Dialyse et réduction des coûts de la santé : des solutions éthiquement acceptab

Dialyse et réduction des coûts de la santé : des solutions éthiquement acceptables ? Chaque fin d’année, on assiste à l’augmentation des primes d’assurance maladie qui témoigne du coût croissant de la médecine. Les politiciens, les économistes, les médecins et bien d’autres encore cherchent des solutions pour réduire les coûts de la santé mais, à ce jour, rien n’arrête vraiment leur progression. Le propos de cet éditorial n’est pas de remettre en question la nécessité de prendre des mesures d’économie, mais d’illustrer la complexité de cette problématique et les risques de se tromper de cible en prenant comme exemple la dialyse qui est de notre compétence médicale. Il fut un temps où le coût de la dialyse était la valeur étalon des traitements médicaux chroniques les plus onéreux avec ses 80 000 francs par an. Aujourd’hui, la réalité a changé et bon nombre de nouveaux traitements médicamenteux représentent une charge financière bien plus lourde que la dialyse. Il est intéressant de relever qu’au début du développement de l’hémodialyse, certains se demandaient déjà s’il était raisonnable de dépenser autant d’argent pour les patients insuffisants rénaux et s’il n’était pas préférable d’attribuer ces montants à d’autres pathologies. Ces questions ont été à l’origine des premières commissions d’éthique. Dans les années 1960, pratiquement tous les patients hémodialysés avaient moins de 50 ans. Par la suite, la limite d’âge a passé à 65 ans et aujourd’hui, le consensus néphrologique est que l’âge seul est un critère insuffisant pour décider de débuter un programme de dialyse. Ainsi, par exemple, la présence ou l’absence de démence, d’un cancer avancé et surtout l’isolement social du patient doivent-ils être pris en compte. Il faut se rappeler que le but essentiel de la dialyse n’est pas d’ajouter des années à la vie mais d’ajouter de la qualité aux années de vie supplémentaires. Chez les personnes âgées dialysées, la qualité de vie est pratiquement identique à celle de la population générale du même âge. En outre, le coût annuel par patient est comparable à celui d’autres interventions visant à augmenter la durée de vie, par exemple en oncologie. L’âge seul est un critère insuffisant pour décider de débuter un programme de dialyse C’est dans ce contexte, que nous avons été ébahis de lire dans un éditorial récent de l’AGEFI, rédigé par Mr. J. Neirynck, professeur honoraire à l’EPFL, que, aujourd’hui comme il y a 50 ans, certains politiciens « auraient évoqué la possibilité de ne plus faire de dialyses après 75 ans » et que « c’est un luxe de vivre aux dépens d’un rein artificiel au-delà de 75 ans ».1 Prises isolément ces affirmations pourraient faire du sens puisqu’en Suisse, plus de 30 % des 5000 patients dialysés ont 75 ans ou plus. Cela pourrait donc générer une économie substantielle. Elles illustrent cependant les dangers de la réduction des actes médicaux à leurs seuls coûts financiers. Personne parmi les gens qui sont concernés par la dialyse (soignants ou patients) n’aurait affirmé une telle chose. La méconnaissance est malheureusement souvent présente dans les discussions qui animent la santé et ses coûts. Ceci est un exemple parmi d’autres qui montre combien le dialogue entre les professionnels de la santé, les patients et les politiciens est nécessaire et combien les principes éthiques qui gouvernent la pratique médicale sont fondamentaux : principes de bienfaisance et de non-malfaisance, de respect du droit du patient à l’autodétermination et de justice distributive ? Pour réduire les coûts de la santé, ne serait-il pas préférable d’agir sur le coût des prestations plutôt que sur la limitation de l’accès de certains patients aux soins selon leur âge créant un rationnement implicite ? Cela dit, la néphrologie et le domaine de la dialyse en particulier, se doivent d’évoluer dans le sens d’une efficacité égale ou supérieure à un coût moindre. Et c’est bien pour cette