2 Plasticité fasciale – une nouvelle explication neurobiologique : 1e Partie .
2 Plasticité fasciale – une nouvelle explication neurobiologique : 1e Partie . . . . . . . . . . . . . Robert Schleip En manipulation myofasciale on perçoit souvent un relâchement tissulaire immédiat sous la main active. Cette particularité étonnante était traditionnellement attribuée aux propriétés mécaniques du tissu conjonctif. Cependant, des études ont montré que soit des forces plus intenses soit des durées plus longues étaient nécessaires pour aboutir à une déformation visco-élastique permanente du fascia. Le fascia est néanmoins largement innervé par des mécanorécepteurs qui sont sensibles à la pression manuelle. On a montré que la stimulation de ces récepteurs sensoriels conduisait à une diminution de tonus sympathique ainsi qu’à une modification de la viscosité tissulaire locale. De plus, des cellules musculaires lisses ont été mises en évidence dans le fascia, qui semblent être impliqué dans la contractilité active du fascia. Le fascia et le système nerveux autonome apparaissent intimement connectés. Il est suggéré un changement de l'attitude chez les praticiens de myofascial, d'une perspective mécanique vers une inclusion de la dynamique autorégulatrice du système nerveux. R 2003 Elsevier Science Ltd. Tous droits réservés. Introduction Le fascia - quel tissu fascinant ! Aussi connu comme un tissu conjonctif dense irrégulier, ce tissu entoure et connecte chaque muscle, jusqu’à la myofibrille la plus ténue et chaque organe du corps. Il forme une réelle continuité dans l’ensemble de notre corps. On a montré que le fascia était un élément important dans l’organisation de la posture et du mouvement. Il est souvent considéré comme notre organe de forme (Varela et Frenk 1987, Garfin et col. 1981). Beaucoup d'approches de thérapie manuelle concentrent leur traitement sur le fascia. Elles prétendent modifier soit la densité, le tonus, la viscosité soit l’agencement du fascia par l’application d’une pression manuelle (Barnes 1990, Cantu et Grodin 1992, Chaitow 1980, Paoletti 1998, Rolf 1977, Ward 1993). Leurs explications théoriques se réfèrent d'habitude à la capacité du fascia à s'adapter à la contrainte physique. La compréhension par le praticien de la nature de cette capacité de réponse du fascia influencera bien sûr le traitement. Malheureusement, le fascia est souvent considéré selon ses seules propriétés mécaniques. Cette série d'articles n'explore pas seulement la dynamique neurale derrière la plasticité fasciale mais offre aussi de nouvelles perspectives pour les techniques de traitement myofascial. Le modèle gel-sol classique. La plupart des écoles de formation actuelles qui se focalisent sur le traitement myofascial ont été profondément influencées par Rolf (1977). Dans son propre travail Rolf applique une pression considérable de la main ou du coude sur feuillets 3 fasciaux pour changer leur densité et leur disposition. L’explication de Rolf était que le tissu conjonctif est une substance colloïdale dans laquelle la substance fondamentale peut être influencée par l’application d’une énergie (chaleur ou pression mécanique) pour changer sa forme globale d'un état de « gel » plus dense à un état plus fluide de « solution ». Les exemples typiques sont la gélatine commune ou le beurre qui se ramollissent par la chaleur ou la pression mécanique. Cette transformation gel-sol, aussi appelée la thixotropie (Juhan 1987), a été positivement confirmée se produire par l’application de contraintes mécaniques sur le tissu conjonctif (Twomey et Taylor 1982). Mais la question se pose : ce modèle permet-il aussi d'expliquer la plasticité immédiate à court terme du fascia ? Autrement dit, que se passe-t-il en réalité quand un praticien de myofascial prétend sentir un « relâchement tissulaire » sous la main active ? Dans la plupart des techniques de manipulation myofasciale, la durée d’une technique en un endroit donné du tissu se situe entre quelques secondes et 1 minutes ½. On voit rarement un praticien appliquer une pression manuelle ininterrompue de plus de 2 minutes. Cependant les praticiens signalent sentir un relâchement tissulaire palpable pour une technique donnée. Une transformation si rapide dans le tissu - c'est-à-dire au-dessous de 2 minutes - semble plus difficile à expliquer par le modèle de thixotropie. Comme nous le montreront plus tard, les études sur le thème « de la dépendance par rapport au temps et à la force » de la plasticité du tissu conjonctif (en termes de fluage et de contrainte) ont montré que soit des temps plus longs soit une augmentation importante de la force sont nécessaires à une déformation permanente des tissus conjonctifs denses (Currier et Nelson 1992). De plus, se pose le problème de la réversibilité : pour les substances colloïdales l'effet thixotropique ne dure que le temps pendant lequel la pression ou la chaleur sont appliqués. En quelques minutes la substance retourne à son état de gel originel – on se rappelle le beurre dans la cuisine. Ce modèle n'est