mise au point 20 | La Lettre du Cardiologue • n° 479 - novembre 2014 Angor spas

mise au point 20 | La Lettre du Cardiologue • n° 479 - novembre 2014 Angor spastique : quoi de neuf en 2014 ? Vasospastic angina: what’s new in 2014? H. Aélion*, O. Varenne* * Service de cardiologie, hôpital Cochin, Paris. L’ angor spastique est lié à un spasme artériel coronaire et correspond à une anomalie de la vasomotricité entraînant une réduction du calibre artériel responsable d’une ischémie myocar- dique. Bien que l’athérosclérose coronaire soit la cause largement prédominante d’ischémie myocar- dique, le spasme coronaire a été identifié comme étant un autre mécanisme possible d’ischémie myocardique depuis plusieurs décennies. Prinz- metal et al. ont, les premiers, en 1959, rapporté une variante d’angine de poitrine, dont les symptômes ont la particularité de survenir presque exclusi- vement au repos, en s’accompagnant de modifi- cations électriques percritiques et transitoires à type de sus-décalage du segment ST, conduisant à appeler ce syndrome “variant angina” (1) puis angor de Prinzmetal. Oliva et al. démontrent que le spasme coronaire décrit angiographiquement est responsable de l’angor de Prinzmetal (2). Épidémiologie La prévalence de l’angor spastique reste inconnue en France, mais on sait qu’il existe un net gradient est/­ ouest. En effet, c’est en Asie qu’on observe le plus grand nombre de malades souffrant d’angor spastique. D’ailleurs, le sujet intéresse surtout les équipes asiatiques, alors que les publications occi- dentales sont rares. Il semble qu’il y ait également certaines particularités ethniques. Les patients spas- tiques occidentaux sont plus âgés, ont plus souvent une maladie coronaire athéroscléreuse sous-jacente, et le ratio homme/femme penche moins en faveur des hommes que chez les patients asiatiques (3). De même, la survie globale et la survie sans infarctus du myocarde à 3 ans sont meilleures chez les patients japonais souffrant de spasme coronaire (3). Certaines similitudes peuvent néanmoins être obser- vées avec une prévalence croissante selon l’âge. Chez les patients ayant des douleurs thoraciques de repos sans sténose coronaire significative (< 50 %), les taux de spasme coronaire dans la littérature fluc- tuent de 20 à 48 % (4, 5). Physiopathologie La physiopathologie du spasme coronaire est complexe, et non complètement élucidée à ce jour, mais les 2 composantes essentielles sont l’hyperréac- tivité des cellules musculaires lisses et la dysfonction endothéliale (6). En effet, chez les patients souffrant d’angor spastique, les cellules musculaires lisses de la média des coro- naires sont hypercontractiles et réagissent de manière excessive en réponse à de nombreux agents vaso- constricteurs, tels que l’acétylcholine, la sérotonine ou la noradrénaline (7). Une hypertrophie des cellules musculaires lisses, a été également décrite (7). Une dysfonction endothéliale entraîne la perte de l’effet vasodilatateur NO-dépendant en réponse à des stimuli divers, mais également une diminution de la production ou de la biodisponibilité du NO et un déséquilibre de la balance vasodilatateurs-vaso- constricteurs. Les conséquences d’une dysfonction endothéliale sont multiples. Outre son rôle déter- minant dans la survenue du spasme coronaire, elle est reconnue comme étant un marqueur précoce du risque d’athérosclérose coronaire. Il semblerait également que des phénomènes déclen- cheurs puissent précipiter la survenue d’un spasme coronaire. Il s’agit en réalité d’un processus aigu, non constitutif du vaisseau dont la présence provoque un spasme sur un terrain prédisposé. Le principal facteur identifié comme favorisant la survenue d’un spasme est la consommation de tabac. En effet, jusqu’à 75 % des patients souffrant d’un angor spas- tique sont fumeurs (8). Parmi les autres facteurs déclencheurs, on relève la prise de médicaments (dérivés de l’ergot de seigle, triptans) ou drogues (amphétamines, cocaïne). La Lettre du Cardiologue • n° 479 - novembre 2014 | 21 Points forts » » Le spasme coronaire est une pathologie potentiellement grave car elle est associée à des complications potentielles (infarctus du myocarde, mort subite, troubles conductifs de haut degré), se manifestant le plus souvent par des douleurs angineuses de repos concomitantes de modifications électriques parfois spectaculaires (sus-décalage ST transitoire percritique). » » La prévalence du spasme coronaire reste à ce jour inconnue, mais elle est certainement sous-estimée. » » Le diagnostic repose sur la réalisation d’une coronarographie avec test de provocation capable de reproduire le spasme chez des patients atteints. » » Le traitement de la crise comprend des dérivés nitrés, tandis que le traitement de fond comporte des inhibiteurs calciques de première intention. L’arrêt du tabac est impératif. Mots-clés Angor spastique Test de provocation Méthylergonovine Highlights » » Vasospastic angina is a potentially severe disease due to a coronary spasm which can cause myocardial infarction, ventricular arrythmias, cardiac sudden death and atrioven- tricular block. Symptoms are usually recurrent episodes of angina at rest, with spec- tacular transient ST-segment elevations. » » The prevalence remains