Mise au point Une histoire de la réparation des tendons fléchisseurs Flexor tend
Mise au point Une histoire de la réparation des tendons fléchisseurs Flexor tendon repair: A short story F. Moutet *, D. Corcella, A. Forli, V. Mesquida Clinique de chirurgie de la main est des brûlés, hôpital Albert-Michallon, CHU de Grenoble, 38243 Grenoble cedex 9, France Reçu le 13 janvier 2014 ; reçu sous la forme révisée le 7 mars 2014 ; accepté le 7 mars 2014 Disponible sur Internet le 25 mars 2014 Résumé Cette brève histoire de la réparation des tendons fléchisseurs veut montrer au lecteur les hésitations et les errances de cette chirurgie. Évidemment très tôt envisagée, elle ne s’est développée et diffusée qu’assez tardivement pour entrer en routine seulement au XXe siècle. Ceci est dû en partie à l’interdit de Galien qui a prévalu jusqu’au XVIIIe siècle, du moins en Occident, mais aussi aux difficultés inhérentes à la réparation de cette structure paradoxale qu’est le tendon fléchisseur. En effet, constitué d’éléments intrinsèquement éminemment adhésifs (collagène et fibroblastes), il est destiné à conduire le mouvement. Le respect et la reproduction de ce dernier reste l’objectif ultime des réparations, quelles que soient les techniques utilisées. L’évolution des pratiques au cours du temps est illustrée par les grands noms qui en marquent l’avancée. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Main ; Tendons fléchisseurs ; Réparation ; Histoire Abstract This short story of flexor tendon repair aims to illustrate hesitations and wanderings of this surgery. Obviously tendon repair was very early considered, but it developed and diffused rather lately. It became a routine practice only in 20th century. This was due on the one hand, in Occident, to the Galen’s dogmatic interdiction, on the other hand, to the repair difficulties of this paradoxical structure. Actually tendon is made of fibroblasts and collagen (sticky substances), and then its only goal is to move. According to this necessity, whatever the used techniques are, gliding is the final purpose. Technical evolutions are illustrated by historical contributions to flexor tendon surgery of several ‘‘giants’’ of hand surgery. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Hand; Flexor tendon; Repair; History 1. Introduction Il est toujours difficile de retracer en quelques lignes une histoire de plus de 2000 ans. Les sources, lointaines, partielles, voire partiales, poussent tout naturellement les auteurs à s’appuyer sur des références de deuxième ou troisième main, reproduisant voire amplifiant les erreurs ou les contre-vérités de leurs prédécesseurs. Pour exemples : Gallien n’a pas « seulement » dit ce que l’on a retenu comme dogme interdisant la suture tendineuse ; Avicenne n’était pas Arabe mais Perse ; Ambroise Paré n’a pas osé, dans un premier temps, effectuer les sutures tendineuses qu’il préconisa par la suite ; Carl Nicoladoni n’est pas le premier à avoir réalisé un transfert tendineux en 1881 : à en croire Duplay (1836–1924), il s’agit d’un chirurgien français nommé Missa en 1770, etc. Enfin, il est parfois difficile de distinguer dans les articles anciens ce que recouvrent les termes de « greffe tendineuse », « anastomose tendineuse » et « suture anastomose ». Pour écrire l’histoire, il faut de l’imagination, disait Renan. Il y faut surtout de l’obstination, de la patience et du matériel Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 33S (2014) S2–S12 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : fmoutet@chu-grenoble.fr (F. Moutet). http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2014.03.003 1297-3203/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. que nous dirions aujourd’hui « factuel ». Si nombre de dogmes (risque de convulsion, risque de gangrène, no man’s land, immobilisation systématique) sont progressivement tombés, en matière de chirurgie des fléchisseurs, les résultats n’en demeurent pas moins relativement aléatoires et souvent incomplets dans les situations délicates (zone 2, greffe en deux temps). Ils sont parfois désastreux lorsque les règles de bases, tant de technique que de compétence chirurgicale, n’ont pas été respectées. Cette chirurgie reste délicate et si le problème des adhérences tendineuses est mieux géré qu’au début du XXe siècle, il n’en est pas pour autant résolu et demeure une des clefs des progrès attendus. De façon parfaitement arbitraire, on peut imaginer examiner successivement : la préhistoire de ces réparations, de 460 avant J.-C. à 1745 ; l’histoire de l’émergence de leur possibilité (1745–1850) ; la mise en route de leur réalisation (1850–1967) ; le stade de raffinement atteint par nos contemporains ; enfin, ouvrir une porte sur demain et ses possibles. 2. La préhistoire : de 460 avant J.-C. à 1745 2.1. L’antiquité Hippocrate (460–377 avant J.