PREMIÈRE SECTION AFFAIRE LANDI c. ITALIE (Requête no 10929/19) ARRÊT Art 2 (mat

PREMIÈRE SECTION AFFAIRE LANDI c. ITALIE (Requête no 10929/19) ARRÊT Art 2 (matériel) • Obligations positives • Absence de mesures préventives des autorités face à des violences domestiques récurrentes ayant abouti à la tentative de meurtre de la requérante par son compagnon et au meurtre de leur fils • Législation nationale adéquate • Réponse appropriée des carabiniers • Absence de démarche immédiate, autonome et proactive et d’une évaluation complète des risques par les procureurs • Indices de violence domestique montrant un risque réel et immédiat pour la vie Art 14 (+Art 2) • Absence de défaillance systémique révélatrice d’une passivité généralisée envers les victimes de violence domestique • Pas d’attitude discriminatoire envers la requérante • Mise en place de mesures étatiques depuis l’arrêt Talpis c. Italie en 2017 STRASBOURG 7 avril 2022 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. ARRÊT LANDI c. ITALIE 1 En l’affaire Landi c. Italie, La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de : Marko Bošnjak, président, Péter Paczolay, Alena Poláčková, Erik Wennerström, Raffaele Sabato, Lorraine Schembri Orland, Ioannis Ktistakis, juges, et de Renata Degener, greffière de section, Vu la requête (no 10929/19) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante italienne, Mme Annalisa Landi (« la requérante »), a saisi la Cour le 19 février 2019 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »), Vu la décision de porter à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement ») le grief fondé sur les articles 2 et 14 de la Convention, Vu les observations des parties, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mars 2022, Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date : INTRODUCTION 1. La requête concerne le manquement allégué de l’État défendeur de prendre des mesures de protection et d’assistance envers la requérante et ses enfants à la suite des violences familiales infligées par son compagnon, qui ont abouti au meurtre de leurs fils de un an et de la tentative de meurtre de l’intéressée. La requérante y voit la violation des articles 2 et 14 de la Convention. EN FAIT 2. La requérante est née en 1988 et réside à Scarperia. Elle a été représentée par Me M. Annetta, avocat. 3. Le Gouvernement a été représenté par son agent, M. L. D’Ascia, avocat de l’État. 4. La requérante vivait avec son concubin, N.P. 5. Leur relation commença en 2010. À ce moment-là, la requérante n’avait pas connaissance des troubles mentaux de son conjoint qui avait une histoire médicale et clinique délicate étant donné qu’il souffrait d’un trouble bipolaire depuis l’âge de vingt ans. En particulier, il présentait des fluctuations progressives de l’humeur accompagnées d’une impulsivité marquée, d’une irritabilité et d’un comportement extrêmement violent, ARRÊT LANDI c. ITALIE 2 notamment à l’encontre de sa compagne de l’époque. Il souffrait également d’un trouble obsessionnel-compulsif. 6. Dans le passé, il avait été alcoolique et avait fait l’objet d’une ordonnance d’interdiction d’approcher sa précédente compagne. 7. Le 3 mai 2011, un enfant, V., naquit de la relation entre la requérante et N.P. I. NOVEMBRE 2015 : PREMIÈRE AGRESSION COMMISE SUR LA REQUÉRANTE 8. Le 20 novembre 2015, la requérante se rendit au poste des carabiniers de Scarperia et les informa que N.P. souffrait d’un trouble bipolaire qui avait dans le passé provoqué plusieurs fois des comportements violents. Il la menaçait et lui disait : « Je vais te tuer », « tu es une salope », « tu vois cette personne assise dans ce fauteuil roulant à la télévision ? Je veux te voir comme elle, alors tu vas souffrir ». Elle relata également qu’à plusieurs reprises N.P. l’avait frappée à la tête, lui avait donné des coups de pied, l’avait griffée et l’avait battue. L’un des épisodes les plus violents s’était produit lorsque la requérante avait tenté d’exposer une opinion personnelle avec laquelle N.P. n’était pas d’accord. À ce moment-là, l’homme l’avait prise à la gorge et l’avait ensuite violemment jetée sur le canapé. 9. Alors que la requérante discutait avec les carabiniers, N.P. arriva au poste et commença à crier et à la menacer : « Je vais te défigurer avec de l’acide, je vais te faire fondre avec l’acide, tu ne peux pas t’échapper, je vais te retrouver, je vais détruire ta voiture ». Après avoir menacé la requérante, il se jeta au milieu de la route et ensuite sur le capot d’une voiture qui circulait en demandant de se faire renverser. 