une forme respectable, la déviance. Le second cas de figure, soit les recherches qui ne devraient pas être reproduites, attire l'attention publique sur de véritables travaux parus dans des revues scientifiques évaluées par les pairs et qui normalement seraient passés inaperçus, au moins dans les médias. Il soulève davantage de critiques de la part de certains scientifiques car il peut être perçu comme une critique de travaux légitimes. L'interprétation donnée par les agents du «phénomène Ig-Nobel» dépend de leur position dans le champ scientifique. Zusammenfassung Der Ig-Nobel. Der zweischneidige naturwissenschaftliche Humor. Marc Abrahams, Informatiker und Herausgeber der humoristischen Zeitschrift für Wissenschaftsparodie Annals of Improbable Research (AIR), der Konkurrentin der älteren Zeitschrift Journal of Irreproducible Results, rief 1991 den sogenannten «Ig-Nobel» (=Ignoble, d.h. unwurdig) ins Leben, um Wissenschaftler, Institutionen, bekannte oder selbst illustre unbekannte Männer für Forschungsbeiträge zu «ehren», die «nicht wiederholt werden können oder nicht wiederholt werden durften». In dieser Formulierung führt das Kommittee zwei soziologisch eigentlich unterschiedliche Figuren zusammen. Der erste Typus, der Forschungen, die nicht wiederholt werden können, taucht ausgesprochen selten auf der Liste der mit dem «Ig-Nobel» Ausgezeichneten auf. Er wirft keine wirkliche Debatte innerhalb des wissenschaftlichen Feldes auf, da hier Forschungen ins Lächerliche gezogen werden, die schon von den Standesgenossen kritisiert wurden. Der Humor erlaubt hier, auf respektable Weise eine Abweichung anzuzeigen. Der zweite Typus hingegen, der Forschungen, die nicht wiederholt werden durften, zieht die öffentliche Aufmerksamkeit auf tatsächlich in wissenschaftlichen, Zeitschriften veröffentlichte und so von den Standesgenossen rezipierte Arbeiten, die ansonsten zumindest in den Medien unbeachtet geblieben sind. Er wirft stärkere wissenschaftlicher Kritik auf, da er eine Kritik légitimer Arbeiten zu sein scheint. Wie wir zeigen, hängen die fur das Phänomen «Ig-Noble» gegebenen Erklärungen von der jeweiligen Position im wissenschaftlichen Feld ab. Resumen Los premios Ig-Nobel. El doble filo del humor científico. En 1991, Marc Abrahams, informático y editor de Annals of Improbable Research (AIR), una revista de humor y parodia científica, rival de la más antigua Journal of Irreprodu cible Results (JIR), creó los premios «Ig-Nobel» (de «ignoble», o sea, innoble, despreciable) para «honrar» a científicos, instituciones, hombres públicos y hasta ilustres desconocidos por su contribución a las investigaciones « que no pueden ser reproducidas o no deberían serlo ». Al crear dichos premios, el comité de la revista equipara de hecho dos casos diferentes desde el punto de vista sociológico. El primero, que corresponde a las investigaciones que no pueden ser reproducidas, es en realidad poco frecuente entre los galardonados con el Ig-Nobel. Tampoco suscita un verdadero debate en el campo científico, ya que pone en ridículo investigaciones previamente criticadas por los pares. El humor permite entonces denunciar, pero en debida forma, aquello que se aparta de los cánones de la ciencia. El segundo caso, es decir, las investigaciones que no deberían ser reproducidas, dirige la atención del público hacia verdaderos trabajos publicados en revistas científicas evaluadas por los pares, trabajos que normalmente habrían pasado inadvertidos, por lo menos en los medios de comunicación. Este caso genera más reacciones adversas por parte de ciertos científicos, ya que puede ser percibido como una critica de trabajos legítimos. Según los autores del artículo, la interpretación del « fenómeno Ig-Nobel» depende de la posición que ocupan los distintos agentes en el campo científico. Abstract The Ig-Nobel prize. The double-edge of scientific humor. In 1991, Marc Abrahams, computer-scientist and editor of the Annals of Improbable Research (AIR), a journal of scientific humor and parody, rival of the older Journal of Irreproducible Results (JIR), created the «Ig-Noble prize» to «honor» scientists, institutions and any other people illustrious or unknown for their contributions to research that «could not or should not be reproduced». Through his selection, the prize committee mixes two sociologically different cases: the first, involving research that could not be reproduced, is in fact relatively rare in the list of