Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble 1/9 Asthénie (186) Professeur
Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble 1/9 Asthénie (186) Professeur Christian MASSOT Juillet 2002 Pré-Requis : Enseignement de séméiologie Index : Asthénie, Fatigue, Syndrome de fatigue chronique, Médecine Interne 1. Définition Eprouvé universel, le sentiment de fatigue ou asthénie a de tout temps constitué un motif de consultation et a été utilisé comme signe par les médecins. Il peut être défini comme le sentiment de ne plus avoir les moyens de sa volonté sans en percevoir clairement la raison. Cette sensation subjective d’incapacité doit être analysée plus finement et recouvre des sensations différentes : lassitude, perte de force physique, inefficience intellectuelle, fatigabilité inhabituelle. Il coïncide ou non avec une fatigue définie comme un phénomène physiologique consistant en une baisse du pouvoir fonctionnel d’un système pour une incitation constante, cette baisse des performances pouvant être physiologique si l’incitation qui la crée est anormale. Cet éprouvé qui s’exprime avec un vocabulaire varié et une grande confusion des termes est un symptôme global, indifférencié, imprécis, dont l’extrême banalité et la non spécificité en font un signe diagnostique d’utilité médiocre. Son intensité n’est pas mesurable mais on peut tenter comme pour la douleur d’utiliser des échelles ou des scores permettant des comparaisons plus rigoureuses. 2. Epidémiologie On dispose de peu de données objectives sur la fréquence de la fatigue et sur la fréquence des différents diagnostics portés par les médecins consultés pour ce symptôme. Dans des enquêtes à grande échelle recherchant la présence ponctuelle d’un symptôme, il est fait état d’une fatigue chez 33 à 46 % des personnes interrogées. Aux Etats Unis dans une enquête par questionnaire, 24 % des personnes interrogées dans la population générale répondent qu’elles ont éprouvé une période de fatigue de deux ou trois semaines ou plus et environ 60 % de ces personnes considèrent que leur fatigue n’a pas de cause médicale. En médecine générale (soins de premier recours) la fatigue est aux Etats Unis la septième cause de consultation (National ambulatory medical care survey). Elle représenterait en tant que symptôme isolé 1 à 3 % des motifs de consultations médicales. P. Cathebras observe dans une consultation de médecine générale hospitalière à Montréal une prévalence de la fatigue de 13,6 %, la fatigue étant le motif de consultation prédominant dans 6,7 % des cas. Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble 2/9 D. W. Bates (Brighan and women’s hosp. Boston) observe que sur une cohorte de 995 patients se présentant à une consultation hospitalière de médecine générale, 271 soit 27 % se plaignent d’une fatigue inhabituelle interférant avec leur mode de vie durant au moins 6 mois. 121 de ses patients signalent d’emblée une pathologie organique ou psychiatrique pouvant expliquer la fatigue. L’examen du malade et des éléments de son dossier relève chez 65 autres patients une pathologie coexistante expliquant la fatigue et finalement 85 soit 8,5 % ont une fatigue apparemment inexpliquée. 3. Diagnostic étiologique L’importance de la fatigue dans la description séméiologique de différentes maladies n’est pas le reflet exact des probabilités diagnostiques lorsque la fatigue est isolée et la recherche casuistique nous renseigne sur les affections à évoquer dans cette situation. Les publications s’intéressant aux malades présentant une fatigue en tant que symptôme prédominant voire unique ne représentent que moins de 15 % des asthéniques. Morrisson dans une série de 176 patients présentant une fatigue dont l’étiologie n’apparaît pas évidente au terme d’une première consultation, trouve au terme de la démarche diagnostique 39 % de causes organiques, 41 % de causes psychiques, 12 % de causes mixtes, 8 % de causes indéterminées. Kahendall retrouve 36 % de causes organiques, 37 % de causes psychiques, 12 % de causes physiologiques et 16 % de causes indéterminées. Si l’asthénie psychogène représente le pourcentage le plus élevé de diagnostics, les étiologies organiques sont souvent les seules envisagées par le malade et doivent rester au premier plan des préoccupations du médecin en raison des conséquences graves des erreurs diagnostiques. Les caractères séméiologiques différenciateurs entre fatigue organique et psychique sont le plus souvent fragiles, d’autant plus qu’une fatigue organique peut engendrer un sentiment de lassitude. On peut cependant schématiquement retenir qu’une fatigue à prédominance vespérale ne s’accompagnant pas ou peu de modification de l’état mental, à prédominance de fatigabilité musculaire, liée à l'effort, constante d’un jour à l’autre, améliorée par le repos est plus probablement organique et qu’une fatigue à prédominance matinale d’une grande variabilité d’un jour à l’autre, pour laquelle le repos est inefficace voire aggravant, qui est levée lors de certaines activités est plus probablement psychique d’autant plus qu’elle est accompagnée de signes fonctionnels riches et variés, contrastant avec l’absence d’altération de l’état général. 