Sandrine SACRISTA - Olivier FOURCADE - Delphine KERN - Anne FERRIER-LEWIS - Ber
Sandrine SACRISTA - Olivier FOURCADE - Delphine KERN - Anne FERRIER-LEWIS - Bernard CATHALA Les solutés de remplissage en médecine d’urgence Le maintien de la volémie ou masse sanguine totale est indispensable à l’oxygénation tissulaire (1). Toute hypovolémie, qu’elle soit absolue par diminution de la masse sanguine, ou relative par diminution du retour veineux au cœur, expose au risque d’effondrement du débit cardiaque, de la pression artérielle et surtout du transport et de la délivrance tissulaire en oxygène, à l’origine d’un syndrome de défaillance multiviscérale. Le remplissage vasculaire a donc pour objectifs la restauration d’une volémie efficace ainsi que le maintien d’une pression de perfusion et d’un apport d’oxygène adéquats. Différents solutés de remplissage sont à notre disposition. Ils se répartissent en deux grandes catégories, les cristalloïdes et les colloïdes. Le choix d’un produit de remplissage doit prendre en compte les propriétés physico-chimiques, pharmacocinétiques et pharmacodynamiques du soluté, ses effets secondaires, ainsi que le contexte et l’indication du remplissage vasculaire. NOTIONS GÉNÉRALES LES ÉCHANGES HYDRIQUES : Ils sont régis (2) par des différences de pression entre les différents compartiments liquidiens de l’organisme. Pression osmotique entre les secteurs intra et extracellulaires de telle sorte que la même osmolalité existe de part et d’autre de la membrane cellulaire. Pression oncotique ou colloïde entre les secteurs vasculaires et interstitiels (compartiment extracellulaire). Le débit des échanges liquidiens de part et d’autre de la membrane vasculaire est défini selon l’équation de Starling (Q=K[(Pc-Pi)-s(Pc-Pi)]) : ainsi, le gradient de pression hydrostatique (Pc-Pi) tendant à faire sortir l’eau des vaisseaux vers le secteur interstitiel s’oppose au gradient de pression oncotique (Pc-Pi) qui retient l’eau dans le secteur intra-vasculaire. Physiologiquement, il existe au niveau de la microcirculation un flux d’eau sortant du secteur vasculaire artériolaire (où la pression hydrostatique est plus élevée) vers le secteur interstitiel, compensé d’une part par un flux d’eau entrant au niveau des veinules post-capillaires (pression hydrostatique basse) et par une adaptation du débit lymphatique d’autre part, qui ramène du liquide (eau et protéines) depuis le secteur interstitiel vers le secteur intravasculaire. SOLUTÉS DE REMPLISSAGE ET ÉCHANGES HYDRIQUES (3) : Les cristalloïdes se répartissent entre compartiments cellulaires et extracellulaires selon leur osmolalité : Si leur osmolalité est inférieure à 300 mosmol/kg, ils se répartissent dans les deux secteurs extra-cellulaires et intra-cellulaires. Si l’osmolalité est égale à 300 mosmol/kg, ils ne se répartissent que dans le secteur extra-cellulaire sans modifier l’espace cellulaire. Si l’osmolalité est supérieure à 300 mosmol/kg, la répartition se fait exclusivement dans le secteur extra-cellulaire aux dépens du secteur intra-cellulaire puisqu’il y a une réduction de ce secteur avec appel d’eau vers l’extérieur des cellules, le gradient osmotique étant corrigé par ce transfert d’eau. Les colloïdes augmentent préférentiellement le volume du secteur vasculaire au moins pendant leur temps de présence dans ce secteur. Une augmentation pathologique de la perméabilité vasculaire modifie leur efficacité et leur durée d’action en facilitant le transfert extra- vasculaire des molécules contenues dans ces solutions. LES SOLUTÉS DE REMPLISSAGE (tableau I) LES CRISTALLOÏDES : Ringer lactate et sérum salé isotonique (9 g/l de ClNa) : Leur volume de diffusion est l’ensemble du compartiment extracellulaire, ce qui explique leur faible pouvoir d’expansion volémique. En moins d’une heure, 20 à 25% des volumes perfusés resteront dans le secteur vasculaire et 75 à 80% iront dans le secteur interstitiel (4). Il semble cependant que cette diffusion extracellulaire soit ralentie chez le sujet hypovolémique. Néanmoins, en cas de pertes sanguines, le volume de cristalloïdes nécessaire au maintien de la volémie est très supérieur au volume à compenser. Le Ringer lactate est contre-indiqué en cas de traumatisme crânien ou médullaire grave en raison de son hypotonicité (risque d’œdème), d’insuffisance hépatique (risque d’acidose lactique) et d’hyperkaliémie. Les solutés hypertoniques (tableau II) : Ces solutés possèdent une osmolalité supérieure à celle du plasma (300 mosmol/kg) et leur espace de diffusion est limité au compartiment extracellulaire. Ces solutions peuvent être salées ou non (5), le chlorure de sodium hypertonique à 1 sur 5 7,5% étant le soluté de référence (75 g/l de ClNa). Le pouvoir d’expansion immédiat du SSH à 7,5% est élevé (environ huit fois plus important que celui du sérum salé isotonique) mais est transitoire (figure 1). Différentes études expérimentales et cliniques ont été réalisées avec les SSH. Sur des modèles animaux de choc hémorragique, les solutés de sérum salé hypertoniques (SSH) améliorent les conditions hémodynamiques chez un sujet en état de choc hypovolémique (6). Leur perfusion s’accompagne d’une chute de la PIC chez les traumatisés crâniens avec hypertension intracrânienne et choc hémorragique (7), et