Brevets et accès aux médicaments et aux soins de santé : un équilibre à trouver

Brevets et accès aux médicaments et aux soins de santé : un équilibre à trouver Le débat sur les brevets et les produits pharmaceutiques (médicaments) et sur la nécessité d'une médecine équitable, économiquement accessible pour tous est d'une actualité croissante, surtout à l'heure où le monde entier se préoccupe du problème toujours plus grave du VIH/sida. En sa qualité d'institution spécialisée des Nations Unies chargée des questions et des normes relatives à la propriété intellectuelle à l'échelle internationale, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) prend part à ce débat. Or, certains échanges de vues sur le rapport entre le système de propriété intellectuelle et l'accès aux soins de santé se fondent, malheureusement, sur une compréhension ou une conception erronée du système des brevets. La présente brochure, qui traite de divers aspects de l'accès aux médicaments et aux soins de santé, a justement pour objet d'aider à clarifier le rôle de ce système. Les brevets remplissent une fonction essentielle, en ce sens qu'ils encouragent la création de médicaments indispensables, notamment ceux contre le sida, en incitant à investir dans des programmes onéreux et à long terme de recherche et de création de nouveaux produits pharmaceutiques. Sans les brevets, les médicaments qui existent actuellement pour traiter le sida n'auraient pas vu le jour. Sans les brevets encore une fois, les nouveaux médicaments plus efficaces qui sont nécessaires pour pouvoir vaincre la résistance croissante du virus du sida ne seraient pas mis au point. Parallèlement, le système des brevets permet aussi d'accumuler et de rendre disponibles des connaissances sur la lutte contre le sida, contribuant ainsi à la société dans son ensemble. Le système des brevets suppose, en effet, la divulgation d'informations importantes qui mènent à l'invention de nouveaux médicaments. Sans le système des brevets, ces informations techniques essentielles resteraient inaccessibles, voire secrètes. Dans ces conditions, un bon nombre de chercheurs en médecine et de fabricants de produits pharmaceutiques, qui dépendent considérablement de ces informations pour leurs travaux, en seraient alors réduits à réinventer la roue. Vu la gravité du problème, nul ne peut se permettre de perdre du temps en se privant de telles ressources. L'OMPI estime qu'il est important de trouver un juste milieu entre les préoccupations de santé publique et les intérêts des titulaires de brevets. Cet équilibre existe au sein même du système des brevets. Il importe de noter qu'un certain nombre d'États membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) conviennent que l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC), lequel est administré par l'OMC, présente la souplesse requise pour parvenir à cet équilibre et pour répondre aux besoins des pays qui sont gravement touchés par le VIH/sida. Certaines erreurs d'interprétation communément commises, ou mythes, au sujet du système des brevets et de l'accès aux médicaments et aux soins de santé sont examinées et rectifiées ci-dessous. Mythe : "Les difficultés d'accès aux soins et aux médicaments indispensables sont essentiellement imputables au système des brevets". Les brevets ne constituent qu'un seul des multiples facteurs qui ont une incidence sur l'accès aux soins de santé et aux médicaments. De nombreuses organisations gouvernementales ou non gouvernementales participant à la lutte contre le VIH/sida indiquent d'ailleurs que certains facteurs socioéconomiques font obstacle à l'accès aux médicaments. De fait, la Déclaration d'engagement des Nations Unies sur le VIH/sida, adoptée lors de la récente Session extraordinaire sur le VIH/sida, souligne que le renforcement des infrastructures sanitaires et sociales au niveau national est un moyen déterminant pour éviter la propagation de l'épidémie. Dans certains pays, de nombreux médicaments ne font pas même l'objet d'une protection par brevet. C'est le cas par exemple, dans un grand nombre de pays africains les plus sévèrement touchés par le sida, des antiprotéases, médicaments essentiels pour enrayer la contamination du virus VIH de cellule en cellule chez un malade. Le prix de ces médicaments n'en reste pas moins prohibitif pour la plupart des patients. En fait, environ 95% des produits pharmaceutiques figurant sur la Liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé - qui comprend de nombreux médicaments utilisés dans le traitement des divers symptômes et effets secondaires du VIH/sida - sont désormais dans "le domaine public", c'est-à-dire qu'ils ne sont plus protégés par des brevets, dont la durée est généralement de 20 ans à compter de la date à laquelle la demande est déposée. Compte tenu du temps requis pour traiter les demandes de brevet, le délai réel de protection est souvent écourté de plusieurs années. Toutefois, un grand nombre de ces médicaments tombés dans le "domaine public" demeurent inaccessibles ou économiquement