SYNTHESE DE MI-PARCOURS Résultats préliminaires QUELLE PLACE POUR LE PARCOURS D

SYNTHESE DE MI-PARCOURS Résultats préliminaires QUELLE PLACE POUR LE PARCOURS DE SANTE PSYCHIQUE EN MILIEU CARCERAL FERME ? Terrains : unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) et maisons d’arrêt (MA)  Le parcours de santé comprend le parcours de soin mais ne s’y résume pas. Le parcours de santé intègre également des dimensions sociales (e.g. : relations humaines) ou encore environnementales (e.g. : architecture du lieu de vie). Il existe bien un parcours de santé en milieu carcéral dans la mesure où la personne détenue peut par exemple bénéficier d’un suivi avec un psychiatre, un CPIP (Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), un assistant social, un médecin généraliste, etc.  Cependant, ce parcours n’est pas linéaire, il n’est pas forcément progressif et continu. Il est évolutif. Il peut tout autant évoluer vers du mieux-être que du mal-être. Il peut être marqué par des tournants, des arrêts, etc. Cette caractéristique du parcours de santé en établissement pénitentiaire est pour une part profil-dépendant du patient-détenu mais est aussi le fait de sa structuration par le milieu carcéral et ses contraintes.  En prison comme en UHSA, l’accompagnement de la santé mentale de la personne est globalement imperméable aux suivis effectués dans les autres sphères de sa vie. De manière plus générale, les différents aspects de la vie du patient-détenu font l’objet de suivis professionnels indépendants/cloisonnés. En effet, alors que les paramètres d’un parcours de santé psychique ont un poids variable selon les personnes, l’absence de leur mise en relation ne permet pas d’exploiter l’importance qu’ils revêtent pour tel ou tel sujet. Cette absence de synergie relève à la fois d’un manque de communication entre les divers acteurs du monde pénitentiaire et d’un manque d’individualisation des parcours. C’est sûrement aussi le fait d’un manque de moyens. C’est peut- être également le fait de cultures professionnelles inconciliables ou plutôt qui se perçoivent comme telles. Enfin, il peut en relever de la difficulté à conceptualiser un parcours de santé, a fortiori de santé mentale, comme un tout, dont les éléments constitutifs sont indissociables.  Là où le parcours de santé psychique de la personne détenue semble effectuer le plus grand saut dans l’inconnu c’est à la sortie de prison, dans le cas où un détenu est libéré. Il serait possible de dire que la vie hors-des-murs n’est plus du ressort du milieu carcéral, mais au vu notamment de la place que prennent les politiques de réinsertion et de restructuration de l’individu dans les missions de la pénitentiaire, les acteurs qui interviennent auprès des patients-détenus apparaissent avoir une responsabilité en matière de post- pénal. Non pas dans l’assurance de la non-récidive, car il est impossible de prévoir, mais dans la préparation à la sortie. Certains professionnels semblent à certains égards ne voir les patients-détenus que comme des patients ou des détenus, alors qu’ils sont à la fois patients, détenus et citoyens. Sans compter que cette triple identité est sujette à évolution. Si l’univers carcéral se veut le lieu de l’introspection, la réflexion d’un avenir pour ces identités paraît avoir des difficultés à exister. En outre, lors d’une remise en liberté, la rupture immédiate avec une institution aussi totale que la prison ou une UHSA peut sembler brutale, incohérente, absurde peut-être, pour un ex-détenu sans ou avec peu de repères. Dans leur vécu, la prison laissera une trace, elle ne cessera pas d’exister du jour au lendemain. La coordination avec le milieu ouvert semble pourtant encore balbutiante. Le manque de temps, de partenariats et l’étiquette de prisonnier n’y seraient pas pour rien. Ce non- accompagnement affecte directement la santé, notamment psychique de la personne (cf. par exemple le cercle vicieux rue-hôpital-prison qui fonde entre autres le travail du dispositif « Un chez soi d’abord »).  