Anévrismes de l’aorte P Cacoub, F Koskas L a fréquence des anévrismes aortiques
Anévrismes de l’aorte P Cacoub, F Koskas L a fréquence des anévrismes aortiques (AA) et particulièrement ceux de l’aorte abdominale (AAA) augmente constamment dans les pays industrialisés. Les résultats de la chirurgie en urgence des anévrismes aortiques pour complication restent décevants et constituent le meilleur plaidoyer pour une chirurgie élective précoce. © Elsevier, Paris. I Définition Un anévrisme se définit comme une perte de parallélisme des parois aortiques. La taille d’un anévrisme doit être considérée en fonction de celle du segment aortique affecté, objet de variations topographiques et interindividuelles non négligeables. On admet qu’une augmentation de diamètre de plus de 50 % par rapport à l’aorte sus-jacente suffit à définir un anévrisme. I Physiopathologie ‚ Mécanismes initiateurs des AA : de la théorie athéromateuse à la théorie pariétale [5] Les AA ont longtemps été assimilés à une conséquence dégénérative de l’athérosclérose de l’aorte et jusqu’au début des années 1980 leur pathogénie était superposée à celle de l’athérosclérose. L’argument principal de cette théorie tenait à la présence quasi constante de lésions histologiques d’athérosclérose sur les pièces anatomiques d’AA. En fait, des études comparatives, épidémiologiques, cliniques, biochimiques et génétiques, faites essentiellement sur les AAA, remettent en cause le bien-fondé de cette théorie et plaident actuellement pour des anomalies pariétales aortiques génétiques et/ou acquises associées à des facteurs environnementaux. Données épidémiologiques De 1950 à 1980, on assiste à une augmentation régulière de l’incidence des AAA qui est passée de 8,7 à 36,7 nouveaux cas par an pour100 000 habitants aux États-Unis, et de 10 à 200 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants au Royaume- Uni [2, 3, 7]. Ces constatations surviennent alors que dans ces pays occidentaux, durant la même période, l’incidence des complications liées à l’athérosclérose coronaire et cérébrale est en régression. Plusieurs études épidémiologiques comparant des malades ayant un AAA et ceux ayant une athérosclérose aortique sans anévrisme révèlent certaines « discordances » suggérant qu’il n’y a pas obligatoirement de continuum entre athérosclérose et anévrisme. Ainsi certains facteurs de risque communs (tableau I) à ces deux populations de patients n’ont pas la même puissance, puisque le tabagisme augmente beaucoup plus le risque relatif de développer un AAA qu’un athérome sans anévrisme (25 versus 5) ; l’hypertension diastolique est un facteur de risque plus important pour l’AAA que pour l’athérosclérose aortique, et l’existence d’une dyslipidémie ne semble pas être un facteur prépondérant dans le développement des AAA. Alors qu’elle tend à diminuer pour l’atteinte coronaire et cérébrale, la prédominance masculine reste très nette pour l’AAA (six à huit hommes pour une femme). Il existe également une différence raciale avec une incidence trois fois plus élevée d’AAA chez les sujets de race blanche que dans les populations de race noire [7, 14]. Chez les patients avec un AAA, on trouve fréquemment des lésions ectasiantes ou anévrismales dans d’autres territoires artériels, en particulier iliaques, fémoraux, poplités ou thoraciques. On parle alors de dystrophie polyanévrismale, la diffusion des lésions suggérant une atteinte pariétale primitive et diffuse plutôt que des phénomènes localisés conséquences d’anomalies purement mécaniques. Ces données suggèrent que les AAA surviennent chez des sujets prédisposés peut-être par l’existence d’une anomalie plus diffuse du tissu élastique. Données biochimiques Dans les modèles expérimentaux, s’il est facile d’induire un athérome chez l’animal, celui-ci ne conduit que rarement à la formation d’anévrisme. À l’inverse, les modèles expérimentaux d’anévrismes ne passent jamais par un athérome, mais font intervenir des anomalies pariétales aortiques touchant les deux constituants principaux de la paroi aortique : l’élastine et le collagène. L’élastine est responsable de l’élasticité de la paroi aortique. Le collagène, dont les types I et III sont les plus représentés dans la paroi de l’aorte abdominale, est 20 fois moins sensible aux forces d’étirement que l’élastine et est responsable de la rigidité de la paroi aortique. Plusieurs constatations suggèrent que la diminution de l’élastine dans la paroi aortique joue un rôle très important dans le développement des AAA [14]. Données génétiques Plusieurs maladies du tissu élastique s’accompagnant d’anomalies artérielles sont liées à des anomalies génétiques bien définies comme la maladie de Marfan et la maladie d’Ehlers-Danlos de type IV. Quelques études ont testé la valeur d’un dépistage systématique d’AAA par échographie- doppler dans la fratrie de patients opérés d’AAA. La prévalence des formes familiales d’AAA est alors de 5 à 12 %. Un dépistage systématique par échographie-doppler semble justifié chez les frères âgés de plus de 50 ans de sujets présentant un AAA. De nombreux gènes candidats ont été testés mais les résultats sont restés décevants puisque les recherches d’anomalies sur les gènes codant pour l’élastine, le collagène de type III, les enzymes (élastases, collagénases, gélatinases, métallopro- téases) n’ont