Vol. 104 - Novembre 2010 François-Xavier BALLY et Jean-Marc BERROIR Incertitude
Vol. 104 - Novembre 2010 François-Xavier BALLY et Jean-Marc BERROIR Incertitudes expérimentales par François-Xavier BALLY Lycée Le Corbusier - 93300 Aubervilliers et Jean-Marc BERROIR École normale supérieure - 75005 Paris berroir@lpa.ens.fr RÉSUMÉ Cet article s’intéresse aux problèmes liés à l’évaluation des incertitudes expéri- mentales que l’on peut rencontrer lors d’une séance de travaux pratiques, dans l’ensei- gnement secondaire, en classes préparatoires ou à l’université. Issu d’un enseignement en préparation à l’agrégation de physique, il est davantage centré sur la pratique que sur des considérations théoriques. Les points suivants sont abordés : définition de l’in- certitude expérimentale, étude statistique, propagation des incertitudes, modélisation et vérification d’une loi physique. De nombreux exemples pratiques sont présentés. INTRODUCTION La notion d’incertitude est essentielle dans la démarche expérimentale. Sans elle, on ne peut juger de la qualité d’une mesure, de sa pertinence ou de sa compatibilité avec une loi physique. Cet article vise à fournir les outils nécessaires à l’analyse de résultats expérimentaux. On y introduit d’abord la notion d’incertitude. Puis, on montre comment, à l’aide d’une étude statistique, on peut quantifier les incertitudes associées au caractère aléatoire des processus de mesure. On montre ensuite comment évaluer l’incertitude sur une grandeur obtenue par calcul à partir d’un certain nombre d’autres grandeurs mesu- rées. Enfin, on aborde le problème de la modélisation et de la vérification d’une loi physique. On fournit les outils nécessaires à une approche quantitative de ce problème. Dans tous les cas, l’accent est mis sur la pratique et de nombreux exemples concrets sont présentés. 1. ERREUR ET INCERTITUDE Beaucoup de scientifiques confondent ces deux termes et parlent de calculs d’er- reurs au lieu de calculs d’incertitudes. 1.1. Erreurs 1.1.1. Définition de l’erreur Lors de la mesure d’une grandeur physique x, l’erreur est la différence entre la valeur U N I O N D E S P R O F E S S E U R S D E P H Y S I Q U E E T D E C H I M I E 995 Incertitudes expérimentales Le Bup n° 928 mesurée (1) x et la valeur vraie X. La valeur vraie est en général inconnue (puisqu’on la cherche). 1.1.2. Erreurs aléatoires et erreurs systématiques 1.1.2.1. Erreurs aléatoires Lorsqu’on mesure la période d’oscillation d’un pendule en opérant avec un chro- nomètre manuel, on constate qu’en répétant les mesures on trouve des résultats légère- ment différents, dus surtout aux retards de déclenchement qui vont réduire ou accroître la valeur de la période suivant qu’ils ont lieu au début ou à la fin de la mesure. Ce phéno- mène sera détecté par une étude statistique. On parle d’erreur aléatoire. Le résultat de la mesure est caractérisé par une distribution de probabilité (2) répartie autour de la valeur vraie dans le cas d’erreurs purement aléatoires. 1.1.2.2. Erreurs systématiques Supposons maintenant qu’on mesure la période d’oscillation d’un pendule avec un chronomètre faussé qui indique toujours des temps 2 % trop faibles. L’étude statistique ne le détectera pas. On parle d’erreur systématique : c’est la composante de l’erreur qui ne varie pas dans des conditions de mesure répétées. Plus généralement les erreurs systé- matiques ont des origines diverses : ® Erreur d’étalonnage Exemple : MILLIkAN a trouvé une valeur inexacte de la charge de l’électron parce qu’il avait pris une valeur fausse de la viscosité de l’air. ® Oubli d’un paramètre Exemple : Influence de la température sur la vitesse du son (si on ne précise pas la température il est impossible de comparer la mesure à une valeur de référence). ® Procédure erronée Exemple : Mesure d’une résistance sans tenir compte des résistances de l’ampèremètre et du voltmètre… Les erreurs systématiques sont difficiles à détecter a priori, mais une fois détectées, on peut souvent les corriger (par exemple en tenant compte des résistances de l’am- pèremètre et du voltmètre lors de la mesure d’une résistance). On représente classiquement les rôles respectifs des erreurs aléatoires et systématiques par une analogie avec un tir sur cible (cf. figure 1, page ci-contre), le centre de la cible représentant la valeur vraie de la grandeur à mesurer : – si tous les impacts sont proches du centre : faibles erreurs aléatoires et faible erreur systématique ; – si les impacts sont très étalés, mais centrés en moyenne sur la cible : fortes erreurs aléatoires et faible erreur systématique ; U N I O N D E S P R O F E S S