Archives of Cardiovascular Diseases Supplements (2014) 6, 79-85 © 2014 Elsevier
Archives of Cardiovascular Diseases Supplements (2014) 6, 79-85 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 70415 Anticoagulants : stratiÀ cation du risque en pathologie cardiovasculaire Tome 6 – N° 2 – Mars 2014 ISSN 1878-6480 Supplements Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Bayer HealthCare Pharmacologie des anti- Xa et mécanismes d’action Pharmacology and mechanisms of action of Xa inhibitors anticoagulants J.- E. Salem, J.- S. Hulot* CIC Paris- Est, service de pharmacologie, Institut cardiométabolisme et nutrition ICAN, groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière, Paris, France Résumé La famille des anticoagulants oraux s’agrandit et les anticoagulants oraux directs s’annoncent comme l’une des grandes révolutions thérapeutiques notamment après l’autorisation de leur utilisation chez les patients en À brillation atriale par les autorités réglementaires. Cependant, ces médicaments ne sont pas dénués de particularités et nous aborderons dans cette revue de la littérature les principales caractéristiques pharmacologiques des nouveaux anti- Xa oraux directs. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The oral anticoagulant family is growing and the new oral anticoagulants have been heralded as an important therapeutic revolution, particularly after receiving regulatory authority approval for their use in stroke prevention in patients with atrial fibrillation. However, these drugs have some specific features. In this review, we shed light on the main pharmacological characteristics of the new direct anti- Xa inhibitors. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. MOTS CLÉS Pharmacologie ; Anticoagulant ; Inhibiteurs anti- Xa directs ; Rivaroxaban ; Apixaban ; Dabigatran *Auteur correspondant. Adresse e-mail : jean- sebastien.hulot@psl.aphp.fr (J.- S. Hulot). KEYWORDS Pharmacology; Anticoagulant; Direct anti- Xa inhibitors; Rivaroxaban; Apixaban; Dabigatran 80 J.- S. Salem et al. Abréviations AOD : Anticoagulants oraux directs CCP : Concentré complexe prothrombinique FA : Fibrillation atriale INR : International normalized ratio PFC : Plasma frais congelé PGP : P- glycoprotéine SCA : Syndrome coronaire aigu TVP : Thrombose veineuse profonde Introduction Il aura fallu attendre plusieurs décennies avant de voir la famille des anticoagulants oraux s’agrandir . À défaut d’autres thérapeu- tiques, les antivitamines K ont pendant longtemps représenté le seul recours possible pour obtenir une anticoagulation orale sur le long terme. Pourtant les antivitamines K sont loin d’avoir le proÀ l antithrombotique idéal notamment en raison de leur index thérapeutique étroit, de leur délai d’action relativement lent, de l’existence de nombreuses interactions (notamment avec les comédications) et de la nécessité d’une surveillance biologique étroite du niveau d’anticoagulation. Il existait donc une forte motivation pour trouver des anticoagulants oraux directs pouvant être administrés par voie orale et permettant d’obtenir une anticoagulation plus stable sur le long terme. Cette option existe aujourd’hui avec l’arrivée des anticoagulants oraux directs qui regroupent deux types de molécules différentes : les anticoagulants anti- IIa directs (ou antithrombine) et les anticoagulants anti- IIa directs. En se situant à la jonction des voies de coagulation intrinsèque et extrinsèque, les facteurs Xa et IIa sont en effet des cibles de choix pour obtenir une anticoagulation efÀ cace et prolongée (Fig. 1). Il faut d’emblée noter que les anticoagulants dont nous disposions auparavant (antivitamines K et héparines) modiÀ aient déjà l’activité de ces deux facteurs de coagulation mais cette action était non spéciÀ que et indirecte. Comme nous le verrons, la grande innovation des anticoagulants oraux directs est de pouvoir cibler directement et spéciÀ quement ces facteurs de coagulation. Les anticoagulants oraux directs s’annoncent donc comme l’une des grandes révolutions thérapeutiques [1-10]. Ils ont été récemment autorisés par les autorités réglementaires dans la prévention des événements thromboemboliques veineux postintervention chirurgicale, programmée pour prothèse totale de hanche ou de genou mais aussi dans la prévention de l’accident vasculaire cérébral et de l’embolie systémique dans la À brillation atriale non valvulaire [11]. Le développement des médicaments anti- Xa est plus particu- lièrement actif avec notamment trois principales molécules aujourd’hui disponibles ou en développement : rivaroxaban, apixaban et édoxaban. Outre les deux indications précédem- ment mentionnées, le rivaroxaban a également été autorisé par les Autorités de santé dans le traitement de la thrombose veineuse profonde et de l’embolie pulmonaire, ainsi que dans la prévention secondaire après SCA. Voie intrinsèque Rupture intégrité endothélium XII Agression cellules - Traumatisme Voie extrinsèque XIIa VIIa Facteur tissulaire VII IXa IX XI VIII VIIIa V Fibrinogène Complexe prothrombique Xa-Va-Ga2+ - Phospholipides Fibrine Thrombine (lIa) Voie commune Inhibition de la y-carboxylation (II-VII-IX-X) Antagonistes de la vitamine K Antithrombine : Héparines Inhibition directe anti-Xa Xabans (Rivaroxaban-Apixaban-Édoxaban) Inhibition directe