pas apporté de résultat démonstratif. ‚ Mécanismes régissant le développement des AA : facteurs mécaniques [6] Le maintien du parallélisme des parois artérielles nécessite l’équilibre entre la résistance des parois et la contrainte transpariétale. Une augmentation du rayon et un amincissement pariétal sont des phénomènes caractéristiques des anévrismes et contribuent à l’augmentation de la contrainte transpariétale. L’adaptation de la paroi aux changements cycliques de pression constitue une sollicitation physique considérable. L’élastine, véritable élastomère, est une protéine remarquable par son extensibilité et sa rétractilité, qui absorbe 90 % de la charge dynamique de la paroi. Le collagène présente une résistance statique importante, mais son exposition à des cycles de fatigue le condamne à une déformation progressive. De nombreuses évidences expérimentales démontrent qu’un déficit du collagène conduit plus volontiers à la rupture artérielle (comme la maladie d’Ehlers-Danlos) alors qu’un déficit de l’élastine conduit à une dilatation artérielle, c’est-à-dire à un Tableau I. – Facteurs fréquemment retrouvés chez les patients présentant un anévrisme de l’aorte abdominale. Tabagisme Hypertension artérielle diastolique Sexe masculin Race blanche Antécédent de hernie inguinale Cancer épithélial 1 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 2-0470 © Elsevier, Paris 2-0470 anévrisme. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer la prédisposition naturelle de l’aorte abdominale sous-rénale aux anévrismes. Son équipement en lames élastiniques est inférieur à celui de n’importe quelle autre artère de mammifère. Sa teneur en élastine décroît en aval du passage transdiaphragmatique. L’augmentation de taille est inexorable bien que variable dans le temps et avec la taille absolue de l’anévrisme. Pour les AAA, cet accroissement en diamètre est en moyenne de 0,5 cm par an. Au début, le taux d’accroissement est lent puis à partir d’un certain seuil, cet accroissement devient très rapide pour aboutir à la rupture [13]. Si cette rupture n’est pas contenue par les structures du voisinage, une hémorragie survient. La rupture de l’anévrisme peut se faire dans un espace fibreux contenu comme le médiastin ou l’espace rétropéritonéal, et une contention temporaire peut laisser le temps à l’équipe chirurgicale d’intervenir en urgence. Si cette rupture se produit dans une cavité libre comme la plèvre, le péritoine ou à la peau, la déperdition sanguine peut être rapidement cataclysmique. La rupture peut également se faire dans un organe creux du voisinage comme l’œsophage, les bronches, les poumons, l’intestin ou l’appareil urinaire. Enfin, l’anévrisme peut se rompre dans une autre cavité du système cardiocirculatoire : le péricarde occasionnant une tamponnade aiguë, les cavités cardiaques, la petite circulation, ou la veine cave aboutissant à une fistule aortocave. L’alluvionnement de thrombus est une conséquence directe de la géométrie de l’anévrisme. Le ralentissement circulatoire entraîne une thrombose progressive, multistratifiée, siège d’un délitement modelant constant. La couche de thrombus se comporte mécaniquement comme une couche de sang et n’absorbe aucune charge mécanique structurale. De plus, son délitement conduit à une destruction embolique progressive du lit d’aval. La présence du thrombus peut conduire à une occlusion in situ de l’anévrisme. La surinfection du thrombus, particulièrement à staphylocoques ou à bacille à Gram négatif, est un phénomène fréquent. Cette surinfection peut gagner la paroi anévrismale elle-même et la soumettre, en la fragilisant, à un risque accru de rupture. Même en l’absence de surinfection, il peut se produire une réaction inflammatoire parfois exubérante de mécanisme discuté, pouvant envahir le rétropéritoine sous la forme d’une fibrose rétropéritonéale et comprimer les voies urinaires, la veine cave ou le tube digestif. Ainsi, le concept unique d’anévrisme « athéromateux » apparaît en recul au profit du terme d’anévrisme non spécifique. Les différentes anomalies moléculaires observées dans la paroi aortique abdominale, l’importance du rôle de certains facteurs de risque et le caractère familial font émerger une nouvelle théorie pathogénique : le développement des AA serait sous le double contrôle de facteurs environnementaux (hypertension artérielle, tabac) et d’anomalies génétiques encore inconnues gouvernant la synthèse des différentes protéines de structure de la paroi aortique. I Étiologie À côté de la grande majorité des anévrismes, pour lesquels les théories actuelles orientent vers une atteinte athéromateuse surajoutée à une pathologie primitive de la paroi de l’aorte, il existe de nombreuses autres causes d’anévrismes aortiques (tableau II). ‚ Anévrismes « dégénératifs athéromateux » Dans les traités classiques de pathologie vasculaire, les AA étaient dans 80 % des cas rattachés à une « origine athéromateuse ». En fait, il est probable qu’une grande partie des AA soit la conséquence de plusieurs phénomènes présents au niveau de la paroi aortique : prédisposition uploads/Sante/ anevrismes-de-l-x27-aorte.pdf
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- Publié le Dec 16, 2022
- Catégorie Health / Santé
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