1 Les professeurs du Muséum et l’organisation de l’enseignement des sciences Ni

1 Les professeurs du Muséum et l’organisation de l’enseignement des sciences Nicole Hulin Centre Alexandre Koyré Introduction Au XIXe siècle un dialogue s’est instauré entre le pouvoir politique et le monde scientifique. En centrant l’intérêt sur les domaines d’intervention des professeurs on aborde des aspects variés de l’organisation de l’enseignement scientifique. Ici l’intérêt se porte sur les professeurs titulaires d’une chaire au Muséum d’histoire naturelle ou autres scientifiques qui ont eu un lien avec cette institution. Dans une première partie nous abordons les lignes générales de l’évolution de l’enseignement scientifique, puis dans une deuxième partie nous traitons de questions liées à la pédagogie des sciences naturelles. Première partie 1. Plaidoyer pour les sciences [2] [7] Au XIXe siècle un premier objectif est de convaincre de développer l’enseignement scientifique, ce qui implique de convaincre d’abord de l’utilité générale des sciences. Georges Cuvier (1769-1832) [chaire 1802] s’y emploie en profitant d’un article, publié dans le Moniteur en 1807, où il analyse le Traité élémentaire de minéralogie qu’Alexandre Brongniart (1770-1813) avait été chargé de rédiger par le Gouvernement pour l’enseignement dans les lycées (créés en 1802). En introduction Cuvier traite de la part à faire aux sciences et aux lettres dans l’instruction en présentant un plaidoyer pour les sciences dont il souligne l’utilité. Sous le Consulat, conjointement avec Jean-Baptiste Delambre, il avait conseillé Pierre-Louis Roeder, directeur de l’Instruction publique, pour un projet d’organisation établissant le triple enseignement des sciences mathématiques et des sciences de la nature – sciences physiques et naturelles. Les lignes du plaidoyer de Cuvier publié en 1807 seront reprises par Hippolyte Fortoul, sous le Second Empire, pour conclure les instructions de 1854 qui accompagnent le nouveau plan d’études établi par le décret d’avril 1852. Juste après la promulgation de ce décret, un discours prononcé par Armand Quatrefages de Bréau (1810-1892) [chaire 1855] fait écho aux propos de Cuvier tout en insistant sur les bienfaits des applications de la science. 2 2. Place des sciences naturelles [6] Le début du XIXe siècle est marqué par la prééminence accordée à la culture littéraire et la place réduite accordée aux sciences de la nature, l’histoire naturelle occupant une place modeste et indécise. Sous la Monarchie de Juillet pendant le premier ministère (1837-1839) d’Achille de Salvandy, le Conseil Royal, abordant la question de l’enseignement scientifique, s’interroge sur les modifications à apporter à l’enseignement de l’histoire naturelle et décide de le laisser dans les classes inférieures tout en réformant les programmes. Cette question avait été abordée par Frédéric Cuvier (1773-1838) [responsable de la Ménagerie du Muséum], dans un article de janvier 1838 dans le Journal des savants, expliquant : « Il existe deux manières d’enseigner : empiriquement et scientifiquement. La première excite la curiosité et conduit à la connaissance de faits et de généralités sans exiger d’effort sérieux de raisonnement. Elle convient à tous les âges, donc aux classes de 6e et de 5e. La seconde instruit par un travail méthodique, elle exige le concours des autres sciences pour comprendre la plupart des phénomènes naturels : elle ne convient qu’aux classes supérieures. » En 1840, sous le ministère de Victor Cousin, l’enseignement scientifique est reporté en classe de philosophie et, pour l’histoire naturelle, il est recommandé de faire les liaisons avec les enseignements de physique et de chimie ainsi que de philosophie. L’organisation de l’agrégation des lycées est caractéristique de la situation faite à l’histoire naturelle. Celle-ci ne comporte pas d’histoire naturelle jusqu’à l’instauration, en 1840 par Victor Cousin, d’une double spécialisation (mathématiques, sciences physiques et naturelles) [épreuves composition, argumentation, leçon] avec, dans cette dernière, trois compositions dont une d’histoire naturelle. Toujours en 1840 est créée l’agrégation des facultés pour recruter les suppléants des professeurs de facultés, agrégation complètement spécialisée, ce concours exigeant des candidats le doctorat dans la discipline. Au jury du concours de 1840 pour les sciences naturelles, on trouve le botaniste Charles-François de Mirbel (1776-1854) [aide naturaliste au Muséum 1796], les zoologistes Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861) [chaire 1841], Henri Milne Edwards (1805-1885) [chaire 1841], Jean-Victor Audouin (1797-1841) [chaire 1833]. Pour l’épreuve d’argumentation (une des trois épreuves avec la composition et les leçons) une liste de questions est établie avec la collaboration des zoologistes Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et Achille Valenciennes (1794-1865) [chaire 1832]. Un second concours sera organisé en 1847. Les questions retenues pour l’argumentation sont plus nombreuses qu’en 1840, 26 au lieu de 16 précédemment ; des questions de 1840 sont reprises ou éclatées en deux mais un renouvellement important est 3 opéré. La notion de classification, présente trois fois en 1840, disparaît en 1847 et des questions nouvelles sont introduites comme celle sur « l’influence de la méthode expérimentale sur les progrès de la physiologie ». Des changements apparaissent liés à l’évolution de la science. 