Université Montpellier II Année universitaire 2013-2014 Mémoire de Master 2 Rec

Université Montpellier II Année universitaire 2013-2014 Mémoire de Master 2 Recherche Construction, Communication et Appropriation des Savoirs Scientifiques et Techniques Université Montpellier II, Université Claude Bernard Lyon 1, École Normale Supérieure-Lettres et Sciences humaines Mention "Histoire, Philosophie et Didactique des Sciences" Shani PENTURE Date de soutenance: 15 septembre 2014 Membres du jury : Jean-Louis FISCHER (rapporteur) Jonathan SIMON Manuel BACHTOLD Directeur de mémoire : Olivier PERRU Laboratoire de rattachement: LIRDEF, Équipe d’accueil n° 749 (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Education et Formation – Composante Didactique et Socialisation) L'avènement de la tératologie au XIXe siècle: Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) et ses successeurs. REMERCIEMENTS Ce mémoire est le fruit d'un travail de recherche qui s'est étalé sur deux années. Je tiens d'abord à remercier mon directeur de mémoire de Master 2, M. Olivier Perru de l'Université Lyon I, pour sa disponibilité, sa grande réactivité à mes sollicitations malgré la distance et ses encouragements. J'adresse aussi mes remerciements à M. Pascal Duris de l'Université Bordeaux I grâce à qui j'ai appris avec plaisir les fondamentaux de l'Histoire des sciences et de la recherche en Master 1. Je remercie également M. Pascal Nouvel de l'Université Paul Valéry de m'avoir convaincue de poursuivre sur le sujet de la tératologie cette année. Merci à M. Fischer pour son expertise et ses précieuses informations. Je tiens aussi à exprimer ma gratitude envers Mme Elizabeth Denton qui m'a aiguillée dans le fonds ancien de la Bibliothèque de l'Université Montpellier II durant mes recherches préliminaires. Je suis aussi reconnaissante envers les bibliothécaires de la Médiathèque Émile Zola pour leur aide dans mes recherches dans le fond patrimonial. Enfin, je remercie mes proches pour leur soutien inconditionnel ainsi que leurs relectures enthousiastes et corrections attentives de ce mémoire. 2 SOMMAIRE Introduction.............................................................................................................................. 3 PARTIE I: La fondation de la tératologie scientifique par Isidore Geoffroy Saint- Hilaire........................................................................................................................................ 6 1-Éléments de biographie et de bibliographie....................................................................... 6 1.1) Héritage paternel et productions personnelles.................................................................... 6 1.2) Carrière et statut dans la communauté savante................................................................... 9 2- Premières publications sur la tératologie........................................................................ 12 2.1)Thèse de médecine et travaux préliminaires: 1829-1830.................................................. 12 2.2) Le Traité de tératologie: 1832-1837................................................................................. 18 3- Originalité de la nouvelle tératologie............................................................................... 26 3.1) Démarche positiviste........................................................................................................ 26 3.2) Vers une théorie synthétique du vivant ?.......................................................................... 30 PARTIE II: Qui reprend le flambeau de la tératologie et pourquoi ?.............................. 34 1- Premières extensions de la tératologie au monde végétal.............................................. 35 1.1) Alfred Moquin-Tandon (1804-1863)................................................................................ 35 1.2.) Charles Frédéric Martins (1806-1889)............................................................................ 38 2- La tératologie dans les débats sur la notion d'espèce et le transformisme................... 40 2.1) Marie-Adolphe Gubler (1821-1879)................................................................................ 40 2.2) Louis-Adolphe Bertillon (1821-1883).............................................................................. 43 3- État des lieux en 1886: le Dr Augustin-René Princeteau présente les Progrès de la tératologie depuis Isidore Geoffroy Saint-Hilaire.................................................................. 47 4- Le second souffle de la tératologie expérimentale: Camille Dareste (1822-1899)........ 50 Conclusion............................................................................................................................... 56 Bibliographie.......................................................................................................................... 57 Table des annexes................................................................................................................... 