1 CONSEIL D’ETAT Assemblée générale _________ Séance du jeudi 4 février 2021 N°

1 CONSEIL D’ETAT Assemblée générale _________ Séance du jeudi 4 février 2021 N° 401.872 EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS AVIS SUR LA PROPOSITION DE LOI pour renforcer la prévention en santé au travail 1. Saisi par le président de l’Assemblée nationale, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution, de la proposition de loi n° 3718 pour renforcer la prévention en santé au travail, déposée par Mmes Parmentier-Lecocq, députée du Nord, et Grandjean, députée de Meurthe-et-Moselle, et plusieurs de leurs collègues, le Conseil d’Etat, après avoir examiné les articles de la proposition de loi, présente les observations et suggestions qui suivent. 2. La proposition de loi se fixe pour objectif principal de transposer l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail conclu le 10 décembre 2020, au titre des stipulations appelant une traduction législative, en veillant au respect des équilibres trouvés par les partenaires sociaux. En outre, la proposition de loi intègre un certain nombre de mesures complémentaires ayant notamment pour objectif de décloisonner la santé publique et la santé au travail. Le texte décline quatre axes de réforme : - Renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail, notamment en renforçant le contenu du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), en étendant les missions des services de santé au travail (SST) à l’évaluation et à la prévention des risques professionnels dans l’entreprise, ainsi qu’à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, notamment au titre de campagnes de vaccination et de dépistage, et en favorisant la participation de ces services aux structures locales de coopération sanitaire. Dans ce cadre, les services de santé au travail deviennent les « services de prévention et de santé au travail » (SPST) ; - Améliorer la qualité du service rendu par les services de santé au travail, notamment en matière de prévention et d’accompagnement, à travers la mise en œuvre d’une procédure de certification et une révision de leurs règles de tarification, plus transparente et plus équitable pour les petites entreprises. Pour améliorer leur connaissance de l’état de santé des travailleurs, l’accès au dossier médical partagé est ouvert aux médecins du travail et aux infirmiers ; 2 - Renforcer l’accompagnement de certains publics, notamment vulnérables, et lutter contre la désinsertion professionnelle : dans chaque SPST, une cellule sera dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle. La proposition de loi prévoit le développement des pratiques médicales à distance relevant de la télémédecine et de la téléexpertise pour le suivi des travailleurs. Elle introduit également une visite de mi-carrière professionnelle. Enfin, elle améliore et étend le suivi en santé au travail des intérimaires, salariés d’entreprises sous-traitantes ou prestataires comme des travailleurs indépendants et chefs d’entreprise non-salariés. Le dispositif de pré-reprise est revu afin d’améliorer les conditions de retour de congé maladie de longue durée ; - Réorganiser la gouvernance de la santé au travail, en adaptant l’organisation interne aux SPST, en élargissant les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres professionnels de santé du service et en renforçant le pilotage national. En particulier, la proposition de loi ouvre la possibilité de recourir à des médecins praticiens correspondants et consacre au niveau législatif le statut de l’infirmier en santé au travail. En ce qui concerne le pilotage national, un comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) est institué au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail, disposant de compétences étendues. Enfin, la proposition de loi augmente la durée minimale des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail des membres de la délégation du personnel du comité social et économique dans les entreprises de moins de 300 salariés. 3. Le Conseil d’Etat observe que la proposition de loi résulte d’une co-construction associant Parlement, partenaires sociaux et Gouvernement selon un processus inédit. En application de l’article L. 1 du code du travail, le Gouvernement avait invité les partenaires sociaux, dans un document d’orientation en date du 15 juin 2020, à engager une négociation interprofessionnelle destinée à aboutir pour la fin d’année 2020, en définissant plusieurs objectifs. Cette négociation a abouti à la signature d’un accord le 10 décembre 2020. Pour la première fois, un texte présenté par des parlementaires procède à la transposition d’un accord national interprofessionnel dans la loi. Considérations transversales Sur le champ des travailleurs concernés 4. Les dispositions de la quatrième partie du code du travail modifiées par la proposition de loi ne sont pas applicables aux fonctionnaires et agents publics, qui relèvent d’un régime juridique propre (décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique), à l’exception de ceux relevant des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (art. L. 1411-1 du code du travail). Par suite, en ne faisant mention que des services relevant du code du travail, les articles modifiant le code de la santé publique et relatifs à la coordination territoriale de santé (article 5) et au dossier médical partagé (article 11) ne leur seraient, en l’état du texte, pas rendus applicables. 