E U R S D E P H Y S I Q U E E T D E C H I M I E 996 (1) Pour simplifier les notations, dans toute la suite on désigne par la même lettre x la grandeur physique et sa valeur mesurée. (2) Des rappels élémentaires de statistiques sont présentés en annexe. Vol. 104 - Novembre 2010 François-Xavier BALLY et Jean-Marc BERROIR – si les impacts sont groupés, mais loin du centre : faibles erreurs aléatoires et forte erreur systématique ; – si les impacts sont étalés et loin du centre : fortes erreurs aléatoires et forte erreur systématique. Le défaut de cette analogie est qu’en général, dans les mesures physiques on ne connaît pas le centre de la cible ! Un exemple plus complexe : Si on mesure une distance avec une règle en métal souple, la flexion de la règle va introduire une erreur systématique (la distance lue est toujours trop grande) et aléatoire (la flexion de la règle est variable). 1.2. Incertitude L’incertitude traduit les tentatives scientifiques pour estimer l’importance de l’erreur aléatoire commise. En absence d’erreur systématique, elle définit un intervalle autour de la valeur mesurée qui inclut la valeur vraie avec un niveau de confiance déter- miné. La détermination de l’incertitude n’est pas simple a priori. On rencontre en prati - que deux situations : ® est évalué statistiquement : on parle alors d’évaluation de type A de l’incerti- tude. On cherche dans ce cas à caractériser la distribution de probabilité des valeurs de x, en évaluant le mieux possible la valeur moyenne et l’écart-type de cette distribution. Ceci se fait par l’analyse statistique d’un ensemble de mesures de x, présentée en détail au paragraphe 2. En l’absence d’erreur systématique, l’estimation de la valeur moyenne est la meilleure estimation de la valeur vraie X tandis que l’incertitude , directement reliée à l’estimation de l’écart-type de la distribution, définit un intervalle dans lequel la valeur vraie de X se trouve avec un niveau de confiance connu. On choisit le plus souvent comme incertitude l’estimation de l’écart-type de la distribu- tion. On parle alors d’incertitude-type. ® est évalué par d’autres moyens : on parle alors d’évaluation de type B de l’in- certitude. Si on ne dispose pas du temps nécessaire pour faire une série de mesures, on estime à partir des spécifications des appareils de mesures et des conditions expérimentales. Exemple 1 : Dans une expérience d’interférences avec les fentes d’Young, on mesure x δ x δ x δ x δ x δ U N I O N D E S P R O F E S S E U R S D E P H Y S I Q U E E T D E C H I M I E 997 Figure 1 : Rôles respectifs des erreurs aléatoires et systématiques. Incertitudes expérimentales Le Bup n° 928 la distance d (de l’ordre du mètre) entre les bifentes et l’écran avec une règle graduée en centimètres. On estime alors généralement l’incertitude-type sur la mesure à 1/4 de graduation (3). Et si on utilise une règle graduée en millimètres ? Décider d’une incertitude-type égale à 0,25 mm serait illusoire, en effet au fur et à mesure que la précision d’affichage de l’instrument augmente, il faut accroître l’analyse des causes d’erreur. Ainsi dans le cas présent la position de la bifente placée dans son support est difficile à repérer précisément à l’échelle du millimètre alors qu’elle était facile à repérer à l’échelle du centimètre. Exemple 2 - Utilisation d’un voltmètre numérique : En ouvrant la notice d’un volt- mètre numérique, on trouve typiquement les indications suivantes : la précision D de la mesure est donnée par ± 2 fois le dernier digit ± 0,1 % de la valeur lue. On peut considérer que l’indication donnée par le fabricant a deux origines (4) : – Celle qui provient d’une erreur de calibrage (variable d’un appareil à l’autre, d’un calibre à l’autre…). Cette erreur est systématique quand on utilise le même calibre d’un même appareil. Elle devient aléatoire quand on utilise plusieurs calibres ou plusieurs appareils, même de modèles identiques. Elle est essentiellement présente dans les ± 0,1 % de la valeur lue. – Celle qui provient d’erreurs aléatoires (bruit…). Elle est essentiellement présente dans les ± 2 fois le dernier digit. Pour évaluer l’incertitude-type sur une mesure, on procède à une évaluation de type B. On convient de diviser la précision D indiquée par le fabricant par (5). 1.3. Présentation d’un résultat expérimental L’écriture rapportant la mesure d’une grandeur physique x est : où est la meilleure uploads/Sante/ incertitudes-experimentales-bally-berroir-pdf.pdf
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- Publié le Nov 05, 2021
- Catégorie Health / Santé
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