unknown but is certainly under- estimated. » » Diagnosis can be made during coronary angiography with provocative test (methyl­ ergonovine or acetylcholine), which can reproduce spasm. » » Vasospatic angina requier medical therapy consisting in nitrates while calcium channel blockers are recommended in first choice for chronic preven- tive treatment. Smoking cessation is also absolutely mandatory. Keywords Vasospastic angina Provocative test Methylergonovine Diagnostic Le principal motif de consultation des patients ayant un spasme coronaire est la douleur thoracique angi- neuse de repos. Les caractéristiques qui peuvent faire évoquer en priorité une crise d’angor spastique sont : la survenue d’une douleur thoracique chez un patient ayant peu de facteurs de risque cardio­ vasculaire en dehors d’un tabagisme actif, la présence d’anté- cédents d’autres pathologies présumées d’origine spastique (phénomène de Raynaud, migraine et ses traitements), l’horaire de survenue des crises (nocturne) et leur absence de lien avec l’effort. Les symptômes de l’angor spastique surviennent préfé- rentiellement entre minuit et le petit matin, et plus précisément entre 5 et 6 heures. Le tonus vagal, un des principaux régulateurs du tonus vasomoteur, est en effet plus important la nuit. Les variations nycthé- mérales d’autres hormones telles que le cortisol pourraient également expliquer ce phénomène. Contrairement aux crises angineuses classiques liées à l’athérosclérose coronaire, les symptômes ne surviennent pas à l’effort, même si quelques données dans la littérature montrent qu’il existe aussi quelques formes d’angor spastique mixte (exer- cice et repos) et, exceptionnellement, des spasmes limités à l’effort. Il existe une variabilité annuelle avec, chez un même individu, la présence de périodes où la maladie est cliniquement parlante, avec la survenue fréquente de symptômes, et des périodes latentes où le malade est asymptomatique. Enfin, un spasme coronaire peut aggraver une sténose coro- naire athéroscléreuse banale et expliquer certains épisodes de repos chez un patient principalement symptomatique à l’effort (9). En dehors des crises, l’examen clinique et l’électro- cardiogramme (ECG) de repos sont rigoureusement normaux. Durant le spasme coronaire, on trouve un sus-décalage transitoire et marqué du segment ST. Il est recommandé de réaliser deux ECG consé- cutifs : le premier au moment de la crise spastique lorsque c’est possible, et le second après adminis- tration de dérivés nitrés, ce qui permet de constater la normalisation des troubles de la repolarisation et de poser le diagnostic. Malheureusement, dans les formes les plus graves, l’angor spastique peut d’emblée se révéler par une complication. En cas de spasme prolongé occlusif ou subocclusif, l’obstruc- tion coronaire peut être responsable d’un infarctus du myocarde, et l’ischémie myocardique trans­ murale alors causée par l’occlusion coronaire pourra être responsable de troubles du rythme sévères (tachy- cardie et fibrillation ventriculaires [TV/FV]) pouvant provoquer des morts subites. Des blocs auriculo- ventriculaires (BAV) de haut degré peuvent être observés en cas de spasme du réseau coronaire droit, par ischémie du nœud auriculoventriculaire. C’est l’existence de ces complications parfois graves qui doit amener à évoquer le diagnostic de spasme coronaire. Les examens peu invasifs tels l’échographie cardiaque, le test d’effort ou le scanner coronaire sont peu rentables et ne permettent pas d’affirmer l’existence d’un spasme. L’existence de douleurs thoraciques de repos avec sus-décalage du segment ST concomitant sur un holter ECG, si elle est rare, permet de poser le diagnostic. Tests de provocation Lorsqu’un spasme coronaire est suspecté clinique- ment, un test de provocation peut être réalisé après avoir éliminé une pathologie coronaire athéromateuse significative. Les tests de provocation ont été proposés comme outil diagnostique du spasme coronaire (10). La méthylergonovine et ses dérivés ainsi que l’acétylcho- line sont les agents pharmacologiques les plus utilisés. En pratique, il s’agit de réaliser une injection intraco- ronaire d’acétylcholine ou intraveineuse d’ergonovine après s’être assuré de l’absence de sténose coronaire significative et rechercher l’apparition d’un spasme coronaire sous la forme d’une réduction transitoire de la lumière avec reproduction des symptômes et fluctuations percritiques du segment ST. Les contre- indications à la réalisation d’un test de provocation comportent : un spasme spontané, une élévation de la troponine, une hypertension artérielle non équilibrée et une sténose coronaire significative (≥ 70 % ou ≥ 50 % sur le tronc commun). Le test sera considéré comme anormal si l’on obtient une réduction transitoire totale ou subtotale (≥ 70 %) du diamètre de la lumière arté- rielle coronaire (figure 1, p. 22), survenant de façon concomitante avec une douleur thoracique et/ou un Angor spastique : quoi de neuf en 2014 ? mISE Au POInT Figure 1. Patient tabagique avec angor uploads/Sante/ angor-spastique.pdf

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  • Publié le Sep 05, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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