3.1. Une étiologie infectieuse Une étiologie infectieuse est souvent évoquée compte tenu du caractère asthéniant des maladies infectieuses, notamment lorsqu’elles sont dues à des agents intra-cellulaires ou lorsqu’elles ont pour cibles certains organes tel que le foie ou le système nerveux central. Si dans la majorité des cas des signes plus évocateurs que le sentiment de lassitude orientent le diagnostic, une fatigue apparemment isolée peut conduire au diagnostic d’hépatites virales, d’herpès virus (EBV, CMV), d’infection à VIH, d’infection à parvovirus B19, de tuberculose, de brucellose, de maladie de Lyme, de fièvre Q, de rickettsiose. Ces faits ont popularisé l’idée qu’une fatigue chronique pouvait avoir une origine infectieuse, cependant dans une cohorte prospective en médecine générale Wessely n’a pas mis en évidence de relation statistiquement significative entre le début d’une fatigue chronique et un épisode infectieux. Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble 3/9 Une étiologie toxique dont l’interrogatoire est habituellement la clef diagnostique est souvent négligée. L’intoxication chronique au monoxyde de carbone peut donner lieu à une mauvaise interprétation des faits conduisant au diagnostic d’asthénie psychogène. Une intoxication au plomb peut être prise pour un syndrome de fatigue chronique idiopathique. L’intoxication alcoolique chronique est parfois difficile à déceler et intriquée aux éléments psychopathologiques. L’origine médicamenteuse de l’asthénie doit être systématiquement suspectée et de nombreuses classes médicamenteuses ont été incriminées (psychotropes à action sédative, antihistaminiques, béta-bloquants, hypoglycémiants, anticomitiaux, antibiotiques, antimitotiques, diurétiques). Un mécanisme physiopathologique tel qu’une hypokaliémie peut en constituer l’explication rationnelle mais il est souvent difficile de déterminer le rôle respectif du traitement et de l’affection l’ayant justifié. L’évolution après sevrage est un élément clef du diagnostic. Les intoxications liées à des toxiques industriels ou à des toxiques de l’environnement sont peu fréquemment en cause et peuvent être à l’origine de comportement sinistrosique rendant certaines situations d’analyse difficile. Les pathologies endocriniennes et métaboliques sont responsables d’asthénie. L’insuffisance surrénalienne est une affection qui donne encore lieu à des retards diagnostiques importants. • L’hypercorticisme est parfois encore plus trompeur en raison de l’état dépressif qui peut l’accompagner. • La thyroïde est fréquemment en cause qu’il s’agisse d’une hypo ou d’une hyperthyroïdie. • L’hypopituitarisme dont l’un des symptômes prédominants peut être l’asthénie donne lieu à des retards diagnostiques importants, surtout chez le sujet âgé. La fatigue est généralement associée à des sensations vertigineuses ou à des lipothymies avec hypotension orthostatique. Le changement des habitudes de rasage, l’absence de pilosité axillaire doivent attirer l’attention. • L’hyperparathyroïdisme est responsable d’un tableau clinique peu spécifique avec fatigue. • L’hémochromatose peut chez certains patients être responsable d’une fatigue invalidante qui précède des signes plus spécifiques. Les pathologies neurologiques périphériques et musculaires. • Elles se traduisent par une faiblesse musculaire avec diminution de force et fatigabilité mais un déficit moteur diffus d’installation insidieuse peut être exprimé sous forme d’un sentiment d’asthénie diffuse. • Ces dysfonctionnements de l’unité motrice peuvent être liés au nerf, à la jonction neuromusculaire ou au muscle. Les retards diagnostiques les plus importants ont été Corpus Médical – Faculté de Médecine de Grenoble 4/9 rapportés pour des cas de myasthénie, de pathologie musculaire par erreur innées du métabolisme (glycogénose, myopathie mitochondriale). Les pathologies neurologiques centrales : • Au cours de la sclérose en plaque un sentiment de fatigue et une fatigabilité cognitive peuvent être observées. • Un syndrome Parkinsonien ou un syndrome démentiel débutant peuvent donner lieu à une consultation pour fatigue. La pathologie du sommeil : différents aspects de la pathologie du sommeil peuvent être responsables d’asthénie. • Les perturbations des rythmes biologiques circadiens peuvent être en cause. Elles peuvent être liées à des horaires de travail posté incompatibles avec les propriétés de l’horloge biologique ou à des changements rapides de fuseau horaire responsables d’un syndrome appelé « jet lag ». • Le syndrome d’apnée du sommeil comporte dans sa séméiologie une asthénie diurne, l’interrogatoire devant rechercher des éléments plus spécifiques (épisodes d’endormissement incoercible, sommeil non réparateur associé à des ronflements et à des pauses respiratoires). • Dans les formes incomplètes l’hypersomnie de la narcolepsie peut être confondue avec une fatigue. • Les difficultés d’endormissement et les réveils précoces doivent être intégrées à l’analyse des troubles psychiques. Des études épidémiologiques ont mis en évidence une relation entre des pressions artérielles basses et la fatigue. Une prévalence élevée d’anomalies de la réponse hémodynamique en orthostatisme a également été notée chez des patients présentant une fatigue chronique avec chez certains patients une symptomatologie à type de uploads/Sante/ asthenie.pdf
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- Publié le Apv 20, 2021
- Catégorie Health / Santé
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