inabordables pour la plupart des personnes atteintes par le virus. Pourquoi? Le problème n'est pas dû au système des brevets, mais bien à des facteurs socioéconomiques. Dans de nombreux cas, les brevets sont étrangers à la question ou ne constituent que l'un des multiples facteurs qui ont une incidence sur l'accès aux soins de santé et aux médicaments. Comme cela a été relevé dans la déclaration des Nations Unies susmentionnée, un effort concerté de coopération entre les États, le secteur privé et la société civile est nécessaire pour parvenir à mettre un terme à la propagation du VIH/sida et à rendre les soins de santé et les médicaments disponibles et économiquement abordables pour les personnes déjà atteintes par cette maladie. Mythe : "Le coût élevé des médicaments est essentiellement imputable au système des brevets, qui permet aux entreprises de gonfler artificiellement les prix". Le brevet ne joue pas nécessairement le rôle déterminant dans la fixation du prix des médicaments, lequel dépend en fait de bien d'autres facteurs, tels que le coût de la recherche-développement, de la production, de la distribution et de la commercialisation. Cependant, le prix effectivement pratiqué sur le marché n'est souvent qu'un élément secondaire du problème de l'accès aux médicaments. Même en diminuant le prix des traitements du VIH/sida pour ne couvrir que les coûts fixes de fabrication et de distribution (comme cela a été récemment pratiqué dans certains des pays les plus touchés par l'épidémie), ces thérapies continuent de coûter entre 350 et 600 dollars É.-U. à l'année. Ces prix, qui sont équivalents à ceux des médicaments génériques correspondants et qui ne permettent pas de compenser le coût de la recherche-développement, se situent encore au-dessus du revenu annuel par habitant de certains des pays les plus touchés par le VIH/sida. Mythe : "Le système des brevets favorise les intérêts des entreprises au détriment du bien social". Le système des brevets a pour objet de protéger le travail de tout inventeur, qu'il s'agisse d'un particulier, d'un institut de recherche ou d'une entreprise (depuis la petite structure employant quelques personnes jusqu'au grand conglomérat international) aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés. Ce système favorise sensiblement l'innovation, et l'investissement qu'elle suppose, en apportant à l'inventeur la garantie de retirer certains avantages économiques de son travail pendant une durée déterminée, généralement de 20 ans. Un inventeur est tenu de prouver que son invention (un nouveau médicament par exemple) est nouvelle, qu'elle suppose une activité inventive et qu'elle a une utilisation pratique. En contrepartie de la protection par brevet, le système exige la divulgation appropriée des informations relatives aux nouvelles inventions, informations qui autrement resteraient secrètes en tant qu'informations confidentielles et ne pourraient donc pas être partagées avec le reste de la société. Grâce à cet accord réciproque entre la société et l'inventeur, des informations essentielles sur l'invention sont mises à la disposition du public et d'autres chercheurs et viennent ainsi enrichir l'ensemble des connaissances techniques accessibles dans le monde entier. Cette forme de transfert de technologie joue un rôle de première importance dans la promotion et le soutien de nouveaux efforts de recherche-développement dans tous les pays, notamment en ce qui concerne les produits pharmaceutiques. Les chercheurs en médecine dépendent considérablement des travaux réalisés précédemment pour pouvoir mettre au point des médicaments encore plus efficaces. Mythe : "Le système des brevets fausse la concurrence". Le système des brevets peut se concevoir comme une forme de contrat social, administré par l'État, permettant de concilier les intérêts de l'inventeur (personne physique ou morale) avec ceux, plus vastes, de la société dans son ensemble. En délivrant un brevet, l'État accorde à l'inventeur ou au titulaire du brevet un droit exclusif de décider, pendant une période déterminée, qui peut ou non exploiter l'invention brevetée. Le titulaire du brevet peut concéder son invention sous licence ou autoriser des tiers à l'utiliser, à la produire, à la concéder sous licence ou à la vendre, tout comme il peut procéder lui-même à ces opérations. Au cours de la période de protection par brevet, toute personne est habilitée à faire breveter une invention améliorée sur la base des brevets détenus par d'autres titulaires. La protection prend fin à l'expiration du brevet et l'invention tombe alors dans le domaine public, ce qui signifie que toute personne peut librement l'utiliser ou la reproduire sans avoir à en demander l'autorisation ni à verser des redevances. Le système est ainsi conçu pour permettre uploads/Sante/ brevets-et-acces-aux-medicaments-et-aux-soins-de-sante.pdf

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  • Publié le Nov 09, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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