raison que le nouveau plan de remboursement des séances de dialyse en Suisse avantage les centres qui favorisent une dialyse plus économe comme la dialyse à domicile (hémodialyse ou dialyse péritonéale) ou la dialyse autonome dans un centre de traitement. Par ailleurs, les coûts du matériel d’hémodialyse ont énormément diminué au cours des dix dernières années, prévenant ainsi l’impact des augmentations salariales sur le coût d’une séance de dialyse. Enfin, les avancées techniques en matière d’hémodialyse ont amélioré de manière substantielle non seulement l’efficacité de la procédure mais aussi le confort des patients lors des séances. Toutefois, un certain nombre d’idées fausses continuent d’être véhiculées. Ainsi, dans un article du Matin de novembre 2017,2 la dialyse longue nocturne en centre (6 à 8 heures de dialyse, 3 nuits par semaine) était récemment décrite comme la solution idéale : elle permettrait de réduire les coûts en diminuant le nombre de médicaments tout en offrant la possibilité aux malades de travailler pendant la journée. A contrario, la dialyse diurne est considérée dans l’éditorial de cet article comme une méthode qui « gâche la vie de milliers de patients ». Cet article ne contient malheureusement qu’une argumentation fragmentaire et partiellement incorrecte. S’il est vrai que l’hémodialyse longue augmente la qualité du traitement, il faut quand même signaler qu’elle peut se faire de jour comme de nuit, voire à domicile. En outre, le rédacteur ne semble pas être familier avec la dialyse péritonéale qui constitue également une forme de dialyse longue et nocturne, mais qui peut se faire à la maison. Dans ce cas, le patient dort dans son lit et n’a pas tous les inconvénients du centre de dialyse. En revanche, la dialyse nocturne en centre n’est pas plus économique et coûte même plus chère en raison des coûts du travail de nuit. Elle peut même présenter un certain risque si le personnel médical n’est pas constamment présent sur le site. C’est essentiellement pour ces raisons que 90 % des patients sont traités de jour en Suisse comme dans le reste du monde. Si la dialyse nocturne devait être si avantageuse, pourquoi les centres privés ne proposent-ils pas tous ce type de programme ? A cela, il faut ajouter que peu de dialysé(e)s ont une activité professionnelle qui dépasse les 50 %, l’âge moyen des patient(e)s en dialyse étant supérieur à l’âge de la retraite. L’avenir n’est pas a l’hemodialyse nocturne en centre mais plutot a la dialyse a domicile Donc, pour réduire les coûts de la dialyse sans en restreindre l’accès aux patients, l’avenir n’est pas à l’hémodialyse nocturne en centre mais plutôt à la dialyse à domicile que les patients peuvent réaliser selon leurs souhaits. Pour ce faire, les recherches actuelles se sont tournées vers les nouvelles technologies en combinant la miniaturisation des appareils, l’utilisation des nouvelles techniques de communication (inter-net, bluetooth…) et les avancées scientifiques qui rendent l’hémodialyse possible avec beaucoup moins d’eau (5 litres au lieu de 500 litres par dialyse). Aujourd’hui, on parle de dialyse portable ou transportable : ces nouvelles approchent offrent le choix aux patients de se traiter à domicile, au chalet ou en vacances tout en maintenant le contact avec le centre de référence de jour comme de nuit. Le développement de l’hémodialyse dans les années 1950 a été considéré comme l’un des plus grands progrès techniques dans le monde de la médecine. Aujourd’hui, la néphrologie attend avec impatience une deuxième révolution en matière de dialyse pour que plus de patients puissent être traités dans les meilleures conditions, en attendant que la transplantation rénale prenne, elle aussi, un nouvel essor et rende la dialyse de moins en moins nécessaire. uploads/Sante/ familieverena-article.pdf

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  • Publié le Mar 02, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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