5. A l’inverse, la proposition de loi s’applique de droit aux travailleurs relevant du code rural et de la pêche maritime, par l’effet du renvoi prévu à l’article L. 717-1 de ce code. Néanmoins, les services de santé au travail en agriculture font l’objet de règles spécifiques, 3 notamment en ce qui concerne leur organisation, confiée aux caisses de mutualité sociale agricole (article L. 717-3) ainsi que les cotisations dues par les entreprises qui leur sont rattachées et définies proportionnellement à la masse salariale (article L. 717-2-1). La proposition de loi appelle donc sur ce point une clarification : il appartient au législateur de préciser dans quelle mesure il entend conserver certaines des spécificités agricoles dans le nouveau régime. 6. Enfin, les dispositions du code du travail modifiées par la proposition de loi sont applicables aux travailleurs dans les mines et les carrières, pour lesquels le pouvoir réglementaire peut prévoir des adaptations (art. L. 180-1 et art. L. 351-1 du code minier), mais ne le sont pas aux gens de mer qui relèvent d’un service de santé spécifique (art. L. 5545-13 du code des transports). Sur le partage entre la loi et le règlement 7. S’agissant de la répartition des compétences entre la loi et le règlement sur le fondement des articles 34 et 37 de la Constitution, il y a lieu de rappeler que seules appellent en principe l’intervention du législateur les dispositions qui relèvent de l’une des matières énumérées à l’article 34 ou qui dérogent à un principe général du droit. 8. L’essentiel des dispositions de la proposition de loi relèvent du droit du travail dont il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de déterminer les principes fondamentaux. Il n’incombe ainsi pas au législateur, en matière de santé au travail, de déterminer les modalités pratiques, notamment en termes de périodicité, selon lesquelles s’effectuent les interventions de la médecine du travail (CE, 19 juillet 2017, CGT-FO, n° 408377). 9. Le Conseil d’Etat observe que plusieurs articles de la proposition de loi rehaussent au niveau législatif, en reprenant parfois pour partie les mêmes termes, des dispositions relevant de la partie réglementaire du code du travail. Tel est le cas notamment pour la visite de pré-reprise (article 18) ou les modalités selon lesquelles le médecin du travail peut confier certaines de ses missions aux autres membres de l’équipe pluridisciplinaire (article 24). De tels rehaussements avaient déjà été opérés, par touches successives, par la loi du 20 juillet 2011, en ce qui concerne l’organisation des services de santé au travail, et par la loi du 8 août 2016, en ce qui concerne le suivi individuel de l’état de santé. 10. Si, pris isolément, plusieurs des rehaussements opérés par la proposition de loi présentent une réelle justification par rapport à ces précédents, il en résulte néanmoins une ligne de partage entre loi et règlement peu cohérente, des éléments substantiels liés au fonctionnement des SST, à la nature des examens obligatoires ou au statut des infirmiers de santé au travail demeurant définis par décret. 11. A défaut d’une remise à plat, qui serait bienvenue mais excéderait sans doute l’objet de la présente proposition de loi, le Conseil d’Etat estime que, tout en maintenant une base législative suffisante, certaines des dispositions de la proposition de loi qui relèvent des modalités de mise en œuvre pourraient utilement être renvoyées au décret, à l’exemple de la liste exhaustive des documents faisant l’objet d’une publication obligatoire (article 10), du contenu exact de la visite de mi-carrière (article 16) ou des missions consultatives dévolues au comité national et aux comités régionaux de prévention et de santé au travail (articles 25 et 26). 4 Sur la possibilité donnée aux partenaires sociaux de définir les modalités d’application de certaines dispositions de la loi 12. La proposition de loi renvoie au comité national de uploads/Sante/ 1612876574021.pdf

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  • Publié le Jan 23, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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