Chirurgie cranio-maxillo-faciale assistée par ordinateur B. Lombard L’avènement
Chirurgie cranio-maxillo-faciale assistée par ordinateur B. Lombard L’avènement d’une technologie nouvelle a fréquemment constitué, dans l’histoire moderne de la médecine, le point de départ d’un progrès sensible soit en augmentant l’acuité perceptive du médecin – source de nouvelles possibilités diagnostiques – soit en s’interposant entre la main du thérapeute et le corps malade, source d’affinement de l’acte thérapeutique. Ainsi en est-il, par exemple, du microscope, de l’électrocardiographe, ou encore des rayons X, chacun à l’origine de spécialités médicales majeures. L’application à la chirurgie oto-rhino-laryngologique des possibilités immenses de la technologie numérique est encore trop récente pour mesurer objectivement son impact. Mais, outre le fait qu’elle est déjà incontournable, il se pourrait qu’elle conduise non seulement à une nouvelle manière d’opérer, mais aussi à une façon différente de penser la chirurgie. Nouvelle manière d’opérer : grâce à l’association des possibilités de l’endoscope-laveur panoramique et de micro-instruments motorisés couplés au guidage numérique, élargissant le champ d’application de la chirurgie cranio-maxillo-faciale tout en offrant la possibilité de voies d’abord de plus en plus subtiles. Façon nouvelle de penser la chirurgie : par la possibilité de planifier l’acte opératoire, d’analyser ses écueils prévisibles, de l’optimiser, voire de le simuler à partir des données acquises par une imagerie, elle aussi numérique et en perpétuelle amélioration. Le but du présent article est de présenter dans leurs grandes lignes les concepts qui président à la chirurgie à assistance numérique, certains aspects techniques indispensables pour bien utiliser ces systèmes, et enfin ce qu’il est raisonnable d’en attendre en l’état actuel du savoir-faire technologique. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Chirurgie assistée par ordinateur ; Chirurgie infodromique ; Chirurgie maxillofaciale ; Chirurgie de la base du crâne Plan ¶ Introduction 1 ¶ Histoire de la chirurgie infodromique 2 Chirurgie stéréotaxique sur cadre 2 Radiologie cranio-encéphalique 2 Stéréotaxie sans cadre 2 Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur 3 ¶ Concepts fondateurs de la chirurgie assistée par ordinateur 3 Systèmes de localisation spatiale 3 Mise en œuvre d’un système de navigation chirurgicale 4 ¶ Systèmes disponibles 5 ¶ Précision 5 ¶ Navigation couplée à un microscope opératoire 6 ¶ Indications cranio-maxillo-faciales de la chirurgie infodromique 6 Chirurgie endoscopique des tumeurs de la face et de la base antérieure du crâne 6 Voies d’abord externes craniofaciales 6 Guidage biopsique. Chirurgie mini-invasive 6 Céphalométrie préopératoire et méthodes morphométriques peropératoires 7 Planification et réalisation d’ostéotomies, contrôle du positionnement de greffons osseux 7 Chirurgie reconstructrice à partir d’un modèle stéréolithographique 8 Implantation prothétique 8 Extraction de corps étrangers 8 ¶ Règles d’utilisation 8 ¶ Conclusion : intérêt et limites de la chirurgie infodromique. Perspectives d’avenir 8 ■Introduction La chirurgie assistée par ordinateur a pour but d’offrir au chirurgien une assistance sous forme de guidage lors d’interven- tions portant sur des régions anatomiques complexes, à haut risque fonctionnel ou vital et où l’étroitesse de la voie d’abord pratiquée ou encore la déformation tissulaire ne permettent pas un repérage direct constant, visuel et tactile. Cette définition élimine les situations périopératoires où l’ordinateur est présent, comme il l’est d’ailleurs devenu dans la plupart des actes, même les plus courants, de toute activité professionnelle. Nous écartons également de ce cadre la cyberchirurgie ou chirurgie réalisée par robot, car elle pose des problèmes différents, encore imparfaitement résolus. D’un point de vue sémantique, cette technologie encore neuve n’a pas de nom définitif. Le terme de « chirurgie guidée par l’image » est souvent utilisé, mais il ne permet pas d’en distinguer la chirurgie vidéo-endoscopique qui se pratique sans ordinateur. Les termes neuronavigation et sinusonavigation sont trop restrictifs. Le terme franglais surgétique parfois avancé, quoique concis, est vide de toute étymologie et donc de sens. L’acronyme CAO est déjà réservé pour signifier la conception assistée par ordinateur. La NAO ou navigation assistée par ¶ 22-360-A-30 1 Stomatologie ordinateur est également utilisée par aviateurs et marins, dans un contexte évidemment tout autre. Nous proposons le terme de « chirurgie infodromique » (de « info », en référence à la nature intrinsèquement numérique de cette technique et dromos : trajet, chemin, en grec). ■Histoire de la chirurgie infodromique La chirurgie assistée par ordinateur a pour objet essentiel d’offrir à l’opérateur une assistance sous forme de guidage, dans le but d’améliorer la précision de son geste. Pour cette raison, il semble logique de la considérer comme le prolongement naturel de la chirurgie stéréotaxique, née bien avant l’ère des ordina- teurs puisque les premiers cadres stéréotaxiques sont apparus à la fin du siècle dernier. Chirurgie stéréotaxique sur cadre En 1908, Clarke et Horsley décrivent une méthode de topo- graphie rectilinéaire