Ostéodystrophie rénale M.-H. Lafage-Proust L’ostéodystrophie rénale (ODR) est u

Ostéodystrophie rénale M.-H. Lafage-Proust L’ostéodystrophie rénale (ODR) est une ostéopathie métabolique diffuse en rapport avec l’insuffisance rénale chronique, qui inclut diverses lésions histologiques. Elle comprend des troubles du remodelage (haut niveau de remodelage, lié à l’hyperparathyroïdie secondaire [HPT II], et bas niveau de remodelage avec l’ostéomalacie [OM] et l’ostéopathie adynamique, l’ostéopathie mixe combinant une OM et des lésions d’HPT II) et une perte osseuse. L’ODR se développe du fait des troubles métaboliques qui compliquent l’urémie chronique et impliquent l’hypocalcémie, la rétention de phosphate, la diminution de la synthèse rénale de calcitriol, l’acidose, l’inflammation chronique et les troubles de la nutrition auxquels s’ajoutent des complications iatrogènes. Les manifestations cliniques et biologiques telles que les douleurs osseuses et les fractures dont l’incidence est accrue dans l’insuffisance rénale chronique (IRC), ou l’hypercalcémie sont peu spécifiques d’un type histologique. Le diagnostic repose sur l’histologie avec étude histomorphométrique d’une biopsie osseuse de crête iliaque et, en l’absence de biopsie, sur les concentrations sériques de parathormone. L’utilisation des marqueurs biologiques du remodelage osseux tels que les phosphatases alcalines osseuses est proposée. Le traitement repose sur la chélation du phosphate alimentaire, la vitamine D (naturelle ou dérivés 1-a-hydroxylés), et les agonistes des récepteurs sensibles au calcium des glandes parathyroïdes, la parathyroïdectomie n’étant réservée qu’aux HPT II réfractaires. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Ostéodystrophie rénale ; Remodelage osseux ; Hyperparathyroïdie secondaire ; Fractures ; Insuffisance rénale chronique Plan ¶ Introduction 1 ¶ Rappels sur le remodelage osseux 2 ¶ Lésions osseuses au cours de l’insuffisance rénale chronique 3 Troubles du remodelage et de la minéralisation 3 Réduction de la masse osseuse ou « ostéoporose » 6 ¶ Signes cliniques 6 Fractures 6 Autres signes 7 ¶ Moyens d’explorations du statut osseux 7 Radiographies 7 Indications de la biopsie osseuse 8 Dosages biologiques 8 Densitométrie osseuse 9 ¶ Traitement 10 Traitement de l’hyperparathyroïdie secondaire 10 Traitement de l’ostéomalacie 11 Traitement de l’ostéopathie adynamique 11 Traitement de la perte osseuse et des fractures 11 ¶ Conclusion 11 ■Introduction L’insuffisance rénale chronique (IRC) entraîne de façon précoce une rétention phosphorée et une balance calcique négative conduisant à une hyperparathyroïdie secondaire (HPT II), ce qui induit des lésions osseuses qui sont maintenant bien décrites. De plus, l’insuffisance rénale perturbe de nombreuses autres fonctions telles que la régulation du pH ou la nutrition et associe, à des degrés divers, des phénomènes inflammatoires qui, à leur tour, peuvent retentir de façon plus ou moins spécifique sur le squelette. Les lésions osseuses rencontrées lors de l’IRC résultent donc de l’accumulation des toxines urémiques au sens large, à laquelle s’ajoute une pathologie iatrogène. Leur physiopathologie déborde largement du simple cadre nosologi- que des troubles du métabolisme phosphocalcique dans lequel on les a trop longtemps cantonnées. Ces lésions sont responsa- bles d’une symptomatologie osseuse variée qui n’est pas spécifique, comme des fractures ou des douleurs, et s’accompa- gnent d’une série de signes biologiques qui ne sont pas spécifi- ques non plus, comme l’hypercalcémie, d’où la nécessité d’utiliser des techniques permettant un diagnostic étiologique précis lorsque cela est nécessaire. L’ostéodystrophie rénale (ODR) était le terme généralement utilisé pour décrire les différents symptômes osseux et anoma- lies phosphocalciques qui surviennent chez les insuffisants rénaux. Cependant, la conférence de consensus KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcomes), a proposé récemment d’utiliser le terme chronic kidney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD) [1] pour définir « la maladie systémique de l’insuf- fisant rénal touchant le métabolisme osseux et minéral », qui se caractérise par une ou plusieurs des manifestations suivantes : ostéodystrophie rénale, calcifications vasculaires, calcinose tumorale et anomalies des concentrations de parathormone (PTH), calcium, phosphore et vitamine D circulants » (Fig. 1). Ainsi, le terme d’ODR ne devrait être utilisé que pour décrire ¶ 14-275-A-10 1 Appareil locomoteur Téléchargé pour Anonymous User (n/a) à Centre de Recherche sur Information Scientifique et Technique Consortium à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur mai 10, 2018. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2018. Elsevier Inc. Tous droits réservés. l’ensemble des altérations de l’histologie osseuse des patients urémiques, quantifiables par l’étude histomorphométrique d’une biopsie osseuse. Nous ne traiterons ici que des lésions osseuses de l’adulte à l’exclusion de celles survenant après une transplantation rénale. ■Rappels sur le remodelage osseux Le tissu osseux est un tissu en perpétuel renouvellement appelé « remodelage » (turnover osseux des Anglo-Saxons). Ce remodelage est assuré par les « unités de remodelage » (ou BMU pour basic multicellular unit) constituées par un groupe d’ostéo- clastes qui résorbent la matrice minéralisée en formant des lacunes et par un groupe d’ostéoblastes qui synthétisent, au sein des lacunes, la matrice osseuse (ostéoïde) qui est ultérieurement minéralisée. L’activité d’un BMU conduit à la formation d’un « ostéon » (appelé aussi unité structurale osseuse ou BSU des Anglo-Saxons). Dans l’os cortical, ces ostéons s’organisent autour de cylindres, les canaux de Havers, plus ou moins ouverts suivant leur stade fonctionnel et, dans l’os trabéculaire, ils sont ouverts sur la moelle hématopoïétique. L’os est formé de millions d’unités structurales et l’on évalue que, chez l’adulte, un million d’unités sont actives en un temps donné. La natalité des BMU est plus importante dans l’os trabéculaire que dans l’os cortical. Ainsi, l’os trabéculaire se renouvelle, chez l’humain, cinq à huit fois plus vite que l’os cortical. Un BMU naît en un point et à un moment donné, il se déplace ensuite sur la surface osseuse sur une distance variable, puis, une fois l’os remplacé, il disparaît. Cette structure nécessite ainsi un apport constant de cellules précurseurs ostéoclastiques à l’avant et ostéoblastiques à l’arrière [2, 3]. Au sein des BMU se succèdent les étapes du remodelage (Fig. 2). La surface osseuse inactive est recouverte de cellules bordantes qui, dans une première phase, vont se rétracter afin de découvrir la matrice osseuse. Puis surviennent les précurseurs mononucléés des ostéoclastes. Cette phase d’activation est suivie d’une phase de résorption et, une fois que les cellules ostéoclas- tiques ont adhéré à la matrice osseuse, elles résorbent l’os ancien. La phase d’inversion correspond au remplacement des ostéoclastes par des cellules mononuclées qui lissent le fond de la lacune (appelée ligne cémentante). Cette étape précède le recrutement des ostéoblastes au sein de cette lacune qu’ils comblent en apposant une nouvelle matrice pendant la phase de formation. Cette matrice non minéralisée ou ostéoïde est progressivement minéralisée au cours du processus appelé « minéralisation primaire ». Enfin vient une phase de quiescence pendant laquelle les ostéoblastes survivants se transforment en cellules bordantes, métaboliquement peu actives, alors que l’accumulation de minéral dans la matrice organique se fait très lentement et de façon cellule-indépendante au cours d’un processus appelé « minéralisation secondaire ». La durée de ce cycle de remodelage (de l’activation du BMU jusqu’à la fin de la minéralisation primaire) dure environ 6 à 9 mois chez l’adulte. Les unités de remodelage ne sont pas synchrones, ce qui permet d’adapter la masse et l’architecture de l’os, sous l’action de facteurs systémiques (PTH, vitamine D) ou locaux (prosta- glandines, cytokines, interleukines ou contraintes mécaniques). La plupart des facteurs qui contrôlent la résorption ostéoclasti- que modulent la synthèse de l’ostéoprotégérine (OPG) et/ou du receptor activator of NFkB ligand (RANKL). L’OPG et le RANKL appartiennent respectivement à la famille des récepteurs du tumor necrosis factor (TNF) et du TNF-a. Les précurseurs ostéo- clastiques possèdent un récepteur appelé RANK (pour receptor Ostéodystrophie rénale Calcinose tumorale Anomalies biologiques PTH, P Ca, VitD Calcifications vasculaires CKD-MBD Figure 1. Représentation schématique du nouveau cadre nosologique des anomalies du tissu osseux et du métabolisme phosphocalcique chez l’insuffisant rénal chronique (d’après la conférence consensus KDIGO [Kidney Disease Improving Global Outcomes]). CKD-MBD : chronic kidney disease-mineral and bone disorder ; PTH : parathormone ; VitD : vitamine D ; P : phosphore ; Ca : calcium. 1. Quiescence 2. Activation Tissu osseux ancien 6. Minéralisation secondaire Ostéoclastes 3. Résorption 5. Formation Front de minéralisation Tissu ostéoïde Cellules bordantes Ligne cémentante Ostéoblastes Lacune 4. Inversion A 1 2 6 5 4 3 7 B Figure 2. Le remodelage osseux. A. Schéma des différentes phases du remodelage osseux. B. Coupe histologique de tissu osseux trabéculaire humain crête iliaque. Deux basic multicellular units (BMU) en activité sont visualisés. L’un est coupé pendant la phase de formation et l’autre est sectionné pendant la phase de résorption (coloration trichrome de Goldner × 400). 1. Tissu osseux calcifié ; 2. tissu ostéoïde ; 3. lacune de résorption ; 4. ligne cémentante ; 5. moelle ; 6. front de minéralisation ; 7. vaisseau. 14-275-A-10 ¶ Ostéodystrophie rénale 2 Appareil locomoteur Téléchargé pour Anonymous User (n/a) à Centre de Recherche sur Information Scientifique et Technique Consortium à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur mai 10, 2018. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2018. Elsevier Inc. Tous droits réservés. activator of NFkB) capable d’être activé par RANKL qui, lui, est exprimé, entre autres, par les précurseurs ostéoblastiques [4]. RANKL est une molécule membranaire qui peut être éventuel- lement clivée (comme le TNF-a) par des métalloprotéases et donc être dosée dans le sang. La uploads/Sante/ osteodystrophie-renale.pdf

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  • Publié le Mar 30, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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