3. Plan d’études des collèges [1] S’agissant des études dans les collèges royaux, la nécessité va apparaître de les diversifier et de constituer un enseignement distinct de l’enseignement classique. Sous le deuxième ministère (1845-1848) Salvandy est constituée, en novembre 1846, une Commission pour examiner les développements à donner aux enseignements scientifiques. Henri Milne Edwards (1800-1885) [chaire 1841] est membre de cette Commission dont Jean- Baptiste Dumas est le président et le rapporteur. En janvier 1847 sont publiées dans La Presse des lettres sur l’organisation de l’enseignement scientifique dont une de Milne Edwards. Le rapport sera remis par Dumas en avril 1847. Dans le plan d’études proposé, à l’issue de la classe de 4e, l’élève peut poursuivre son cursus au sein du « collège littéraire » ou entrer au « collège scientifique », cette deuxième voie est plus courte d’une année que la première et est sanctionné par un diplôme de bachelier. Ces propositions ont reçu un début d’application par le statut de mars 1847, avec l’instauration à partir de la 3e, à côté du « cours régulier des études classiques » d’un « enseignement spécial ». Toutefois cette voie n’est pas sanctionnée par un diplôme. Dans une lettre adressée au Ministre et contresignée par Milne Edwards, Dumas laisse percevoir sa déception : « Le plan d’études scientifiques que le Conseil royal a adopté diffère à peine de celui que la Commission avait élaboré. Bien organisé, […] consacré par la sanction définitive et officielle d’un grade universitaire son succès n’est pas douteux. » Les idées, exposées par Dumas dans le rapport de 1847, vont trouver un nouveau champ d’application avec la réforme de la « bifurcation des études » mise en place par le ministre Hippolyte Fortoul sous le Second Empire. Dumas dira alors que tous ses efforts antérieurs ont été « entravés par des lenteurs calculées, rendus stériles au moment même de l’exécution par des déviations habiles ». Avec la réforme Fortoul (décret d’avril 1852), après la classe de 4e sont établies deux sections – lettres et sciences – équivalentes par la durée et la sanction des études, le baccalauréat ès sciences étant désormais indépendant du baccalauréat ès lettres. Une Commission (« commission mixte ») est constituée en juin 1852, à laquelle appartient Adolphe Brongniart (1801-1876) [chaire 1833] ; elle remet son rapport en juillet et les programmes sont publiés en août. 4 4. Agrégation des lycées [6] Conjointement avec la réforme de la « bifurcation des études » l’agrégation des lycées est profondément modifiée : unicité de l’agrégation associée à un souci d’équilibre entre les disciplines, suppression de l’argumentation et instauration d’épreuves pratiques, Trois compositions constituent les épreuves préparatoires, et les épreuves définitives comprennent : les épreuves pratiques constituées de deux opérations, deux leçons la « grande » [sujet 24 h à l’avance], qui porte sur la partie des sciences non retenue dans les épreuves pratiques, et la « petite » [improvisée], appréciation des 2 leçons d’un autre candidat. Le jury (pléthorique) se répartit la correction des compositions suivant les spécialités ; ainsi en 1853 pour les sciences naturelles ce sont Adolphe Brongniart, Gabriel Delafosse (1796-1878) [chaire 1857], Armand de Quatrefages de Bréau qui s’en chargent. Confiée au chimiste Dumas en 1853, au mathématicien Urbain Le Verrier en 1854, la présidence du jury revient à Adolphe Brongniart en 1855 ; celui-ci rédigera deux rapports à l’issue du concours. Le premier rapport porte sur les résultats du concours de 1855 avec un commentaire sur les différentes épreuves, et dans le deuxième rapport il formule des critiques sur l’organisation du concours dont il a constaté certains défauts après trois années de participation, puis il fait des propositions pour sa réorganisation. Brongniart explique que l’appréciation des leçons par un autre candidat est difficile à juger par le jury, et que seule une des épreuves pratiques et la leçon improvisée « épreuves qui sont réellement en rapport avec la nature des études et de l’enseignement du candidat » ont une vraie valeur. Il écrit : « Il me paraît qu’à vouloir trop généraliser les connaissances des candidats, on abaisse leur niveau dans la spécialité d’enseignement dont ils sont chargés dans les lycées et on rend l’appréciation de leur mérite réel très difficile par le jury. » Le règlement de 1855 apportent des modifications qui répondent aux critiques formulées par uploads/Science et Technologie/ les-professeurs-du-museum-et-l-x27-organisation-de-l-x27-enseignement-des-sciences.pdf

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