Colloque du 18 décembre 2004 Fondation universitaire, Université Libre de Bruxe
Colloque du 18 décembre 2004 Fondation universitaire, Université Libre de Bruxelles (A)symétries sexuelles: autour de la circoncision et de l’excision Circoncision masculine et féminine en Égypte Débat religieux, médical et juridique Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh Docteur en droit, responsable du droit arabe et musulman Institut suisse de droit comparé, Lausanne1 www.sami-aldeeb.com saldeeb@bluewin.ch Introduction 2 I. Terminologie 2 II. L'ancienne Égypte 3 III. Le débat religieux chez les chrétiens 5 1) Débat dans le passé 5 2) Débat actuel 10 IV. Le débat religieux chez les musulmans 12 1) Débat dans le passé 12 2) Débat actuel 16 V. Le débat médical 19 1) La circoncision entre débat religieux et débat médical 19 2) Dommages pour la santé 20 3) Circoncision et plaisir sexuel 21 4) Argument de la propreté 24 5) Circoncision et masturbation 25 6) Circoncision et prévention des maladies 25 A) La circoncision comme panacée à toute sorte de maladies 25 B) Maladies vénériennes 26 C) Cancer du pénis et cancer cervical 27 D) Phimosis et paraphimosis 28 E) Infection des voies urinaires 29 F) Sida 30 VI. Le débat juridique 32 1) Silence face à la circoncision masculine 32 A) Silence du législateur international: cas de l'ONU et de l'OMS 32 B) Silence du législateur national: cas de l'Égypte 33 2) Circoncision et droits de l'homme 37 A) Le principe de non-discrimination 37 B) Droits religieux et culturels 38 C) Circoncision et droit à l'intégrité physique et à la vie 40 D) Circoncision et droit à la pudeur 40 E) Circoncision et respect des morts 41 3) Circoncision et dispense médicale 41 A) Nécessité médicale 41 B) Consentement éclairé du patient ou du représentant 42 C) Autorisation d'exercer la médecine et respect des règles médicales 43 4) Interdiction de la circoncision entre idéal et faisabilité 44 1 Auteur de nombreux ouvrages et articles (voir la liste et certains articles dans: www.sami-aldeeb.com et http://groups.yahoo.com/group/sami/. Cet article reprend les éléments essentiels de ses deux ouvrages: Circoncision masculine, circoncision féminine: débat religieux, médical, social et juridique, L'Harmattan, Paris, 2001, 537 pages, et Circoncision: le complot du silence, L'Harmattan, Paris, 2003, 243 pages. J'indique dans les notes de bas de page le nom de l'auteur et les premiers éléments du titre. Pour les données complètes, se référer à la bibliographie à la fin de l'article. Les opinions exprimées dans ce texte n'engagent que leur auteur, et en aucun cas l'Institut suisse de droit comparé. 1 5) Circoncision et asile politique 47 Conclusion 48 Bibliographie 49 2 INTRODUCTION Lors de ma première conférence sur la circoncision, donnée à l'Université de Genève en 1993, le président de la séance, un libyen, m'a traité de Salman Rushdie. La parution de cette conférence dans un polycopié sous le titre Mutiler au nom de Yahvé ou Allah: légitimation de la circoncision masculine et féminine m'a valu d'être traité d'antisémite dans Antisemitism World Report 1996 pour avoir critiqué la circoncision masculine et l'avoir comparée à la circoncision féminine2. Deux exemples parmi tant d'autres qui démontrent que le sujet de ce colloque est périlleux dès qu'on refuse de s'aligner sur l'opinion dominante qui voit dans la circoncision masculine une pratique acceptable, et dans la circoncision féminine une pratique condamnable. Espérons cependant que l'Université Libre de Bruxelles accorde plus de liberté d'expression. Mais pour éviter de tenter le diable, je ferai mienne cette devise de Frederico Fellini: "Je ne veux rien démontrer, je veux montrer". Je serai donc comme un guide touristique qui vous décrit les choses sans porter de jugement. Je ne donnerai mon point de vue que dans la conclusion. Je vous avertirai à temps pour que les âmes sensibles puissent quitter la salle et éviter de l'entendre. La circoncision masculine et féminine ont fait coulé autant d'encre que de sang. Et les questions qui s'y rattachent sont nombreuses, mais je me limiterai à quelques aspects du débat religieux, médical et juridique qui montrent la symétrie ou l'asymétrie entre ces deux pratiques, plus particulièrement en Égypte, selon le souhait des organisateurs de ce colloque. I. TERMINOLOGIE La langue hébraïque utilise le terme milah pour désigner la circoncision. Ce terme signifie coupure. La langue arabe utilise pour la circoncision tant masculine que féminine le terme khitan, idhar et khifad, ce dernier désignant surtout la circoncision féminine. L'arabe populaire emploie tahara, tihar ou tuhur, ce qui signifie la purification. En Occident, on utilise le terme circoncision pour les garçons et les filles, terme dérivant du verbe latin circumcidere: couper autour. Et pour la circoncision féminine, on utilise aussi le terme excision, dérivé du verbe latin excidere: couper, ainsi que le terme