certainement pas un exemple intéressant pour le praticien. La piézoélectricité ou le corps considéré comme un cristal liquide Oshman et col. ont ajouté la piézoélectricité comme (curieuse) explication de la plasticité fasciale (Oshman 2000, Athenstaedt 1974). La piézo (c'est-à-dire la pression) électricité existe dans des cristaux dans lesquels les centres de neutralité électrique à l'intérieur de la trame cristalline sont temporairement séparés de l'extérieur via la pression mécanique et une petite charge électrique peut être détectée à la surface. Comme on peut considérer que le tissu conjonctif se comporte comme « un cristal liquide » (Juhan 1987), ces auteurs proposent que les cellules qui produisent et résorbent les fibres de collagène (appelées fibroblastes et fibroclastes) puissent être sensibles à de telles charges électriques. En des termes plus simples : la pression de l'extérieur crée une charge électrique plus importante qui stimule la production par les fibroblastes des fibres de collagène dans cette zone. De plus, les fibroblastes pourraient avoir un comportement sélectif pour ne pas « résorber » les fibres qui sont électriquement chargées. Dans une coquille de noix : plus de contrainte, plus de charge, plus de fibres. On a déjà montré que des processus similaires existaient dans l'ostéogenèse après fracture ainsi que dans les phénomènes de cicatrisation. Néanmoins, les processus impliqués semblent exiger comme facteur déterminant, du temps. On a montré que la demi-vie d’un collagène non- traumatisé était de 300 à 500 jours et que celle de la substance fondamentale était de1.7 à 7 jours (Cantu et Grodin1992). Alors qu'il est certainement imaginable que la production de ces deux matériaux pourrait être sous l'influence de piézoélectricité, les deux cycles de vie semblent trop lents pour rendre compte des modifications tissulaires immédiates qui sont suffisamment importantes pour être palpées par le praticien actif. 4 Les explications traditionnelles sont insuffisantes Les deux modèles, thixotropie et piézoélectricité, sont des concepts attrayants pour expliquer les modifications tissulaires durables. Cependant il apparaît que des modèles complémentaires soient nécessaires quand il s’agit de plasticité à court terme. Les études de laboratoire concernant la dépendance par rapport au temps et à la force de la plasticité du tissu conjonctif (in vitro aussi bien qu'in vivo) ont montré les résultats suivants : pour obtenir un allongement permanent des fibres de collagène il est nécessaire d'appliquer soit un étirement extrêmement puissant de 3-8 % de la longueur de la fibre avec pour conséquence une lésion tissulaire, une inflammation et d'autres effets secondaires qui sont habituellement considérés comme indésirables lors d’une séance de myofascial. Par exemple pour une bandelette de Maissiat distale de 18mm un tel allongement permanent se produit à 60 kg et plus (Threlkeld 1992). Ou bien il faut plus d’une heure (éventuellement en plusieurs fois) avec un allongement plus modéré de 1-1.5 % de la fibre pour obtenir une déformation permanente sans lésion ni inflammation (Currier et Nelson 1992, Threlkeld 1992). Pour l’application d’une contrainte de courte durée les rapports caractéristiques se trouvent à la Fig.1. On constate des micro-lésions comme la rupture de quelques fibres isolées de collagène et de quelques faisceaux de fibre qui aboutissent à un allongement permanent (plastique) de la structure tissulaire. Il s’en suit un cycle d'inflammation et de réparation tissulaire. Sur la base de mesures sur différents types de tissus paraspinaux, Threlkeld calcule que la micro-lésion se produit autour de 224-1.136 N ce qui équivaut à 24-115 kg (Threlkeld 1992). Fig. 1 Courbe force-tension du tissu conjonctif dense. La plupart des forces produites dans la vie quotidienne chargent les tissus dans la partie linéaire de la courbe et produisent un allongement non-permanent. La micro-lésion avec un allongement permanent se produit seulement pour des charges extrêmes et s’accompagne de rupture et d'inflammation. Le chevauchement entre la zone de micro-lésion la zone de charge physiologique varie selon la densité et la composition du tissu, pour la plupart des tissus fasciaux il serait bien au-delà de 20 kg (dessin d’après Threlkeld 1992). Figure par Twyla Weixl, Munich, Allemagne Comme les techniques de HVLA pourraient créer des forces de cet ordre, il semble évident que les techniques plus lentes de manipulation des tissus mous sont à peine assez puissantes pour créer la réponse tissulaire décrite. Cette recherche conduit à une considération simple. Dans la vie quotidienne le corps est souvent exposé à une pression semblable à l’application d’une pression manuelle lors d’une séance de traitement myofascial. uploads/Sante/ 2003-plasticite-fasciale-une-nouvelle-explication-neurobiologique-partie-1-et-partie-2.pdf
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- Publié le Mai 10, 2022
- Catégorie Health / Santé
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