Janvier 2013 VOL 62 MCED www.mced.fr TUMEURS DE LA SURRÉNALE 26 Janvier 2013 VO

Janvier 2013 VOL 62 MCED www.mced.fr TUMEURS DE LA SURRÉNALE 26 Janvier 2013 VOL 62 MCED www.mced.fr TUMEURS DE LA SURRÉNALE Incidentalomes surrénaliens Antoine Tabarin Définitions et position du problème Le terme « incidentalome » surrénalien désigne une masse surrénalienne décou- verte fortuitement lors d’un examen d’ima- gerie abdominale. Si l’on ne retient que les tumeurs de plus d’1 cm de grand axe, des lésions de plus petite taille étant peu susceptibles de correspondre à des entités délétères, des incidentalomes surrénaliens sont trouvés chez au moins 2 % des patients bénéficiant d’un scanner abdominal. Dans plus de 80 % des cas, les incidentalomes surrénaliens sont unilatéraux. Les principaux problèmes soulevés par la découverte d’un incidentalome surréna- lien sont l’indication de l’exérèse chirur- gicale et, en l’absence d’intervention, les modalités et le rythme de la surveillance. La chirurgie est indiquée en cas de tumeur hypersécrétante (phéochromocytome, adénome cortisolique) ou de carcinome primitif. La prévalence de ces entités est cependant minoritaire au sein des inciden- talomes surrénaliens. Les modalités du bilan initial des incidentalomes et de leur surveillance restent débattues. La démarche globale exposée ici est largement inspirée d’une réflexion menée par un groupe d’ex- perts de la Société Française d’Endocrino- logie [1]. Etiologies des incidentalomes surrénaliens Les étiologies d’incidentalomes surréna- liens figurent dans le Tableau 1. Dans la majorité des cas, il s’agit d’adénomes non sécrétants issus du cortex surrénalien [1-3]. La prévalence des phéochromocytomes et des carcinomes primitifs dans différentes séries est de l’ordre de 5 % [1], mais la possibilité de biais de sélection augmentant artificiellement cette prévalence a récem- ment été soulevée [4]. Diagnostic étiologique des incidentalomes surrénaliens Nous développerons ici la stratégie d’explo- ration paraclinique des incidentalomes. Elle repose essentiellement sur un choix d’exa- mens biologiques pertinent. Insistons néan- moins sur l’importance de l’anamnèse et de l’examen clinique qui rechercheront : • des antécédents personnels de néopla- sie rénale, bronchique, mammaire, méla- nique et colique ; • une pathologie familiale ou associée orientant vers un syndrome de prédisposi- tion génétique aux tumeurs surrénaliennes ; • des signes cliniques évoquant une pathologie néoplasique sous-jacente ou une hypersécrétion surrénalienne : syndrome de Cushing, hypertension artérielle, hyper- androgénie chez la femme. Incidentalomes surrénaliens et néoplasie Les lésions découvertes lors du bilan d’ex- tension d’un cancer sont par définition exclues du cadre des incidentalomes. Trois scénarios sont à envisager : - l’incidentalome révélateur d’un cancer extrasurrénalien est un cas de figure anec- dotique. Dans une étude portant sur plus de 1600 patients atteints de cancer, une métas- tase surrénalienne était présente chez 5,8 % d’entre eux lors de leur présentation initiale mais celle-ci n’était isolée que dans 0,2 % des cas et était toujours associée à une évidence clinique de néoplasie [5]. - l’incidentalome découvert chez un patient ayant un antécédent néoplasique en rémission. En cas de métastase, l’atteinte surrénalienne est le plus souvent (mais pas toujours) bilatérale et associée à d’autres lésions. On sera néanmoins vigilant si le patient était porteur d’un mélanome, d’un lymphome, d’un cancer bronchique ou du sein. - le carcinome surrénalien primitif ou corticosurrénalome malin (CSM). Le CSM est un cancer rare (1 à 2 cas nouveaux par million et par an) mais au pronostic dévas- tateur (20 % de survie médiane à 5 ans). Classiquement, les circonstances de décou- verte du CSM sont la conséquence de l’hy- persécrétion hormonale et/ou des mani- festations tumorales locorégionales, voire métastatiques. De plus en plus fréquem- ment le CSM est diagnostiqué devant la découverte d’un incidentalome surrénalien et ceci représente jusqu’à 13 % des modes de révélation dans certaines séries [6]. La Tableau 1. Etiologies des incidentalomes surrénaliens Tumeurs Corticales Adénomes Hyperplasie nodulaire (dont bloc enzymatique en CYP21) Carcinome Tumeurs médullaires Phéochromocytome Ganglioneurome Ganglioneuroblastome, neuroblastome Autres tumeurs Myélolipome Lipome Lymphome, hémangiome, angiomyoli- pome, hamartome, liposarcome, myome, fibrome, neurofibrome, tératome Kystes et pseudokystes Hématome et hémorragie Infections, granulomatoses (dont tubercu- lose) Métastases, Lymphomes, Leucémies Masses extra-surrénaliennes (diverti- cules digestifs, queue du pancréas, kystes et tumeurs du rein, rate accessoire, lésions vasculaires) Journées Nationales du DES d’Endocrinologie-Diabète et Maladies Métaboliques 27 Janvier 2013 VOL 62 MCED www.mced.fr seule chance de guérison définitive d’un CSM est la chirurgie complète d’une forme « localisée ». Il est donc capital de recher- cher par la clinique, la biologie, et l’ima- gerie les signes de malignité d’un inciden- talome surrénalien localisé et, en cas de doute, de le confier à un chirurgien expert. Le scanner (TDM) est l’examen de choix à utiliser en première intention dans cette enquête [1, 7, 8] (Figure 1). Une méthodologie stricte est indispensable : coupes de 3 à 5 mm d’épaisseur maximale, jointives, analyse première de la densité spontanée de la lésion puis 10 à 15 minutes après l’injection de produit de contraste avant de chiffrer sa vidange (« wash-out »). Dans le cadre particulier du CSM, une grande taille (> 4 cm) est également évoca- trice du diagnostic et les CSM de plus petite taille représentent moins de 1 % des inci- dentalomes surrénaliens [3]. Une densité spontanée et homogène < 10 UH témoigne d’un contenu graisseux et autorise le diagnostic d’adénome corti- cal bénin avec une très forte spécificité. Cette approche peut méconnaître environ 30 % d’adénomes à faible contenu lipidique [7]. La vidange du produit de contraste est plus rapide dans les adénomes que dans les autres tumeurs surrénaliennes. La sensibi- lité et la spécificité de cette approche sont de l’ordre de 90 % mais ces données ont surtout été validées pour les métastases et les séries comportant des carcinomes surré- naliens sont rares [7]. En cas de densité spontanée > 10 UH, l’étude de la vidange du produit de contraste sera réalisée et des explorations de seconde intention pourront être envisagées si le résultat du TDM ne plaide pas en faveur d’un adénome cortical. L’intérêt de l’IRM est moindre et souffre de l’hétérogénéité des protocoles publiés. Des séquences phase/opposition de phase (imagerie de déplacement chimique) peuvent également être utiles pour carac- tériser le contenu lipidique de l’inciden- talome mais sont globalement corrélées à celle de la densité spontanée du TDM [1]. Le PET-scan au 18F-FDG est d’in- troduction plus récente mais semble un outil prometteur [9, 10]. Typiquement, les lésions malignes et notamment le CSM sont caractérisées par une augmentation de la captation du FDG. Si ce principe est souvent respecté il n’est pas spécifique du cancer et les phéochromocytomes bénins, les hémorragies surrénaliennes récentes et les lésions inflammatoires/infectieuses sont également responsables d’un hyper- signal au PET-Scan. En pratique, la place de cet examen dans le bilan de l’inciden- talome surrénalien n’est pas consensuelle mais est à considérer lorsque les résultats du TDM sont ambigus ou ne plaident pas en faveur d’un adénome cortical bénin. Dans ce cas on retiendra surtout la valeur prédic- tive négative de l’examen à savoir que l’ab- sence de fixation est peu compatible avec une lésion maligne. Incidentalomes surrénaliens sécrétants Phéochromocytome Le phéochromocytome doit être recherché devant tout incidentalome car il peut mettre en jeu le pronostic vital spontanément, en cas d’intervention chirurgicale ou de ponc- tion de la lésion. La recherche d’une hyper- tension artérielle associée à des symptômes paroxystiques classiques est donc fonda- mentale. La présentation du phéochromocytome dans le contexte des incidentalomes est souvent atypique avec des signes cliniques hémodynamiques moins marqués (HTA d’apparence banale) et parfois le phéo- chromocytome peut être asymptomatique [11, 12]. Il est donc recommandé de le cher- cher systématiquement grâce au dosage des métanéphrines urinaires des 24 h ou au dosage des méthoxyamines libres plas- matiques. Les performances de ces outils biologiques, largement démontrées dans le cadre des phéochromocytomes symptoma- tiques, n’ont pas précisément été étudiées dans les incidentalomes et il conviendra de se méfier devant des élévations minimes des méthoxyamines [11]. Le TDM peut égale- ment orienter vers le phéochromocytome devant une lésion de densité tissulaire, se rehaussant fortement après l’injection de produit de contraste et une vidange lente [8]. La réalisation d’une scintigraphie à la MIBG n’est pas justifiée lors de l’évalua- tion initiale des incidentalomes (procédure lourde et coûteuse). Elle peut être indiquée lorsque le diagnostic de phéochromocy- tome est posé ou être discutée en cas de doute d’imagerie et biologique. Adénome de Conn La prévalence de l’adénome de Conn appa- raît faible au sein des incidentalomes surré- naliens [3]. Sa recherche ne se justifie que chez les patients présentant une HTA et/ ou une kaliémie inférieure à 3,7 mmol/L. Elle repose alors sur l’évaluation du rapport aldostérone/rénine plasmatique en prenant soin d’éviter toute interférence médicamen- teuse. INCIDENTALOME > 1 cm et < 6 cm (sans autre information d’imagerie disponible) < 10 U.H. homogène, ‹ 4 cm Adénome bénin riche en lipides > 10 U.H. = peu de lipides Calcul du wash-out absolu Absolu > 60%, ‹ 4 cm Adénome bénin Absolu < 60% Masse indéterminée Scanner sans injection Figure 1. Algorithme pour la caractérisation des incidentalomes surrénaliens avec le scanner. 28 Janvier 2013 VOL 62 MCED www.mced.fr TUMEURS DE LA SURRÉNALE Adénome cortisolique La recherche d’un adénome cortisolique repose d’abord sur l’examen clinique à la recherche des signes du uploads/Sante/ 13-jndes-tabarin.pdf

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  • Publié le Jui 21, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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