infibulation, ce dernier désignant la forme la plus grave. Mais une conférence sur les pratiques traditionnelles, organisée en 1990 à Addis Abeba par le Comité inter-africain, en collaboration avec la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique, l'OUA et le ministère de la santé d'Éthiopie a décidé d'utiliser les termes mutilations sexuelles féminines en lieu et place des termes circoncision féminine et excision parce que ces derniers "peuvent prêter à confusion avec la circoncision masculine et pourraient ne pas décrire pleinement la diversité de cette pratique. Cette décision fut confirmée par l'OMS en 19953. Par la suite, les écrits arabes parus en Égypte ont traduit ces termes à la lettre par batr al-a'da' al- jinsiyyah lil-inath, voire par al-tashwih al-jinsi li-inath (la déformation sexuelle féminine) ou al- intihak al-badani lil-inath (l'atteinte à l'intégrité physique féminine). A la suite de ce changement terminologique, les opposants à la circoncision masculine se sont pressés d'utiliser l'expression mutilation sexuelle masculine au lieu de circoncision. C'est ainsi que les trois premiers colloques internationaux de NOCIRC de 1989, 1991 et 1994 utilisaient dans leur titre le terme circoncision. Mais les deux suivants de 1996 et 1998 ont utilisé le terme mutilations sexuelles. Quant à moi, je préfère l'utilisation du terme circoncision masculine et circoncision féminine. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, il faut signaler qu'il existe quatre types de circoncision masculine: 2 http://www.axt.org.uk/antisem/archive/archive1/switzerland/switzerland.htm . 3 Mutilations sexuelles féminines: rapport d'un groupe de travail, p. 5. 3 - 1er type: il consiste à couper en partie ou en totalité la peau du pénis qui dépasse le gland. Cette peau est appelée prépuce. - 2ème type: c'est la forme de circoncision pratiquée par les juifs. Le circonciseur commence par tirer la peau du pénis et coupe la partie qui dépasse le gland. Cette opération est appelée en hébreu milah. Ensuite, il tire la peau en arrière et arrache avec les ongles allongés et aiguisés de son pouce et de son index ou avec des ciseaux la partie de la peau (doublure du prépuce) qui reste entre la coupe et le gland. Cette opération est appelée en hébreu periah. - 3ème type: il consiste à écorcher complètement la peau du pénis et parfois le scrotum (peau des bourses) et la peau du pubis. Cette forme de circoncision, appelée en arabe salkh, existait (et probablement continue à exister) chez des tribus du sud de l'Arabie et dans certaines tribus d'Afrique noire. - 4ème type: il consiste à fendre l'urètre, créant de la sorte une ouverture qui ressemble au vagin féminin. Appelé subincision, ce type de circoncision est encore pratiqué par des aborigènes d'Australie. Face à ces quatre types de circoncision masculine, il existe quatre types de circoncision féminine: - 1er type: excision du prépuce (capuchon du clitoris). - 2ème type: excision du prépuce et du clitoris totalement ou partiellement. - 3ème type: excision du prépuce et du clitoris et excision partielle ou totale des petites lèvres. - 4ème type: excision partielle ou totale des organes sexuels externes et sutures/rétrécissement de l'orifice vaginal (infibulation). II. L'ANCIENNE ÉGYPTE Se basant sur l'Évangile apocryphe de Barnabé4, les auteurs musulmans modernes estiment que la circoncision a été pratiquée par Adam après avoir été expulsé du paradis. Ayant été délaissée par les fils d'Adam, Dieu l'a rétablie avec Abraham5. Ceci entre en conflit avec des récits juifs repris par des musulmans, sur lesquels on reviendra, qui affirment qu'Adam et Abraham étaient nés circoncis. Si on laisse de côté ces croyances invérifiables, on constate que les plus vieux témoignages de la pratique de la circoncision masculine proviennent de l'Égypte d'une période antérieure à celle d'Abraham. Une stèle de Naga Al-Deir, datant du 23ème siècle av. J.-C., mentionne qu'un fonctionnaire du roi avait été circoncis avec 120 autres personnes. Dans un bloc de la tombe de Mereri à Dendera, le propriétaire de la tombe dit: "J'ai enterré leurs vieux hommes et circoncis leurs jeunes". Au 20ème siècle av. J.-C., Sinoserit 1er dit que le Dieu Soleil l'avait nommé maître des humains lorsqu'il était enfant avant de perdre son prépuce. Vers le 19ème siècle av. J.-C., le gouverneur Khanobohotim II dit qu'avant d'avoir été circoncis son père était gouverneur. Une gravure de la 6ème dynastie (2323–2150 av. J.-C.) de la tombe de l'architecte royal Ankhmahor, à Saqqara, montre deux scènes de deux jeunes subissant la circoncision6. Dans la scène à droite, un homme opérant est assis devant un jeune debout à l'aise, ayant sa main uploads/Sante/ french-circoncision-masculine-et-feminine-en-egypte-2004.pdf
Documents similaires










-
42
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 16, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.4609MB