www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015

www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 Echographie-doppler des vaisseaux artériels digestifs Christophe SEINTURIER (CSeinturier@chu-grenoble.fr) Avec l’aimable collaboration d’Olivier PICHOT (iconographie et relecture) INTRODUCTION Les circonstances amenant à demander un écho- Doppler artériel digestif vont être la découverte d’un souffle épigastrique ou des symptômes évocateurs d’ischémie digestive comme des douleurs abdominales post-prandiales d’allure angineuse, un amaigrissement souvent important, une anorexie. D’autres fois il s’agira d’un complément d’examen des vaisseaux de voisinage comme les artères rénales (bilan de dysplasie fibromusculaire par exemple). Concernant la pathologie athéromateuse, il est classiquement considéré que deux des trois artères digestives principales (artère mésentérique supérieure AMS, artère mésentérique inférieure AMI, tronc cœliaque TC) doivent avoir des sténoses pour induire une ischémie mésentérique. Dans des séries historiques, 86% des patients ayant une lésion des trois troncs ont développé une symptomatologie abdominale, une ischémie mésentérique ou sont décédés à 6 ans (1). Il faut cependant bien garder en tête que la découverte d’anomalies athéromateuses des artères digestives est fréquente (3 à 18 % au- delà de 60 ans) notamment avec la multiplication des examens d’imagerie (scanners) alors que la pathologie reliée est rare (2.8 /105). Sur une série de 870 patients asymptomatiques d’âge moyen de 77 ans, une sténose d’artère digestive était retrouvée chez 17% des patients (2) et chez 13% de patients asymptomatiques bénéficiant d’une coronarographie de même âge moyen (3). Ce manque de parallélisme est expliqué en partie par le riche réseau de collatéralité entre les troncs digestifs. Cet article s’attachera à donner des points de repère sur les données hémodynamiques permettant de coter les sténoses des artères digestives natives ou post-opératoires. La décision d’intervention devra être murement discutée de manière collégiale avec les chirurgiens vasculaires et les radiologues interventionnels. METHODOLOGIE ET ASPECT NORMAUX L’examen se pratique sur un patient à jeun et de préférence le matin tôt (pour diminuer les fenêtres acoustiques liées aux gaz). La tête du lit est élevée de 30° et l’examen est pratiqué avec une sonde de basse fréquence entre 2 et 5 MHz (phased array ou de plus en plus abdominale convexe). Sont examinés l’aorte abdominale, le tronc cœliaque, l’artère mésentérique supérieure et l’artère mésentérique inférieure. Ils sont anastomosés entre eux par les arcades digestives (Fig. 1) en particulier les arcades pancréatico-duodénales et l’arc de Buhler entre l’artère mésentérique supérieure et le tronc cœliaque, l’arcade de Riolan et l’artère marginale de Drummond entre l’artère mésentérique supérieure et l’artère mésentérique inférieure. Les variations anatomiques sont nombreuses. La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 24 - 25 Il faut se rappeler l’influence de la prise alimentaire sur le flux dans l’artère mésentérique supérieure (augmentation des vitesses systoliques maximales et télédiastoliques). Il existe peu d’influence par contre sur le flux dans le tronc cœliaque et l’artère mésentérique inférieure. Le tronc cœliaque Il donne classiquement l’artère hépatique commune (d’où naissent l’artère gastroduodénale, l’artère gastrique droite et l’artère hépatique propre), l’artère splénique et l’artère gastrique gauche (ou gastro- épiploïque). Il nait de la face antérieure de l’aorte à hauteur de D12-L1 .Son trajet initial est rectiligne et court (longueur 20mm, diamètre 5 à 7 mm). Les flux au repos (à jeun) sont biphasiques avec un indice de résistance compris entre 0.50 et 0.70. Les valeurs de référence dans la littérature varient entre 90 et 190 cm/s pour le PSV, 30 et 65 cm/s pour la VTD (4). Il n’y a pas de modification post-prandiale significative des vitesses (Fig. 2). Figure 2 : Tronc cœliaque normal. vascularisation artérielle Figure 1 : anastomoses entre les 3 artères digestives (in B. Eisenmann et al. AMC Angéiologie 1997). 1.Tronc Cœliaque 2. Arcade de Buhler 3. Mésentérique supérieure 4. Arcade de Rio Branco 5. Arcade de Riolan 6. Arcade de Drummond 7. Mésentérique inférieure 8. Arcade de Villemin 9. Arcade Intra pancréatique 10. a : angle iléo-coecal 11. b : point de Griffith 12. c : point de Sudeck www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 L’artère mésentérique supérieure Elle vascularise essentiellement le colon droit et moyen et l’intestin grêle en donnant l’artère colique moyenne, des branches jéjunales et iléales, l’artère colique droite. Elle nait de la face antérieure de l’aorte (en regard de L1), donne une crosse initialement puis décrit un trajet rectiligne au bord antérolatéral gauche de l’aorte. Son diamètre est de 5 à 7 mm. Les flux sont triphasiques (résistances