d’une diminution de l’œdème cérébral dans les lésions focales post-traumatiques (8). Les études cliniques sont peu nombreuses : l’utilisation de SSH semble bénéfique dans le traitement de l’œdème cérébral et de l’hypertension intracrânienne, notamment réfractaire (7,8), mais les conclusions ne portent que sur des petits groupes de patients. Un effet « rebond » sur la PIC a été observé à l’arrêt de la perfusion de SSH mais, il est difficile de l’attribuer à un effet secondaire propre compte-tenu de leur brève durée d’action. Au cours des différentes études, aucun effet secondaire n’a été rapporté suite à la perfusion de SSH. Cependant, les risques liés à l’hypernatrémie (décompensation d’une insuffisance cardiaque congestive chez un patient présentant une dysfonction cardiaque, acidose hyperchlorémique hypokaliémique, convulsions, majoration d’hématomes sous-duraux, myélinolyse centropontine) demeurent potentiels et limitent le volume perfusé à 4 ml.kg-1 (soit 250 à 350 ml) (3). LES COLLOÏDES (4) : La pression colloïde exercée par ces solutions est fonction du nombre de molécules ne franchissant pas la barrière capillaire, du fait de l’importance de leur taille (reflétée par le poids moléculaire). Leur efficacité dépend également de leur devenir métabolique et de l’élimination rénale. On distingue les colloïdes naturels (albumine) et les colloïdes de synthèse (dextrans, gélatines et hydroxyé-thylamidons). L’albumine (tableau III) : Colloïde naturel d’origine humaine (plasmatique), elle est obtenue par fractionnement et présentée en solution à 4% ou à 20%. Son pouvoir d’expansion volémique est de 18 à 20 mL.g-1. La solution à 4% possède une pression colloïde légèrement inférieure à celle du plasma et de ce fait, l’expansion volémique représente seulement 80% du volume d’albumine perfusé. La solution à 20%, en créant un transfert d’eau du secteur interstitiel vers le secteur vasculaire, détermine une expansion volémique égale à environ 4 fois le volume perfusé. Ainsi, 500 ml d’albumine à 4% ou 100 ml d’albumine à 20% entraîneront une augmentation du compartiment vasculaire identique de 400 ml (4). La durée d’action des perfusions d’albumine est conditionnée par la perméabilité capillaire. Chez un sujet sain, le taux de transfert d’albumine à travers le capillaire vers le secteur interstitiel est de 5% par heure, mais il peut augmenter dans les états pathologiques induisant une réponse inflammatoire d’origine systémique importante.Des recommandations pour la pratique clinique ont été précisées en 1997 (1). La pasteurisation appliqué à l’Albumine a été validée pour inactiver les virus enveloppés et non enveloppés potentiellement présent dans le plasma. L’Albumine peut être prescrite en première intention, chez la femme enceinte, l’enfant, et en cas d’allergies aux colloïdes de synthèse (AMM). Les dextrans (tableau III) : Ce sont des polymères glucidiques d’origine bactérienne. En fonction de leur poids moléculaire (PM en kDa), on distingue les dextrans 40 (PM = 40000 kDa), 60 (PM = 60000 kDa) et 70 (PM = 70000 kDa). Le pouvoir d’expansion volémique varie selon les solutions : un gramme de dextran 40 retient 30 ml d’eau dans le compartiment intravasculaire contre environ 25 ml pour les dextrans 70. La voie d’élimination principale est le rein par filtration glomérulaire, les voies secondaires sont lymphatique et digestive sous forme de sécrétions intestinales et pancréatiques. La durée d’action des dextrans est ainsi prolongée chez l’insuffisant rénal (4). Les dextrans 40 possèdent des propriétés rhéologiques. Ils améliorent la microcirculation par réduction de la viscosité sanguine, augmentation du temps de formation des rouleaux érythrocytaires et diminution de l’agrégation plaquettaire (9). Ces solutés sont contre-indiqués chez la femme enceinte et sont à éviter si le patient présente des troubles de l’hémostase ou une thrombopénie. En raison de leurs effets secondaires potentiels et de la commercialisation d’autres colloïdes possédant un fort pouvoir d’expansion volémique, les dextrans ne sont guère utilisés. Les gélatines (tableau III) : Ce sont des polypeptides d’origine animale obtenues par hydrolyse de gélatines de bœuf d’encéphalopathie. On distingue les gélatines fluides modifiées (Plasmion®, Gélofusine® et Plamagel® contenant du calcium en plus grande quantité) et les gélatines à pont d’urée (Hæmacel®). Leur point de gélification se situe entre 0 et 4°C. Quelque soit la solution de gélatine, l’augmentation de la volémie est légèrement inférieure au volume perfusé, 20 à 30% passant rapidement dans le secteur interstitiel. L’élimination est essentiellement rénale par filtration glomérulaire (4). Les effets secondaires (tableau III) sont dominés par le risque anaphylactique, risque plus fréquent avec les gélatines à pont d’urée (10) . * Les hydroxyéthylamidons (HEA) : Les HEA sont des polysaccharides naturels (extraits de l’amidon de maïs) dont les unités de glucose ont subi une hydroxyéthylation au niveau des atomes de carbone en position C2 et C6, retardant uploads/Sante/ les-solutes-de-remplissage-en-medecine-d-urgence.pdf
Documents similaires










-
38
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 19, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 1.1908MB