Auteur : Muriel Dubreuil Directrice de publication : Isabelle Grémy FOCUS SANTÉ
Auteur : Muriel Dubreuil Directrice de publication : Isabelle Grémy FOCUS SANTÉ EN ÎLE-DE-FRANCE | MAI 2019 E-SANTÉ DÉCRYPTAGE DES PRATIQUES ET DES ENJEUX Le domaine de la santé n’échappe pas à une évolution de société où personnes et objets sont connectés et échangent signaux et informations en permanence. L’entrée en 2019 des consultations de télémédecine et de la télé-expertise dans le droit commun, la multiplication des applications mobiles et objets connectés témoignent de l’importance croissante de ces technologies qui font évoluer les pratiques des professionnels de santé et qui ont potentiellement des effets sur les perceptions et attitudes des patients. Mettre des outils numériques performants au service de tous est l’une des priorités définies dans le plan « Ma Santé 2022 » du ministère des Solidarités et de la Santé, décliné en région par les agences régionales de santé. La Région Île-de-France, impliquée dans la mise en place du programme « Smart Région Initiative » a mandaté l’Observatoire régional de santé Île-de-France pour un état des lieux orienté sur les perceptions de l’e-santé, aussi bien de la part des professionnels de santé que des usagers du système de santé. Ce Focus santé a pour objectif de délimiter les enjeux majeurs. Basée sur une revue de littérature, cette synthèse assemble les éléments de connaissances du champ de l’e-santé dans ses pratiques et ses usages et propose des clés de compréhension d’enjeux émergents à prendre en compte pour préserver la santé comme un bien commun. SOMMAIRE 2 Introduction 4 Contexte du développement de l’e-santé 10 Pratiques d’e-santé 15 État des lieux des perceptions de l’e- santé 20 Enjeux multiples pour l’ensemble des acteurs 25 Conclusions et perspectives 27 Glossaire 28 Références Pixabay – rawpixel / 3254 ORS - FOCUS SANTÉ EN ÎLE-DE-FRANCE - 2 – E-santé – Décryptage des pratiques et des enjeux Introduction Amorcé depuis les années 1970 par l’informatisation des fonctions de gestion hospitalière et par les premiers projets de dossier patient numérisé, le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le champ de la santé, a connu depuis quarante ans à la fois, un intérêt soutenu (les investis- sements en la matière ont été considérables) et des échecs nombreux et répétés (en particulier, l’échec de la mise en place du DMP - Dossier médical personnel ou Dossier médical patient - entre 2004 et 2011 par manque d’appropriation des différents acteurs). La mise à disposition d’une technologie ne signifie pas, en effet, son utilisation. Comme le souligne le Conseil national du numérique en 2015, dès que l’on s’in- téresse à « santé et numérique » le sujet devient difficile à appréhender tant les attentes et les questions soulevées sont nombreuses, complexes, souvent nou- velles. La profusion d’innovations dans le champ de la santé qui inondent notre actualité quotidienne (qu’elles soient technologiques, médicales, sociales ou d’usages) et la variété des dispositifs technologiques dits « d’e-santé » alors même que l’on se situe dans le cadre du soin, rendent difficile la connaissance et l’appropriation des enjeux prioritaires. L’e-santé est présentée par les décideurs ou les développeurs comme une des solutions pour pallier aux difficultés de notre système de soins. Promouvoir la qualité et la pertinence des soins et développer une meilleure coordination entre les acteurs font partie des ambitions de la réforme du système de santé et le numérique pourrait y participer. Des changements auraient alors à s’opérer dans les formations, les fonctions ou encore les responsabilités des acteurs de santé. L’e-santé, en introduisant de nouvelles relations entre les professionnels de santé, voire entre les professionnels et les patients, en améliorant la prise en charge des maladies chroniques, en facilitant l’hospitalisation à domicile ou en anticipant le retour à domicile après une hospitalisation ambulatoire pourrait, de fait, favoriser la mise en œuvre de nouvelles modalités d’organisation des soins. La promesse d’une révolution est souvent annoncée, mais le corpus de connais- sances est émergent et les définitions mêmes ne sont pas stabilisées. Dans un contexte de développement de « marché », les autorités sanitaires cherchent à préserver un équilibre entre faciliter l’innovation et la réguler éthiquement. Le domaine dit de la « e-santé » est très hétérogène et il renvoie à une multitude de dispositifs techniques, dont les objectifs et les fonctions varient. Les preuves de l’efficacité et du service rendu de ces dispositifs dépendent de nombreux fac- teurs, des pathologies concernées, mais surtout de l’existence de retours d’ex- périences évalués. Les implications de l’utilisation de ces dispositifs pour l’en- semble des acteurs des soins de santé et pour la société dans son ensemble sont encore loin d’être circonscrites. Les enjeux spécifiques liés à l’intelligence artificielle, qui est de plus en plus utili- sée dans nombre de technologies numériques du champ de la santé, ont été exclus de cette note, tant ils soulèvent de nouvelles interrogations pour les pro- fessionnels de santé, mais également pour la société dans son ensemble. Pour nous citer : Dubreuil M. E-santé : décryptage des pratiques et des enjeux. Observatoire régional de santé Île-de-France. 