élevées à jeun, IR = 0,90 +/- 0,04). Lorsque l’artère hépatique droite nait de l’AMS (10% des cas), le flux sera biphasique. Les PSV sont en moyenne à 125 cm/s (80-200 cm/s), le temps de montée systolique < 70 ms, la VTD < 20 cm/s (4). Les changements en post-prandial sont marqués par une augmentation des PSV et VTD, un abaissement de l’IR et une disparition du reflux proto-diastolique. L’artère mésentérique inférieure Elle vascularise essentiellement le colon gauche et le rectum (artères colique gauche, branches sigmoïdiennes et artère rectale supérieure). Elle nait de la face antérolatérale gauche de l’aorte à hauteur de L3 et décrit un trajet en bas et en arrière au bord gauche de l’aorte. Elle est plus petite avec un diamètre de 2 à 3 mm. Les résistances sont élevées à jeun avec des flux triphasiques (IR = 0,90-1 à jeun). Les PSV sont aux alentours de 90-140 cm/s, la VTD 0-10 cm/s, l’indice de résistance < 0,90 (4). CRITERES ULTRASONOGRAPHIQUES DE STENOSE La sensibilité de l’écho-Doppler est supérieure à 90% pour les patients ayant une sténose > 50% du tronc cœliaque ou de l’artère mésentérique supérieure. La valeur prédictive négative de l’écho-Doppler est autour de 99% ce qui permet d’éliminer le diagnostic devant un écho-Doppler complet normal et en fait un examen de première intention en cas de suspicion d’ischémie digestive.Toutes les études se sont efforcées de trouver des valeurs au site de la sténose. Il ne faut pas oublier de rechercher des signes d’aval de retentissement d’une sténose avec amortissement des flux (flux monophasique, baisse du temps d’ascension systolique) sur l’artère splénique et hépatique pour le tronc cœliaque, en aval sur la section parallèle à l’aorte pour l’AMS. Le tronc cœliaque Plusieurs auteurs ont publié des critères de sténose. Ceux retenus actuellement sont ceux de l’équipe d’AbuRahma (Tab. 1) (Fig. 3). Tableau 1 : Critères vélocimétriques de sténose du tronc cœliaque. Moneta (> 70%) (1991-1993) (5) Zwolak (> 50%) (1998)(6) Perko (> 50%) (1997)(7) Perko (> 50%) (2012) (8) AbuRahma (> 70%) (2012) (8) > 200 cm/s > 200 cm/s > 240 cm/s > 320 cm/s > 55 cm/s > 100 cm/s > 40 cm/s > 100 cm/s PSV EDV Auteur (% sténose) La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 26 - 27 Figure 3 : Sténose > 70% du tronc cœliaque. Syndrome du ligament arqué Il s’agit d’une entité classique mais dont l’incidence en pathologie est rare et controversée. Là encore le diagnostic doit en être très prudent. Il s’agit d’une compression extrinsèque réversible du tronc cœliaque par le ligament médian du diaphragme qui passe habituellement en dessus du tronc cœliaque mais qui dans certains cas est inséré bas et peut comprimer la portion proximale du TC. Elle concerne jusqu’à 10 à 24% des sujets avec une prédominance féminine. Cette anomalie est le plus souvent asymptomatique. En inspiration, le diaphragme s’abaisse et la contrainte diminue d’où une diminution des vitesses dans le TC ; en expiration les vitesses augmentent (Fig. 4). www.portailvasculaire.fr La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 Figure 4 : Compression du tronc cœliaque par un ligament arqué se révélant en expiration forcée. La Lettre du Médecin Vasculaire n°32 - Septembre 2015 28 - 29 L’artère mésentérique supérieure On retrouve les mêmes auteurs (Tab. 2). Tableau 2 : Critères vélocimétriques de sténose de l’artère mésentérique supérieure. Tableau 3 : Critères vélocimétriques post-stent. L’ARTERE MESENTERIQUE INFERIEURE Beaucoup moins de données sont disponibles. Cependant à partir de l’analyse de seulement 15 AMI sténosées à plus de 70 %, AbuRahma proposait le seuil de vitesse de 270 cm/s en faveur d’une sténose > 70%. Moneta (> 70%) (1991-1993) Bowersox (> 50%) (1991) (9) Zwolak (> 50%) (1998) Perko (> 50%) (1997) AbuRahma (2012) (> 50%) (> 70%) > 275 cm/s > 300 cm/s > 295 cm/s > 400 cm/s PSV > 45 cm/s > 70 cm/s > 45 cm/s > 70 cm/s EDV Auteur (% sténose) Utilité d’un repas test Certains auteurs ont préconisé l’utilisation d’un repas test riche en graisse pour différencier des sténoses < ou > 70% de l’AMS. Il n’existe pas véritablement de consensus dans la littérature. Pour l’équipe de Moneta, les vitesses sont supérieures après repas test sans améliorer véritablement la valeur diagnostique (10). D’autres équipes ont étudié la variation du débit porte après un repas test mais il n’existe pas de gold standard. Post-stent De même que pour les carotides et les artères rénales, les vitesses dans une artère stentée sont différentes d’une artère native, plus élevées. Des critères ont été proposés par l’équipe américaine d’AbuRahma et concernent les VSM (Tableau 3). TRONC COELIAQUE STENTE AbuRahma (2012) (11) AMS stentée > 274 cm/s > 325 uploads/Sante/ 32-lmv-arteres-et-veines-digestives.pdf

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  • Publié le Sep 05, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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