10. Les carabiniers emmenèrent N.P. à l’hôpital et conseillèrent à la requérante de passer la nuit chez ses parents. À l’hôpital, N.P. fut examiné par une psychiatre qui décida de ne pas le soumettre à un traitement sanitaire obligatoire estimant qu’il n’était pas dangereux. Selon la psychiatre, N.P. était calme et reconnaissait le comportement qu’il avait eu. À un certain moment, il s’éloigna volontairement de l’hôpital. Il y fut ramené par les carabiniers et, après un nouvel entretien avec la psychiatre, il quitta l’hôpital. 11. Les policiers vérifièrent que la requérante et V. avaient été hébergées chez la mère de la requérante. 12. Une fois sorti de l’hôpital, N.P. commença à téléphoner à la mère de la requérante et se rendit chez elle. Lorsque la requérante lui dit qu’elle ne voulait pas rentrer avec lui, il commença à crier et à donner des coups de pied à la voiture de la requérante avant de rentrer seul chez lui. 13. Le 21 novembre 2015, se rendant de nouveau chez les carabiniers de Scarperia, la requérante porta plainte contre N.P. Elle fut informée de la possibilité de demander de l’aide auprès d’un centre d’accueil pour les femmes victimes de violences. ARRÊT LANDI c. ITALIE 3 14. Le 22 novembre 2015, les carabiniers transmirent au procureur de la République de Florence la plainte de la requérante ainsi que la communication des infractions pénales commises par N.P. Ils firent valoir que N.P avait déjà fait l’objet d’une enquête de police pour des faits similaires en 2010 et qu’une ordonnance par laquelle il lui était interdit d’approcher son ex-compagne avait été émise. Ils joignirent les déclarations des témoins et des médecins de l’hôpital qui avaient examiné N.P. Les carabiniers suggérèrent au procureur de solliciter auprès du juge d’ordonner une mesure conservatoire sur le fondement de l’article 282 ter du code de procédure pénale afin d’éloigner N.P. du domicile familial et de l’empêcher de s’approcher de la requérante, sa fille et ses beaux-parents. 15. Une procédure pour harcèlement fut ouverte contre N.P. 16. Pendant environ quatre mois, aucune enquête ne fut menée ni aucune mesure conservatoire ne fut ordonnée par le juge, le procureur n’ayant pas demandé au juge de prendre une telle mesure. 17. Le 3 mars 2016, la requérante décida de retirer sa plainte, estimant que N.P. semblait aller mieux grâce à la thérapie qu’il suivait. 18. Le 11 mai 2016, la plainte fut classée. II. SEPTEMBRE 2017 : DEUXIÈME AGRESSION COMMISE SUR LA REQUÉRANTE 19. Le 1er septembre 2017, M., le deuxième enfant de la requérante et N.P., naquit. 20. Le 3 septembre 2017, N.P. se réveilla au milieu de la nuit et ne trouva pas la requérante et leur enfant M. À ce moment-là, la requérante s’était rendue à l’hôpital avec sa mère, car elle avait des problèmes d’allaitement. Alors qu’elle s’apprêtait à monter dans la voiture, elle reçut un appel sur son portable de la part de N.P. qui en criant avait réveillée V. Elle rentra à la maison où elle trouva N.P extrêmement agité et confia M. à ses parents. 21. La requérante téléphona aux numéros d’urgence. Les carabiniers de Ronta arrivèrent, entendirent la requérante, son frère, sa mère, qui entretemps avait pris V. et l’avait emmené chez elle, ainsi que N.P. Ils dressèrent un procès-verbal. La requérante précisa qu’elle n’avait pas été frappée et qu’elle ne voulait pas déposer plainte. 22. Le 9 septembre 2017, les carabiniers de Scarperia envoyèrent au procureur un rapport mis à jour sur la situation de la requérante. Ils exposèrent que l’intéressée ne voulait pas déposer plainte. III. DÉCEMBRE 2017 : INTERVENTION DES CARABINIERS PENDANT UNE DISPUTE 23. Le 31 décembre 2017, les carabiniers intervinrent lors d’une altercation violente entre la requérante et N.P. dans la rue. ARRÊT LANDI c. ITALIE 4 24. À la suite de l’intervention des carabiniers, N.P. refusa de donner son identité. Un rapport fut rédigé et une communication fut envoyée à l’autorité judiciaire. IV. FÉVRIER 2018 : TROISIÈME AGRESSION COMMISE SUR LA REQUÉRANTE 25. Vu l’état d’agitation dans lequel N.P. se trouvait, le 22 février 2018, la requérante l’accompagna au centre de santé mentale. Son médecin n’étant pas présent, N.P. fut examiné par un autre médecin qui lui administra un calmant par perfusion. 26. Au cours de l’après-midi, la requérante sollicita l’intervention des carabiniers. 27. À leur arrivée, l’intéressée expliqua que N.P. était entré à la maison très uploads/Sante/ affaire-landi-c-italie.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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