du cerveau de macaque Rhésus et mettent au point le premier cadre stéréotaxique moderne, dont la complexité préfigure le problème général du référencement et du recalage que nous reverrons plus loin (Fig. 1). Ce cadre leur permet d’appliquer des courants électriques lésionnels en différents points du cerveau à travers des aiguilles isolées et guidées. En 1947, Spiegel reprend les travaux de Clarke et Horsley et décrit une méthode alternative à l’effroyable loboto- mie frontale d’Egas Moniz, en générant des lésions électriques du nucleus médian et du thalamus, sécurisées grâce à un cadre stéréotaxique [1]. Ses résultats ne sont guère meilleurs que ceux de Moniz, mais aboutissent à une psychochirurgie moins hémorragique et donc moins létale. À Paris, Talairach publie en 1949 son célèbre atlas stéréotaxi- que basé sur une série de dissections cérébrales soigneusement mesurées dans un repère cartésien triplanaire et qui, 50 ans plus tard, constitue toujours une référence, parfois intégré aux applications neurochirurgicales des systèmes de navigation actuels. Radiologie cranio-encéphalique Mais les travaux précités ignorent le potentiel formidable de l’imagerie médicale et s’appuient sur une analyse statistique de la topographie encéphalique humaine, acquise à travers la dissection post-mortem. C’est probablement Cushing, vers 1914, qui le premier a pressenti l’intérêt topométrique considérable de la radiographie craniofaciale. Pour déterminer une stratégie d’abord de la selle turcique en vue d’hypophysectomie, il développe une méthode de mensuration de clichés radiologi- ques pris sous des incidences précises [2]. Et ainsi, pendant un demi-siècle, les techniques vont s’affiner peu à peu, aboutissant à une multitude d’indices, repères et autres ratios utilisés comme guides par les neurologues qui deviendront peu à peu neurochirurgiens avec l’individualisation de cette discipline. L’idée d’utiliser un ordinateur pour piloter un générateur de rayons X remonte au début des années 1960 avec le neurologue californien Oldendorff, qui publie un rapport sur l’insuffisance de l’imagerie encéphalique traditionnelle comparée aux possibi- lités d’exploration d’autres organes et souligne le danger des méthodes d’encéphalographie iodée, gazeuse ou d’angiographie cérébrale. Il suggère l’utilisation d’un ordinateur pour piloter avec précision les rotations d’un radiotomographe et recueillir ses données. Mais le problème est complexe et les ordinateurs encore rudimentaires. En 1969, les bénéfices colossaux de ventes de disques des Beatles par la firme anglaise EMI induisent de nombreux programmes de recherches. L’un deux est confié à l’ingénieur Hounsfield. Après 4 années de recherches, celui-ci réussit à obtenir la première coupe transversale de la tête d’un patient après quelques minutes de calcul. Ambrose, son associé est un neuroradiologue à l’œil très exercé et malgré la qualité encore rudimentaire des images, arrive à des diagnostics impossibles sans cet EMI-scanner. Hounsfield et Ambrose se partageront le prix Nobel. La médecine numérique est née, et la chirurgie assistée par ordinateur n’en sera qu’une conséquence. Peu de temps après l’avènement de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) va permettre des images encore plus détaillées mais d’une précision spatiale plus limitée [3]. Désormais, la stéréotaxie ne sera plus envisagée autrement que couplée au scanner : Leksell imagine un nouveau cadre [4] que perfectionnent Berstrom et Greitz. Le cadre de Brown [5] permet de placer une sonde cérébrale avec une précision moyenne de 1,8 mm, précision que Perry améliore encore grâce à des marqueurs opaques repérés avec plus de finesse (Fig. 2). Aujourd’hui, les cadres stéréotaxiques sont peu à peu abandon- nés au profit de systèmes dits frameless. Stéréotaxie sans cadre Les cadres précédemment décrits, quoique fiables et précis, sont encombrants pour le chirurgien, douloureux et angoissants pour le patient qui doit rester la tête emprisonnée plusieurs heures dans un carcan métallique avant d’entrer en salle d’opération. De plus, leurs possibilités se limitent à guider précisément une aiguille poussée sur une certaine distance et selon un angle déterminé, à partir d’un point d’entrée de coordonnées relatives connues. Il ne s’agit pas à proprement parler de système de navigation, mais plutôt d’accessoires de visée balistique. Les neurochirurgiens qui les utilisent savent le temps consommé par leur installation et les calculs trigonomé- triques qui s’y associent obligatoirement. On comprend dès lors le formidable intérêt suscité en 1987 par la publication des Figure 1. Cadre stéréotaxique de Horsley et Clarke (1908). Ce cadre est la première tentative d’utilisation de valeurs numériques pour guider un geste opératoire, et à ce titre, peut être considéré comme l’ancêtre des systèmes de chirurgie infodromique. Figure 2. Cadre stéréotaxique de Perry (1980). Conçu pour fonctionner avec un scanner, il comporte des tiges diagonales radio-opaques permet- tant de retrouver son référentiel géométrique à partir de l’imagerie. Des uploads/Sante/ chirurgie-cranio-maxillo-faciale-et-ordinateur.pdf
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- Publié le Sep 19, 2021
- Catégorie Health / Santé
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