2019. ORS - FOCUS SANTÉ EN ÎLE-DE-FRANCE - 3 – E-santé – Décryptage des pratiques et des enjeux Contexte du développement de l’e-santé La notion d’e-santé date du début des années 2000 et représente un domaine émergent à la croisée de l’informatique médicale, de la santé publique et du monde de l’entreprise. Elle fait référence aux ser- vices de santé fournis grâce à internet ou à des tech- nologies numériques (Eysenbach G, 2001). L’année 2018 a été marquée, en France, par diffé- rentes évolutions. Le numérique est un axe majeur du plan « Ma santé 2022 » présenté en septembre 2018 par le gouvernement (Pon D, 2018) et son volet opérationnel, visant l’exploitation des données de santé au service du bien commun, envisage la préfi- guration d’un « Health Data Hub » (Cuggia P, 2018). Dans le cadre de la prochaine révision de la loi de bioéthique, le Comité national consultatif d’éthique a mandaté un groupe de travail pour réaliser un bilan des interactions entre numérique et santé au regard notamment des inégalités de santé, des données de santé, de la responsabilité juridique et du secret mé- dical (CCNE, 2018). En 2015, le Conseil national du numérique notait que le rythme accéléré de l’innovation à l’échelle mon- diale dans ce domaine obligeait à affirmer une filière française et européenne comme condition de préser- vation de la santé comme bien commun (CNNum, 2015). La santé connectée attise l’intérêt des géants du numérique comme les GAFAM1 ou les BATX2, qui détiennent une très grande capacité de récupération, de stockage et de traitement des données ainsi qu’une grande puissance financière (DGE, 2016). Le chantier du développement de l’e-santé dans l’Union européenne s’est axé sur des objectifs d’in- teropérabilité entre pays membres, dans l'intérêt des patients, des professionnels et des systèmes de santé, tout en favorisant le développement d’un mar- ché pour les industriels européens (EC, 2012). L’OMS Europe recommande de légiférer sur l’utilisa- tion des données de santé, d’encadrer la mise sur le marché des applications de santé mobile et d’élabo- rer une stratégie e-santé « inclusive et intersecto- rielle » (WHO Europe, 2016). Les périmètres de l’e-santé sont très larges et la compréhension des usages passe par une clarifica- tion de ses composantes. Des définitions en construction Les définitions sont multiples, non harmonisées entre les pays, (Oh H et al, 2005). La majorité des définitions caractérisent l’e-santé comme l'utilisation de technologies numériques3 en réseau (Pagliari C, 2005). Le numérique en santé implique une ap- proche systémique comprenant les outils technolo- giques et les acteurs en capacité de comprendre le fonctionnement du système (usages et fonctionnali- tés des outils) ainsi que les informations transmises (Dumez H et al, 2015). Par ailleurs, l’intelligence ar- tificielle (IA) sous-tend de nombreux dispositifs d’e- santé et fait partie de priorités évoquées au plus haut sommet de l’État4, suite à la remise du rapport de Cédric Villani5. Figure 1 : Terminologies de l’e-santé en France Sources : (Adapté de) Livre Blanc du Conseil national de l’Ordre des médecins. 2015 ; Dumez H, 2015 1 Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft 2 Géants du Web chinois dans les années 2010 : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi 3 Le « numérique » correspond à la description d’une information sous format numérique (nombres), permettant la transmission de données, co- dée et décodée par les outils technologiques. 4 Discours du Président de la République sur l'intelligence artificielle. 29 mars 2018. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/03/29/discours- du-president-de-la-republique-sur-lintelligence-artificielle (consulté le 28 mars 2019). 5 Rapport de Cédric Villani : donner un sens à l’intelligence artificielle. http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid128577/rapport-de- cedric-villani-donner-un-sens-a-l-intelligence-artificielle-ia.html (consulté le 28 mars 2019). ORS - FOCUS SANTÉ EN ÎLE-DE-FRANCE - 4 – E-santé – Décryptage des pratiques et des enjeux L’Organisation mondiale de la santé (OMS) donne à l’e-santé une définition très large : « l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour la santé ». Dans les documents officiels de l’OMS, la traduction de « e-health » en français est « cybersanté »6 ce qui est formulé par « e-santé » dans les politiques publiques en uploads/Sante/ ors-focus-e-sante 1 .pdf
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- Publié le Aoû 01, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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