L’offre de soins est un autre pendant du parcours de santé qui pousse à s’interroger. Certes, les plateaux techniques mis à disposition des patients- détenus sont technologiquement à la pointe, mais l’accès aux soins ne paraît pas optimal (temps d’attente, difficultés d’accès pour les femmes,…). De plus, si l’on peut déjà considérer l’arrivée de problématiques de santé en prison (addictions, troubles psy…) comme une avancée, quid des approches médicales proposées ? Elles reposent exclusivement ou presque sur l’allopathie. Les médecines alternatives, comme l’art thérapie, n’ont pour l’instant pas leur place auprès des patients-détenus. Des ateliers qui n’ont pas directement une visée thérapeutique, comme les ateliers de méditation ou de cuisine, peuvent être organisés par l’équipe soignante mais la forte demande les rend peu accessibles, sans compter que l’offre d’ateliers dépend du bon vouloir et des capacités des soignants. Et puis des propositions, comme celles des aumôniers psychiatriques ou des psychanalystes, ne sont pas considérées sur le même plan que des séances de psychothérapie par exemple. Il ne s’agit pas ici de tomber dans un relativisme absolu et de conclure que tout s’équivaut, mais plutôt de (ré)introduire de l’intérêt pour ces pratiques alternatives à la médecine classique.  L’UHSA et la MA m’ont laissé l’impression d’un accompagnement psychique à la fois intense et express. En MA, c’est parce que le temps de passage du détenu entre les murs de l’établissement est court (deux ans maximum, quelques jours ou semaines parfois…). En UHSA, c’est parce que la vocation de l’unité est de gérer les urgences (une urgence psychiatrique se gère-t-elle dans l’urgence ? Une stabilisation viable s’opère-t-elle en un séjour de 4 jours ou d’un mois ?). Même si des continuités inter-établissements existent dans les parcours, la pertinence de ces schémas de soin mérite d’être questionnée. Faut-il faire coïncider temps de la peine et temps du soin ou faut-il les dissocier, par exemple en pensant le soin hors du carcéral ?  Au-delà de l’univers pénitentiaire, ce sont les effets du nouveau management public (NPM) qu’il est intéressant d’aborder. Ce mode de gestion traverse autant la justice que la santé et j’ai pu l’observer au travers de mes différents terrains. Hôpital et prison fonctionnent majoritairement à flux tendus, la gestion des numéros d’écrou et de sécurité sociale est le nerf de la guerre. Du côté de la psychiatrie avec le virage ambulatoire et du côté de la pénitentiaire avec la problématique de la surpopulation, le système carcéral peine à adapter les parcours de santé, à les personnaliser. Manque de temps, manque d’argent, manque de place, manque.  Le parcours de santé en milieu carcéral m’apparaît aussi poser question sur la psychiatrisation de certains actes comme le viol ou le terrorisme. Par exemple, la médicalisation des AICS ou des addicts peut conduire à invisibiliser l’influence de facteurs culturels ou socio-économiques. Dans ces domaines, le suivi semble ne pas pouvoir se passer d’un décloisonnement des disciplines : médicales, sociologiques, économiques… Ainsi, le traitement médical n’est en fait qu’une solution parmi d’autres ; seule, son efficacité est discutable.  Enfin, le parcours de santé psychique en milieu carcéral ne reconnaît pas la notion de handicap psychique. Les professionnels de terrain interrogés – soignants y compris – sont beaucoup à s’être montrés surpris ou circonspects à l’évocation de la notion de handicap psychique. Il s’avère que ce n’est pas une grille de lecture avec laquelle ils travaillent. Cela ne signifie pas que ces professionnels ne mesurent pas chaque jour les implications du handicap psychique, loin de là, c’est parfois la réalité dans laquelle ils baignent. Mais le poids des mots est important et significatif. Peut-être que l’introduction des notions de déficience, limitation et restriction, permettrait de renouveler les manières de faire et de penser la santé psychique. L’accompagnement en ressortirait peut-être plus transversal.  Les professionnels rencontrés, aussi bien dans le domaine de la santé que de la justice ont paru très engagés dans leur métier et intéressés par le sujet. Ce constat est certainement biaisé dans le sens où les professionnels qui ont accepté de me rencontrer sont potentiellement ceux qui aiment parler de leur activité. Cela ne les a pas empêchés, pour la plupart, de questionner leurs pratiques et d’interroger le système dans son ensemble. C’est ce qui me permet d’avancer que le parcours de santé des patients-détenus n’est pas seulement conditionné par des textes étatiques : l’agentivité des acteurs de terrain est une réalité. Merci à vous d’avoir donné suite à mes demandes. Merci à vous d’avoir contribué à approfondir ma connaissance du milieu carcéral et du soin. Merci. Bien évidemment, ces conclusions n’ont en aucun cas vocation à servir de recommandations. uploads/Sante/ memoire-fiche-synthese.pdf

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  • Publié le Nov 12, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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