64 3 Introduction. Au XIXe siècle, il est d'usage dans les sciences de parler de « loi » pour signifier une régularité dans les phénomènes naturels. Cette tradition n'est pas récente et on peut citer les lois de Kepler à partir de 1609, les principes de Newton en 1687 pour l'astronomie, la loi de Lavoisier en chimie depuis 1789 ou encore la loi d'Ampère en électrodynamique. Leurs énoncés, souvent résumés en une formule percutante, sont élaborés à partir d'observations particulières, comme l'orbite d'une planète ou la combustion d'un matériau, puis généralisés à une plus vaste catégorie de phénomènes1. Les lois sont donc descriptives, mais aussi prédictives et prohibitives: elles prévoient ce que l'on peut observer dans la nature et ce qui ne doit, en théorie, pas se produire. Dans le cadre créationniste et fixiste de l'époque, cette généralisation est possible en partant du principe que le fonctionnement du monde est établi par Dieu et immuable depuis la Création. On dit d'ailleurs que tel savant a « découvert » une loi, ce qui sous-entend que celle-ci préexiste et n'est que mise au jour par la raison humaine. Les lois paraissent plutôt bien rendre compte du mouvement des objets et des transformations de la matière inerte, qu'il est souvent possible de modéliser par des relations mathématiques ou des dispositifs artificiels. La complexité des organismes vivants en revanche semble se dérober à la rigidité des expressions numériques et des relations de causalité linéaires. Des naturalistes ont quand même mis un point d'honneur au siècle précédent à trouver un ordre de la nature qui puisse aussi s'appliquer aux corps animés. En 1735 par exemple, Linné (1707-1778) propose dans le Systema naturae une classification très hiérarchisée des règnes animal et végétal, sans oublier le minéral, à partir de critères et de noms latins qui permettent de discriminer clairement une espèce d'une autre. Il s'éloigne ainsi des classifications habituellement plus généralistes2, utilitaires et vernaculaires. Chercher à ranger plus méthodiquement les objets d'étude de la zoologie et la botanique, c'est rendre enfin justice à Dieu: qui oserait encore sous-entendre que sa création ne serait qu'un fouillis de vie grouillante sans logique ni direction? Trouver enfin une organisation transcendante au vivant n'est peut-être qu'une question de temps, car au début du XIXe siècle, certains sont 1 La prévision des phénomènes du monde grâce à l'induction est basée sur la supposition que certains évènements de la nature sont répétitifs et réguliers, comme le lever du soleil ou la révolution des planètes. « Induction. Jugement par lequel on conclut du particulier au général ou des faits aux lois. [...] L'induction considérée comme fonction intellectuelle [...] ne peut conduire qu'à des résultats de plus en plus probables, mais qu'elle ne saurait atteindre par elle-même à aucune certitude.» D'après le Dictionnaire des sciences mathématiques pures et appliquées, t. 2, Paris, A.-J. Denain, 1836. 2 DURIS P., « Célébrer le tricentenaire de la naissance de Linné? », Cahiers d'Épistémé, Bordeaux, 2008, n°2, pp. 107-124. 4 déterminés à faire plier devant des lois régulières la diversité étourdissante de la nature. À contre-courant de la philosophie vitaliste3, des savants tentent par exemple de réduire la physiologie et la sensorialité des organismes à des réactions et des mécanismes physico- chimiques. Il reste cependant des animaux et des formes humaines qui semblent échapper à toute loi zoologique. En effet, les êtres anormaux qui suscitent le dégoût ou la stupeur, alors appelés sans détour des « monstres », sont le plus souvent considérés comme des aberrations de la nature4. Cette dernière paraît enfreindre ses propres règles en produisant des assemblages insolites de membres, des individus siamois ou hermaphrodites et mêmes des nouveaux-nés sans tête. Les enfants monstrueux sont relégués dès leur naissance à la marge de l'humanité5, cachés par leurs parents honteux ou exposés comme bêtes de foire. Ils appartiennent au domaine du merveilleux, ou du cauchemardesque, et sont dédaignés par les savants qui recherchent la régularité dans le vivant et pas les cas exceptionnels qu'ils ne savent pas à quoi rattacher. Des naturalistes, comme Buffon (1707-1788), ont tout de même proposé des classifications des monstres selon leur type de difformité: par excès ou par absence d'un organe, par la position inhabituelle d'un membre etc. Ces distinctions, pratiques en médecine pour les démonstrations et les dissections, réunissent des individus hétéroclites selon leur morphologie mais sans aucun rapport avec leur espèce d'origine. A la fin des années 1820, un savant français se présente comme un réformateur de la zoologie et de l'anatomie, capable de proposer une classification naturelle des monstres et surtout de déterminer les causes rationnelles de l'anomalie. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) entend former, à partir des bases jetées par quelques prédécesseurs français et allemands, la « tératologie », c'est-à-dire une véritable et rigoureuse science des monstres, rompant définitivement avec les superstitions du passé. Avec les méthodes déjà utilisées dans d'autres sciences, il veut intégrer les êtres anormaux à la classification usuelle du règne animal en démontrant qu'ils sont aussi soumis à des lois. Cet aspect de l'œuvre d'Isidore Geoffroy 3 « [Un] Vitaliste est un homme qui reconnaît que les phénomènes caractéristiques du corps vivant ne peuvent pas s'expliquer par les lois connues de la physique et de la chimie. » D'après CUNIER Florent, « Doctrine médicale de Montpellier sur la nature de la maladie », Annales de médecine belge et étrangère, tome 3, Bruxelles, Bureau du journal, 1837, pp. 1-6. 4 « Monstre: animal qui a une conformation contraire à l'ordre de la nature. [...] Cette femme a accouché d'un monstre. Cet enfant a trois yeux c'est un monstre.» D'après le Dictionnaire de l'Académie de la Langue Françoise, v. 2, 5e édiditon, Paris, J. J. Smits & Cie, 1798. 5 L'abbé Dinouart rappelle à ses confrères la nécessité de baptiser les monstres pour leur permettre un éventuel salut malgré leur aspect inhumain. Ils doivent donc systématiquement recevoir le sacrement du baptême selon cette formule prudente: « Si tu es homme, je te baptise. » D'après DINOUART Abbé, Abrégé de l'embryologie sacrée ou Traité du devoir des prêtres, Paris, Nyon, 1766, p. 213. 5 Saint-Hilaire est bien souvent évoqué rapidement ou même passé sous silence au profit de ses études sur les mammifères ou sur l'acclimatation des uploads/Science et Technologie/ lavenement-de-la-teratologie-au-xixe-sie-pdf.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager