Département de médecine communautaire de premier recours et des urgences Servic

Département de médecine communautaire de premier recours et des urgences Service de médecine de premier recours DYSPEPSIE _______________________________________________________________ SOMMAIRE 1. INTRODUCTION 2. EPIDÉMIOLOGIE 3. APPROCHE CLINIQUE 4. STRATÉGIES DE PRISE EN CHARGE 5. MESURES DE PRÉVENTION 6. MESSAGES CLÉS 7. RÉFÉRENCES HUG – DMCPRU – Service de médecine de premier recours Page | 2 DYSPEPSIE 1 INTRODUCTION 1.1 Définition La dyspepsie est un ensemble de symptômes comprenant une douleur ou un inconfort chro- nique ou récidivant de la région épigastrique (= espace entre le bas du sternum et l’ombilic, limité de côtés par les lignes médio-claviculaires) provenant du tube digestif supérieur. Elle peut être décrite comme une douleur (brûlure, crampe) épigastrique ("épigastralgie"), un bal- lonnement de l’épigastre, une digestion lente ou une satiété précoce. Dans les classifications récente, la dyspepsie tend à se distinguer du pyrosis, qui est une brûlure montant de l’épigastre jusqu’à la gorge via la région rétro-sternale, avec ou sans régurgitation acide1,2. Une prédominance ou une fréquence élevée (>1x/sem.) de pyrosis avec régurgitation acide peut être considérée comme une manifestation typique de reflux gastro-œsophagien (RGO). Les critères de Rome III3 et l’association américaine de gastro-entérologie1 définissent la dys- pepsie comme un ou plusieurs des 4 symptômes suivants: • réplétion postprandiale (syndrome de détresse postprandiale) • satiété précoce (incapacité à finir un repas de taille normale) • douleur épigastrique* • brûlure épigastrique* *correspondant ensemble au syndrome de douleur épigastrique Si les symptômes sont présents depuis 3 mois consécutifs avec un début plus de 6 mois avant le diagnostic et en l’absence de cause organique à l’endoscopie), systémique ou métabolique expliquant les symptômes on parle de dyspepsie fonctionnelle. Cette stratégie aborde les symptômes de dyspepsie et de pyrosis en pratique ambulatoire mais ne traite pas de douleurs abdominales aiguës et chroniques d’autre localisation. 2 EPIDEMIOLOGIE 2.1 Prévalence et causes de la dyspepsie Les données épidémiologiques montrent que la dyspepsie, qui inclut souvent le pyrosis comme symptôme associé, est un problème fréquent dans la population/en médecine ambulatoire1,2 : • Au cours d’une année, 1% de la population adulte rapporte un épisode inaugural de dyspep- sie et 25% présentent une dyspepsie chronique ou récurrente • 25% des individus présentant une dyspepsie consultent un médecin • La dyspepsie motive environ 5% des consultations de médecine générale ambulatoire • La prévalence de l’ulcère gastroduodénal est de 1-2% dans la population générale • 5-10% de la population présente dans sa vie un ulcère gastroduodénal • La prévalence du RGO est de 20-40% dans la population générale 2.1.1 Dyspepsie fonctionnelle (non-ulcéreuse) : 2/3 des patients C’est le cas chez 2/3 des patients en ambulatoire voire ¾ avant 45 ans (tableau 1). Elle est souvent associée à une colopathie fonctionnelle. Son étiologie est incertaine mais comprend dans certains cas4: une dysfonction motrice intestinale (20-50% des cas (diminution de la compliance au bol alimentaire) expliquant une satiété précoce; une hyperalgie viscérale (hy- HUG – DMCPRU – Service de médecine de premier recours Page | 3 persensibilité à une charge acide); une composante post-infectieuse (gastro-entérite à salmo- nelle); une composante psychologique (p.ex. association avec des abus sexuel dans l’enfance). 20% des patients avec dyspepsie ont un RGO, dont la moitié n’a pas de lésion visible à l’endoscopie. L’autre moitié a une œsophagite peptique dont la fréquence varie peu avec l’âge. On classe l’œsophagite peptique en 4 stades de gravité: (I) taches rouges; (II) érosions non circonférentielles; (III) érosions circonférentielles; (IV) ulcère, sténose ou métaplasie de Barett. La hernie hiatale, dont la prévalence est de 30% après 50 ans, favorise le RGO mais elle n’y est pas forcément associée puisque de nombreux patients avec hernie hiatale sont asymptomatiques et d’autres ont un reflux sans avoir de hernie hiatale. 2.1.2 Dyspepsie organique : 1/3 des patients, due à : - ulcère peptique (15%), surtout après 45 ans, plus souvent duodénal que gastrique. La douleur de l’ulcère duodénal survient classiquement 2 à 5h après un repas sur un estomac vide ou en pleine nuit, aux moments ou la sécrétion d’acide est la plus importante. Les cau- ses sont l’utilisation chronique d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) et l’infection à Helicobacter Pylori (HP) (cf. chapitre 2.2). - carcinomes gastrique (2%) et œsophagien (<1%) rares et quasiment inexistants avant 45 ans ainsi que le très rare lymphome-MALT. - affections pancréatiques (pancréatite chronique, cancer), effets indésirables médicamen- teux (5,6) (AINS surtout, anticalciques, suppléments potassiques, alendronate, orlistat, métrodinazole, érythromycine, méthylxanthines, acarbose), lithiase biliaire, douleur pariétale, intolérance au lactose, maladie cœliaque ... Causes de dyspepsie Prévalence Globale (%) Prévalence <45 ans (%) Prévalence ≥45 ans (%) Prévalence HP (%) Causalité HP° Cause fonctionnelle: -Dyspepsie non-ulc. -RGO 64 52 12 73 63 10 60 56 12 37 0 ? (+) 0 ? Cause organique: -Ulcère peptique: ulcère duodénal* ulcère gastrique -Œsophagite peptique -Cancers: gastrique œsophagien lymphome-MALT -Lithiase vésiculaire -Autres** 36 15 10 5 15 2 2 <1 Très rare 2 2 27 5 4 1 13 0 0 0 Très rare 2 5 40 18 10 8 15 3 2 <1 Très rare 2 2 75 70 85 +++ ++ 0 + 0 + 0 0 Tableau 1: prévalence des causes de dyspepsie et d’Helicobacter Pylori (HP), adapté de6-9) * Incluant bulbite/duodénite érosive ** Intolérance au lactose, médicaments, pancréatite chronique, maladie cœliaque, cancer du pancréas ° Relation de causalité : 0=aucune, += mo- dérée, ++= forte, +++= très forte 2.2 Helicobacter pylori: prévalence et association avec la dyspepsie L’infection à HP touche 10-50% de la population dans les pays développés (80% dans les pays en développement). Sa prévalence augmente avec l’âge (environ 10% par décade : 10% entre 18 et 30 ans, 50% après 60 ans) mais est en baisse depuis 3 décennies (moins fré- quente dans la population suisse native ou étrangère de 2ème génération que chez des immi- grés vivants en Suisse); sa prévalence est inversement liée au status socio-économique. Le mode de contamination est débattu (possiblement oro-fécal). Il existe une controverse HUG – DMCPRU – Service de médecine de premier recours Page | 4 quant au lien de causalité entre dyspepsie non ulcéreuse et infection à HP, la prévalence ne semblant pas différente entre les sujets dyspeptiques et les sujets asymptomatiques; l’éradication d’HP dans ce cas de figure n’est que marginalement efficace (cf. infra)7-9. HP est à des degrés variables un facteur causal de plusieurs affections causant une dyspepsie (Tableau 1). L’infection à HP est toujours associée à une gastrite chronique antrale, qui n’est pas la cause de la dyspepsie car plus de 70% des porteurs de HP sont asymptoma- tiques. Cependant 15% des porteurs de HP développent un ulcère peptique ou un cancer gas- trique. La prévalence de HP est très élevée dans les affections organiques où la cau- salité est bien établie: ulcère duodénal (75%), ulcère gastrique (70%), cancer gas- trique (85%). La plupart des autres ulcères peptiques sont dus aux AINS. 2.3 Histoire naturelle de la dyspepsie La plupart des causes de dyspepsie ont un taux élevé de récidive des symptômes et de guéri- son spontanée des lésions et symptômes (Tableau 2). L’ulcère peptique et l’œsophagite peu- vent causer des complications aiguës (hémorragie digestive haute, sténose, perforation). L’ulcère gastrique et l’œsophagite avec métaplasie de Barrett peuvent rarement se transformer en cancer. Le pronostic du cancer gastrique dépend surtout de son extension; le cancer invasif a toujours une issue fatale alors que le cancer intra-muqueux a un bien meilleur pronostic1,2. Récidive à 1 an % Complication aiguë (%) Transformation maligne (%) Dyspepsie fonctionnelle >80 0 0 Ulcère duodénal 50-80 1-2 0 Ulcère gastrique 50-80 1-2 1 Œsophagite peptique 70 <1 <1%/an (Barrett) Tableau 2 : évolution naturelle des causes de dyspepsie 3 APPROCHE CLINIQUE 3.1 Anamnèse et examen clinique Ni le tableau clinique, ni la classification en catégories de symptômes (ulcéreuse, motrice, de reflux ...), ni un score clinique n’ont une bonne valeur prédictive du diagnostic causal de la dyspepsie. De plus les catégories se recoupent beaucoup et sont peu reproductibles. Le pyrosis est typiquement augmenté par les repas, le décubitus dorsal ou la flexion en avant. S’il prédomine, le pyrosis permet de poser avec 95% de spécificité le diagnostic de RGO, sans qu’on puisse prédire la présence ou la sévérité d’une œsophagite. L’anamnèse et l’examen clinique permettent surtout de rechercher les facteurs de risque ainsi que les symptômes et signes de gravité (tableau 3) évoquant une probabilité cli- nique élevée de lésion organique sévère ou compliquée telle qu’un ulcère peptique, une œsophagite peptique ou un cancer gastrique (tableau 4). Dans une population ou la prévalence de cancer gastro-œsophagien est basse, l’absence de signe et symptôme de gravité donne une valeur prédictive négative de 99% pour ces cancers (<45 ans sans symptômes)2,4,10-13. L’anamnèse et l’examen clinique visent aussi à identifier des symptômes et signes d’une origine autre que du tube digestif supérieur: maladie cardiaque, hépatique, biliaire ou pancréatique, effet secondaire d’un médicament. HUG – DMCPRU – Service de médecine de premier recours Page | 5 perte de poids involontaire vomissements persistants dysphagie progressive odynophagie hématémèse histoire familiale de cancer gastro-duodénal chirurgie gastrique antérieure prise chronique d’AINS anémie ou carence martiale inexpliquée ictère masse abdominale palpable uploads/Sante/ dyspepsie-2010df.pdf

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  • Publié le Mar 29, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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