nominees. It is not much disputed inside the scientific field as it «honors» research already criticised and ostracised within the field as «non-scientific». In this case, humor is an euphemistic way to denounce and recall to order deviant scientists. The second case, research that «should not be reproduced», brings to public attention peer-reviewed scientific results which would not have normally been brought under the light of the media. This case is more delicate as it could be perceived by scientists as a criticism of legitimate work. The interpretation given by different agents to the «Ig-Nobel» phenomena is related to their position in the scientific field. Frédéric Lebaron • Yves Gingras et Lionel Vécrin autant un processus de «dénationalisation»19. Les caractéristiques des lauréats du prix de science économique font au contraire apparaître une américanisation incontestable depuis 1969 (voir graphique). Le « prix Nobel d'économie » contribue avec force à l'imposition et à la généralisation d'une conception particulière de la discipline économique. Il facilite la promotion d'une vision en affinité avec la philosophie sociale libérale de l'ordre économique, que ses lauréats conçoivent comme un ensemble de marchés et d'acteurs rationnels qui cherchent à tirer le meilleur parti de leur dotation initiale. Depuis sa création, le prix a de moins en moins consacré des économistes « keynésiens » et de plus en plus des « ultralibéraux » ; parallèlement, il se déplaçait dans l'espace mondial, de l'Europe et de Harvard vers Chicago et Columbia et les lauréats étaient de plus en plus souvent passés au cours de leur carrière par le monde de l'entreprise privée et de moins en moins par le champ politique ou bureaucratique. Les « prix Nobel » d'économie vivants ne se contentent d'ailleurs pas d'incarner aujourd'hui la conception dominante de la théorie néoclassique, dans toutes ses variantes intellectuelles, des plus critiques aux plus conservatrices, de Cambridge à Chicago : ils sont aussi pour la plupart disposés à répondre à la demande médiatique et politique de prises de position sur l'avenir (économique et politique) du monde, à l'image de Milton Friedman prophétisant l'échec certain de l'euro. En 2000, il n'y a pas eu moins de sept lauréats américains du « prix Nobel de science économique » qui sont intervenus dans la campagne présidentielle américaine pour soutenir leur candidat, le républicain George W. Bush : à côté du ferme soutien des compagnies les plus puissantes, il pouvait ainsi s'autoriser de l'appui non moins solide d'un échantillon important, quoique non représentatif, d'éminents représentants de la science économique contemporaine20. 19 - Voir E. Crawford, T. Shinn et S. Sôrlin (sous la dir. de), Denationalizing Science, op. cit. 20 - Les « Nobel d'économie » sont très sollicités par les journalistes et les responsables politiques. On peut donc s'étonner que seuls sept d'entre eux aient accepté de soutenir le candidat le plus clairement acquis à l'économie de marché, alors que quelques-uns voient, parfois malgré eux, leur nom associé à des organisations critiques (Tobin) ou sont même considérés comme des contestataires lorsqu'ils remettent en cause, quoique fort timidement, les « effets de la mondialisation » (Stiglitz). Yves Gingras et Lionel Vécrin Les prix Ig-Nobel LE DOUBLE TRANCHANT DE L HUMOUR SCIENTIFIQUE es prix Nobel n'ont plus besoin de présentation. Ils sont rapidement devenus, depuis leur création en 1901, l'incarnation même de la science officielle et donc «sérieuse». En 1991, Marc Abrahams, informaticien et éditeur ď Annals of Improbable Research (AIR), une revue d'humour et de parodie scientifique, rivale du Journal of Irreproducible Results (JIR), plus ancien, a créé les prix «Ig-Nobel» (lire «ignoble») pour «honorer» des scientifiques, des institutions, des hommes publics ou même des illustres inconnus pour leur contribution à des recherches « qui ne peuvent pas ou ne devraient pas être reproduites»1. Peu connue à ses débuts en 1991, la cérémonie d'attribution des Ig-Nobel a lieu habituellement début octobre, soit à peu près au moment de l'annonce des véritables prix Nobel. Après s'être déroulée sur le campus du célèbre MIT à Boston, l'employeur d'Abrahams, elle s'est déplacée quatre ans plus tard, pour des raisons obscures de uploads/Science et Technologie/ gingras-yves-vecrin-lionel-les-prix-ig-nobel 1 .pdf

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