Revue française de pédagogie L'organisation du temps à l'école et perspectives

Revue française de pédagogie L'organisation du temps à l'école et perspectives : Modalités d'une recherche-action Aniko Husti Citer ce document / Cite this document : Husti Aniko. L'organisation du temps à l'école et perspectives : Modalités d'une recherche-action . In: Revue française de pédagogie, volume 67, 1984. pp. 91-99; doi : https://doi.org/10.3406/rfp.1984.2333 https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1984_num_67_1_2333 Fichier pdf généré le 24/12/2018 REVUE FRANÇAISE DE PEDAGOGIE N° 67, avril-mai-juin 1984 - 91-99 CARREFOUR CHERCHEURS-PRATICIENS L'organisation du temps à l'école et perspectives : Modalités d'une recherche-action . Le but de la recherche dans tous les domaines, scientifique, sociologique, médical, pédagogique, est de découvrir un champ d'investigation nouveau, de faire resurgir des démarches novatrices, de trouver un axe original, une optique inattendue par rapport à ce qui existe, ce qui est connu et trop généralisé, pour faire évoluer les idées et les pratiques dépassées, enlisées dans les habitudes, et devenues peu efficaces. Une recherche doit être un jalon sur le chemin long et tortueux du renouvellement d'un système. La naissance d'une idée, d'un processus nouveau s'apparente à une création. La formulation des hypothèses est la dernière étape d'un mûrissement intérieur, aidé, comme le dit Claude Bernard, par l'intuition. La « recherche-action » vise l'expérimentation immédiate en milieu scolaire d'un concept nouveau, elle veut être l'agent direct de l'adaptation de l'école à son époque. La rapidité des changements technologiques et la profondeur des mutations sociales accusent des décalages impardonnables avec le système éducatif. L'expérimentation est un dialogue entre les hypothèses et la pratique, et elle implique dans un but commun enseignants, chercheurs, élèves, parents. Dans cet ensemble les interactions sont multiples entre les partenaires dont les rôles apparaissent dans une complémentarité enrichissante. Le témoignage des collègues qui participent à la recherche et à l'expérimentation sur « L'organisation du temps à l'école » approfondira ci-dessous leur propre point de vue, cet article ne pouvant traiter que quelques aspects de cette action. La part du chercheur a été dans ce cas l'élaboration d'un concept nouveau de l'utilisation du temps scolaire. La base théorique d'une recherche doit ouvrir un champ de réflexion très large et complexe à partir duquel les équipes, les établissements peuvent choisir eux-mêmes leurs propres formules d'expérimentation. La conceptualisation permet de présenter la problématique d'une façon élargie et d'éviter de proposer « le modèle » tout fait, avec pour corollaires des effets réducteurs inévitables. Le modèle — une proposition trop limitée, fixe et ponctuelle — prive ceux qui expérimentent de l'essentiel de l'innovation, c'est-à-dire de l'imagination et de la création ; l'application d'un modèle, aussi intéressant qu'il soit, restera toujours une répétition. La mise en pratique du concept apporte continuellement des observations, des doutes, des questions, des remarques indispensables pour approfondir l'idée de base. Ce lien constant entre théorisation et application est un des aspects les plus intéressants et exceptionnellement motivants de la situation de l'expérimentation. Il permet également d'éviter la distorsion de l'expérimentation et de ne pas s'éloigner des objectifs. 91 LE CONCEPT L'hypothèse de base formule l'idée que « le temps » est une variable significative de l'apprentissage — très peu observée jusqu'ici dans l'enseignement — et qu'il existe une relation étroite entre une théorie d'apprentissage et son utilisation du temps scolaire. Le concept concerne : — la variabilité de la durée de la séquence d'enseignement ; — le découpage de la journée et de l'année scolaire ; — le rythme de la progression des matières enseignées ; — le morcellement et la continuité d'un apprentissage ; — les liaisons entre méthode d'enseignement et emploi du temps, etc. Le type d'emploi du temps utilisé est le reflet fidèle des principes pédagogiques, psychologiques, biologiques, sociologiques d'une conception d'enseignement. La pratique systématisée de découpage de la journée scolaire invariablement en « heures de cours » indique clairement, selon l'expression consacrée, que « l'heure » est la durée adéquate pour « faire cours ». Il devient donc évident que des méthodes et des approches différentes du « cours » — qu'il s'agisse de l'utilisation des moyens audiovisuels, du travail de groupe, de l'ouverture sur l'extérieur, de l'utilisation des documents, de l'interdisciplinarité, etc. — se heurtent inévitablement à la conception généralisée du « saucissonage » du contenu d'enseignement et donc du temps. Ce type d'emploi du temps représente un blocage majeur devant le renouvellement des méthodes d'enseignement, donc des relations et du climat du travail scolaire. Les élèves en rang, le tableau noir et la sonnerie