LES MALADIES TROPICALES (2) REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N

LES MALADIES TROPICALES (2) REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 // 51 article reçu le 3 mai, accepté le 24 juin 2010 © 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. article reç le 3 mai accepté le 24 j in 2010 a Centre national de référence des vibrions et du choléra Laboratoire des bactéries pathogènes entériques Institut Pasteur 28, rue du Dr Roux 75724 Paris cedex 15 * Correspondance quilici@pasteur.fr SUMMARY Laboratory diagnosis of cholera Cholera is an acute intestinal infection that is strictly limited to humans. It can cause epidemics and cholera infection has reached pandemic proportions, representing a major international public health concern. The massive loss of diarrheal fluid rich in electrolytes, due to the activity of the cholera toxin, causes dehydration leading to major shock. If left untreated, cholera has a 25-50 % mortality rate. Treatment reduces the mortality rate to less than 1 %. Cholera is caused by two serogroups (O1 and O139) of a Gram-negative bacterium, Vibrio cholerae. Bacteriology laboratories are very important for the diagnosis of isolated cases – generally imported - or for the diagnosis of the first cases of an epidemic. Bacteriological diagnosis of cholera is reasonably easy, due to the abundance of Vibrio cholerae in stool. Epidemics, however, frequently occur in areas with either limited or no laboratory facilities, while rapid and accurate diagnosis of cholera is essential to mobilize the resources needed for treatment of patients and containment of the epidemic. A rapid diagnostic test, which would be very useful to countries lacking the necessary infrastructure, is currently being validated by the WHO. Its use, however, will not remove the need to isolate the cholera-inducing Vibrio strains, essential for studying characteristics of epidemiological interest. Continued monitoring of strains and information- sharing at the international level are part of an effective cholera surveillance system. Choleragenic vibrio – clinical manifestations – enrichment – isolation – presumptive identification – agglutination – serogroups 01-0139 – reporting. RÉSUMÉ Le choléra est une infection intestinale aiguë à caractère épidémique, strictement humaine, à l’origine de pandémies et représentant un problème majeur de santé publique. La perte massive de liquide diarrhéique riche en électrolytes entraîne une déshydratation importante pouvant provoquer un état de choc. En l’absence de traitement, le choléra est mortel dans 25 à 50 % des cas, mais le traitement réduit le taux de mortalité à moins de 1 %. L’agent du choléra est une bactérie à Gram négatif, appartenant aux sérogroupes O1 ou O139 de l’espèce Vibrio cholerae. Le rôle du labo- ratoire de bactériologie est très important pour le diagnostic de cas isolés - cas dits « d’importation » – ou pour le diagnostic des premiers cas d’un nouveau foyer épidémique. Le diagnostic bactériologique est relativement aisé du fait de l’abondance du vibrion cholérique dans les selles. Cepen- dant, les épidémies de choléra surviennent souvent dans des régions où il n’y a pas de laboratoire de microbiologie, alors qu’un diagnostic rapide et rigoureux est indispensable pour mobiliser les ressources nécessaires au traitement des malades et maîtriser l’épidémie. Un test de diagnostic rapide, qui serait d’une grande utilité pour les pays ne disposant pas des infrastructures nécessaires, est en cours de validation par l’OMS. Son utilisation ne dispensera pas cependant de l’isolement de la souche, indis- pensable à l’étude de caractères d’intérêt épidémiologique. Le suivi des souches et l’échange d’informations au niveau mondial sont des éléments indispensables à la mise en place d’une surveillance efficace du choléra. Vibrion cholérique – manifestations cliniques – enrichissement – isolement – identification présomptive – agglutination – sérogroupes O1-0139 – déclaration. RÉSUMÉ L h lé t i f ti i t ti l i ë à tè é idé i Marie-Laure Quilici a,* Le diagnostic bactériologique du choléra la cinquième pandémie (1881-1896) que Robert Koch démontra, en 1883, le rôle pathogène de la bactérie V. cholerae (observée sur des coupes anatomiques par Pacini en 1854) dans le choléra. Cette bactérie fut identifiée ultérieurement comme appartenant au sérogroupe O1 et au biotype classique de l’espèce V. cholerae. Nous sommes actuellement, depuis 1961, dans la septième pandémie cholérique, due à V. cholerae O1, biotype El Tor. Les souches appartenant à ce biotype, défini sur la base de quelques caractères phénotypiques, ont été isolées pour la première fois en 1905 au lazaret de El Tor, dans la presqu’île du Sinaï. Il fallut cependant attendre 1961 pour qu’elles soient reconnues comme responsables du cho- léra. C’est pourquoi la septième pandémie cholérique n’a commencé officiellement qu’en 1961, avec la dissémination 1. Historique et situation actuelle Le choléra, maladie infectieuse diarrhéique d’origine bac- térienne, à caractère épidémique, est connu depuis très longtemps, comme en témoigne son étymologie la plus probable qui signifie en grec ancien « écoulement de bile ». Ce n’est cependant qu’en 1817 que commença la première pandémie cholérique qui envahit l’Asie, le Moyen-Orient et l’Est de l’Afrique et qui dura jusqu’en 1823. Les pandé- mies qui lui ont succédé, ayant toutes l’Asie comme point de départ, ont atteint successivement tous les continents en progressant de plus en plus rapidement avec l’amé- lioration des moyens de transport [1]. C’est au cours de 52 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2011 - N°431 en Asie de V. cholerae O1, biotype El Tor. Cette septième pandémie a atteint l’Afrique en 1971, l’Amérique latine et l’Amérique centrale en 1991 et Madagascar en 1999, alors que cette île avait été épargnée par ce fléau pendant un siècle. Alors que la septième pandémie cholérique est loin d’être terminée, l’apparition en Inde et au Bangladesh, fin 1992, d’épidémies de choléra provoquées par une souche différente de la souche responsable de la septième pandé- mie, et appartenant à un nouveau sérogroupe de l’espèce V. cholerae, le sérogroupe O139, fait peser la menace d’une huitième pandémie. Il semble cependant à ce jour que cette souche reste confinée au continent asiatique. Au début du XXIe siècle, l’évolution du choléra est caracté- risée par la persistance d’un grand nombre de pays atteints par des épidémies, la persistance pour certains d’entre eux d’épidémies dramatiques, et le risque représenté par la nouvelle souche de V. cholerae O139 contre laquelle V. cholerae O1 n’induit pas de protection croisée. Les deux continents les plus touchés sont l’Afrique et l’Asie, 94 % du total des cas et 98 % des décès étant signalés en Afrique. Le choléra reste aujourd’hui une maladie grave, aussi bien pour l’individu que pour les collectivités, notamment par ses conséquences économiques dans les pays en déve- loppement. Comme l’observe chaque année l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui publie un état du choléra dans le monde à partir des notifications effectuées par les pays, « le nombre de personnes actuellement vulnérables au choléra augmente de façon spectaculaire dans l’ensemble du monde, créant les conditions d’un problème majeur à l’échelon de la planète ». Pour l’année 2008, 56 pays ont officiellement déclaré à l’OMS un total de 190 130 cas et 5 143 décès [2]. L’OMS « estime toutefois que les chiffres réels sont plus élevés, compte tenu de la sous-notification et d’autres insuffisances des systèmes de surveillance ainsi que de l’augmentation du nombre de personnes vulnérables », et estime à moins de 10 % des cas réels le nombre de cas officiellement déclarés. Pour illustrer cette sous-notification, nous citerons l’exemple, qui n’est sans doute pas unique, du Bangladesh où de 100 000 à 600 000 personnes sont atteintes de choléra chaque année alors qu’aucun cas n’est notifié à l’OMS. 2. Clinique, physiopathologie et modalités de contamination Après une incubation de quelques heures à quelques jours, le choléra se manifeste brutalement par de vio- lentes diarrhées et des vomissements, sans élévation de la température. Les selles, fécaloïdes au début, deviennent rapidement aqueuses, couleur eau de riz, avec des flocons blanchâtres, grains riziformes qui sédimentent et se remet- tent facilement en suspension. Les selles cholériques ne sont jamais sanglantes sauf en cas d’association avec une autre pathologie comme une shigellose. Cette importante fuite d’eau et d’électrolytes entraîne des crampes muscu- laires très douloureuses ainsi qu’une soif intense impossible à calmer du fait des vomissements. Ces crampes et ces douleurs atteignent les membres inférieurs, les membres supérieurs, les muscles de la face, puis l’abdomen et le thorax. Les yeux s’enfoncent dans les orbites, les muscles orbiculaires des lèvres se crispent, donnant une expression de « rire sardonique ». Le visage du cholérique est cya- nosé d’où l’expression « avoir une peur bleue ». Les autres conséquences de la déshydratation sont : un pouls rapide et filant difficilement prenable, un effondrement de la pres- sion artérielle, une respiration difficile, un enfoncement des joues, un pli cutané persistant révélant la déshydratation du tissu cellulaire, une peau couverte d’une sueur froide due à une baisse de la température des extrémités alors que la température centrale est presque normale (choléra algide), une oligurie évoluant rapidement vers une anurie. Même lorsque la déshydratation est importante, le malade, prostré, reste lucide, parfois agité et irritable. En l’absence de traitement, il évolue vers un état de grande faiblesse, de uploads/Sante/ cholera.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 14, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.5959MB