-C.) ne reconnaissait pas le tendon comme une structure distincte et assimilait nerf et tendon dans le terme de « neuron ». Il semblerait que Théophile d’Alexandrie (aux environs de 300 avant J.-C.) ait le premier compris la spécificité de la fonction tendineuse et en ait peut-être tenté la réparation. Galien (131–201) (Fig. 1) s’était-il trompé ? Ses écrits en grec, traduits depuis les manuscrits de la bibliothèque d’Alexandrie en Syriaque au VIe siècle, puis en Arabe au IXe siècle (Jawa ¯mi’ al-Iskandara ¯niyyı ¯n), puis en Latin à partir de 1453 (Summaria Alexandrinorum) ont gardé force de loi pendant plus de 1500 ans. Dans son Te ´xnh i´atrikh (ars medica), Galien distinguait la Me ´gate ´xnh (ars magna), la pratique supérieure qu’il appelait sa « Méthode de la médecine », et la Mi´xróte ´xnh (ars parva) ou pratique élémentaire. Il montrait ainsi le peu d’estime qu’il avait pour la chirurgie, alors travail d’esclaves, grecs en général, comme lui. Effectivement dans l’ars parva, on peut lire au sujet des tendons : « Toute manipulation entraînerait douleur voire convulsions ». Sous l’éclairage déformant d’une quasi- idolâtrie, le dogme était en place ! Galien donc, comme Hippocrate, assimilait les deux structures : nerf et tendon. Il est amusant de constater que cette erreur physiologique est restée une erreur sémantique pour beaucoup. Dans le langage commun, nombre de gens confondent encore nerf et tendon. Ce qui est admissible pour le commun l’est moins pour la faculté. Or la Sorbonne professa le dogme de Galien jusqu’en 1745 ! Pourtant, chirurgien des gladiateurs à Pergame puis à Rome sous Marc Aurèle, Galien a certainement été confronté à des sections tendineuses et vraisemblablement amené à réaliser des réparations à ce niveau. Il en rapporte une chez un gladiateur nommé Centaure. Aurait-il confondu nerf médian et flexor carpi radialis, comme cela se voit encore parfois lors de la reprise de grossières erreurs chirurgicales, entraînant « déboire et convulsion », comme le suggère Chamay [1] ? Cela est hautement probable. Après Galien au cours des siècles, sans aucun doute, quelques audacieux passèrent outre le dogme et osèrent ce que l’on pourrait déjà appeler la chirurgie tendineuse. L’histoire n’a pas toujours retenu leurs noms. Quelques-uns par contre brillent au firmament de la « gloire chirurgicale ». 2.2. Le haut Moyen-Âge L’histoire retient qu’en Perse, Avicenne, Abou Ali Ibn Abdillah Ibn Sina (980–1037) (Fig. 2), le premier, dans son Canon (Qanun fit’ tibb’), proposa et réalisa la réparation par suture des tendons sectionnés et prôna l’immobilisation pour obtenir la cicatrisation. Ces innovations nous apparaissent aujourd’hui d’une évidente nécessité. Ce ne fut pas le cas au XIe siècle et elles tombèrent dans l’oubli. Du Ve au XIIIe siècle de notre histoire, une des principales conséquences de la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 fut l’extinction prolongée de la culture gréco-latine, à l’exception de certains territoires protégés par leur éloignement ou relevant de l’Empire romain d’Orient (Byzance). Ce fut le cas de Salerne avec la Schola Medica Salernitana, la plus ancienne faculté de médecine d’Europe, qui rayonna dès le Xe siècle dans tout l’Occident médiéval. Roggerio dei Frugardo, dit Roger de Salerne, (1140–?) émigré à Montpellier vers 1202, y amena les connaissances de l’école de Salerne. Il consigna son savoir dans Pratica Chirurgiae et semble avoir réalisé les premières ténorraphies occidentales, à en croire son disciple Roland de Parme, qui diffusa le savoir et les écrits de son maître vers 1250. Gugliemo Fig. 1. Claude Galien (131–201). F. Moutet et al. / Chirurgie de la main 33S (2014) S2–S12 S3 da Saliceto ou Guillaume de Salicet (1210–1277), Guido Lafranchi (1230–1306) vers 1290 et Guy de Chauliac (1300– 1368) soutinrent ces principes sans toutes fois en assurer une diffusion considérable. Guido Lafranchi dans Pratica quae dicitur Ars completa totius chirugiae (ou chirurgia magna), publiée à Venise en 1490, fit une somme de la médecine arabe et de l’enseignement de son maître Gugliemo da Saliceto. Il enseigna à Bologne où il rompit avec le dogme galénique, insista sur le caractère nocif du pus, prôna les incisions avec scalpel, etc. Il fut banni de Milan en 1290 par Matteo Visconti, partit pour Lyon, puis Paris en 1295, où il enseigna au collège de Saint-Côme, ancêtre de l’académie de chirurgie, amenant avec lui l’enseignement de Bologne. 2.3. Le bas Moyen-Âge : les grands médiévaux français Henri de Mondeville (1260–1320), chirurgien des rois Philippe IV le Bel et Louis X le Hutin, fut le premier auteur d’un traité de chirurgie en langue française. Il étudia la médecine auprès de Théodoric Borgognoni et uploads/Sante/ histoire-des-flechisseurs-moutet-2015.pdf
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- Publié le Nov 14, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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