toutes les heures n'incitent pas à des attitudes, des comportements et des méthodes repensées et novatrices. « Le cours » apparaît être aujourd'hui une pratique d'enseignement usée et singulièrement dépassée, centrée essentiellement sur le professeur et mettant l'élève dans une situation de passivité forcée. La conception habituelle et acceptée du morcellement unanime de tout l'apprentissage en « heures », donc la construction de l'emploi du temps uniquement par séquences en « heures » aboutit inévitablement à une organisation rigide, figée et répétitive qui reste la même dans ses principes de la 6e jusqu'à la terminale, aussi étonnant que cela puisse paraître. L'EXPÉRIMENTATION Le concept de l'organisation mobile, variable et souple du temps comme déclencheur d'un processus d'innovation en chaîne, a rencontré au début de la recherche, il y a près de cinq ans, une très forte réticence, voire de doute et de stupéfaction par rapport à la construction horaire. La forme habituelle de l'emploi du temps est ancrée à un tel point dans les esprits et dans les pratiques qu'il paraissait impossible, incroyablement osé et peu probable de le concevoir, de l'imaginer et de le faire « autrement ». L'importance du scepticisme mesurait la profondeur de l'habitude. Mais quelques équipes d'enseignants et de chefs d'établissement, qui partageaient entièrement les idées de base et désiraient gérer « autrement » leurs « heures » — au collège et au lycée, pour toutes disciplines — ont « osé » expérimenter ces hypothèses. « Depuis plus de vingt ans, à toutes les rentrées scolaires, je répartis au mieux des heures de français ou de mathématique dahs un créneau horaire forgé par l'habitude, j'aligne des « heures de cours » sur un planning en essayant de satisfaire des fiches de vœux. Mais l'expérimentation m'a demandé, à l'analyste que je suis, venant au secours du principal adjoint traditionaliste que j'étais, d'appliquer une procédure 92 nouvelle pour l'emploi du temps où le « temps » devient un outil à la disposition d'une équipe pédagogique. » (M. Daniel, Carros-le-Neuf). Au point de vue technique il existe plusieurs possibilités pour assurer et prévoir cette mobilité temporelle pendant toute l'année sans poser de problème au bon fonctionnement de l'établissement. Cela demande des changements de mentalité et aussi, l'application de nouveaux principes de base ; comme par exemple : — la notion du « capital horaire annuel » qui permet de quitter la limite restreinte de « l'heure », et de créer des situations d'enseignement dans un horizon plus large ; — le travail en équipe des enseignants qui assure des échanges et des partages horaires selon les besoins ; — la variabilité de la durée de la séquence d'enseignement ; — la variabilité des semaines ou des trimestres en renforçant un apprentissage, en progressant plus rapidement ou plus lentement dans une discipline, selon les objectifs fixés. « Notre collège n'a rien de particulier, il compte environ 900 élèves. Nous faisons les mêmes constats que tous les collègues sur les échecs scolaires, le manque d'intérêt, etc. Les enseignants s'interrogent, comme partout, pour essayer d'apporter des remèdes et c'est pourquoi ils n'hésitent pas à se lancer dans des expérimentations qui nous sont proposées. Nous avons deux équipes qui expérimentent deux formules différentes : a) En français, anglais, histoire-géographie, mathématiques, en 6e et en 5e : ayant constaté ces dernières années que les élèves entrant en 6e rencontrent des difficultés en français et que celles-ci se répercutent très vite dans les autres disciplines : incompréhension des textes d'histoire ou des énoncés de mathématiques, problèmes d'élaboration de phrases en anglais, nous avons décidé de renforcer l'horaire de français en 6e au premier semestre, allégeant par là l'horaire de mathématiques (ou d'histoire ou de langue). En 5e, l'équilibre est de ce fait inversé. b) Les professeurs de cette équipe y ont vu la possibilité de pratiquer systématiquement, et non plus de façon épisodique, des activités interdisciplinaires. Ils apprécient donc surtout l'occasion fournie de travailler en équipe et donc de pouvoir passer à un enseignement moins fragmenté. Par exemple, le fait d'avoir pour les 6e une heure de mathématiques suivie de deux heures de géographie a permis aux élèves de réaliser le plan du collège à l'échelle en utilisant la séquence de 3 heures selon le projet coordonné des deux professeurs. » (Besancon, Collège Proudhon). L'intérêt et l'adhésion du chef d'établissement deviennent déterminants lorsqu'il s'agit d'une expérimentation qui concerne l'emploi du temps, domaine où il a des responsabilités particulières. « Pour le proviseur, une recherche pédagogique dans le lycée représente un travail sérieux et important, d'abord il doit connaître à fond les objectifs et les modalités pour apporter à ses collègues enseignants l'aide et le soutien dont ils auront uploads/Science et Technologie/ organizacio-n-del-tiempo-en-la-escuela-husti 1 .pdf

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