thrombine – Gatrans (Dabigatran) – udin (Lepirudin, Bivalirudin) Thrombine (lI) X X Xa Va XIa Figure 1. Cascade de coagulation et cibles des anticoagulants oraux directs. Pharmacologie des anti- Xa et mécanismes d’action 81 Ces anticoagulants oraux directs ne sont pas dénués de particularités, et quelques notions sur leurs principales caractéristiques pharmacologiques seront probablement utiles à l’heure de la prescription. Mécanisme d’action plus ciblé La première grande nouveauté réside dans le mode d’action des anticoagulants oraux directs (Fig. 1). Alors que les anti- vitamines K bloquent la synthèse de l’ensemble des facteurs de coagulation de vitamines K dépendants (facteurs II, VII, IX et X), les anticoagulants oraux directs ont en commun de cibler spéciÀ quement et réversiblement un facteur de la coagulation [12]. Les facteurs ciblés sont cependant dif- férents entre les molécules : le dabigatran cible le facteur IIa (aussi appelé la thrombine) alors que le rivaroxaban, l’apixaban et l’édoxaban ciblent le facteur Xa. Cette différence de mode d’action, cumulée à une bonne biodisponibilité des anti- Xa, a une conséquence pharmacolo- gique importante. À la différence des antivitamines K, l’effet anticoagulant apparaît beaucoup plus rapidement et, à l’in- verse, disparaît plus rapidement à l’arrêt de ces traitements. On estime ainsi que l’effet anticoagulant apparaît environ 2 heures après la première prise pour ces nouvelles molécules. Par contre, l’effet anticoagulant commencerait à disparaître environ 12 heures après l’arrêt des traitements [12]. Il faut cependant être prudent avec ces chiffres souvent issus d’études menées chez des sujets sains mais qui ne correspondent pas forcément à ce qui est observé chez les patients qui recevront ces nouvelles molécules (Tableau 1). On peut juste retenir que la récupération spontanée d’un niveau de coagulation normal est plus rapide à l’arrêt de ces anticoagulants oraux directs que sous antivitamines K puisqu’il n’y a pas besoin d’attendre la synthèse de novo des facteurs de coagulation. Tableau 1 Principales caractéristiques pharmacologiques des anticoagulants oraux directs. Rivaroxaban [20] Apixaban [19] Édoxaban [21] Dabigatran [13] Antivitamine K Cible Anti- Xa Réversible Anti- Xa Réversible Anti- Xa Réversible Anti- IIa direct Réversible Indirect : inhibition synthèse des facteurs Vitamine K dépendants (II,VII,IX,X) Prodrogue Non Non Non Oui (étexilate) Non Schéma d’administration 1-2 fois/j 2 fois/j 1 fois/j 1-2 fois/j 1 fois/j Biodisponibilité 80 % 50 % > 50 % 6-7 % 100 % Temps au pic d’effet 2-4 h 1-3 h 1-2 h 0,5-2 h 4-5 j Demi- vie 5-11 h augmente avec l’âge (11-13 h) et l’insufÀ sance rénale 8 - 15 h augmente avec l’âge 5-11 h 12-17 h augmente avec l’insufÀ sance rénale (23-35 h) Acénocoumarol (9 h) Fluindione (31 h) Warfarine (36-42 h) Phenprocoumon (5,5 j) Voie d’élimination rénale 33 % sous forme inchangée et 33% sous forme de métabolites inactifs 25 % (sous forme inchangée) 35 % > 85 % (sous forme inchangé) Non métabolisme et élimination hépatique (CYP 1A2, 2C9, 2C19, 3A4) Interaction P- glycoprotéine Oui Oui Oui Oui Non Interaction Cytochrome Oui (3A4, 2J2) Oui (3A4-5) Oui (3A4-5) À préciser Oui Surveillance Non systématique Activité anti- Xa si nécessaire Non systématique Activité anti- Xa si nécessaire Non systématique Activité anti- Xa si nécessaire Non systématique Temps d’écarine ou temps de thrombine si nécessaire INR Antidote Non spéciÀ que CCP possible Non spéciÀ que CCP possible Non spéciÀ que CCP possible Non spéciÀ que Charbon activé si prise < 2 h Vitamine K PFC or CCP CCP : Concentré complexe prothrombinique, INR : International normalized ratio, PFC : Plasma frais congelé. 82 J.- S. Salem et al. être source d’interactions médicamenteuses. Les inhibiteurs de la P- glycoprotéine incluent certains anti arythmiques (quinidine, amiodarone), les inhibiteurs calciques de type non dihydropyridine (diltiazem, vérapamil), des antifon- giques (kétoconazole, itraconazole), des anti- VIH (ritonavir, saquinavir, nelÀ navir), des immunosuppresseurs (tacrolimus, cyclosporine). Il s’agit donc d’un point important à connaître car la co- administration d’anti -arythmique ou d’inhibiteurs calciques de type non dihydropyridine est un scénario pro- bable chez les patients sous anticoagulants. Les conséquences de la co administration de ces médicaments diffèrent selon les anticoagulants oraux directs. Le risque d’interaction est un peu plus important avec le dabigatran [13,19-21]. Le dabigatran est disponible sous la forme d’une pro- drogue (dabigatran étexilate) convertie en substance active dans l’organisme par des carboxylestérases. Ce processus semble être efÀ cace, rapide et assez peu variable entre les individus et ne devrait pas être à l’origine d’interactions particulières. Cependant, l’absorption intestinale du dabiga- tran étexilate dépend de la P- glycoprotéine. Les inhibiteurs de la P- glycoprotéine sont susceptibles d’augmenter les concentrations circulantes de dabigatran de 50 à 150 % [12]. Il est donc prudent d’éviter de les associer au uploads/Sante/ pharmacologie-des-anti-xa-et-m-canismes-d-action-2014-archives-of-cardiovascular-diseases-supplements.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/A7AHOvglSkovp9epGDTpIfFPmLsO1AllQlJTExxbbsIpXbrenG9pnQZ0ihNUvlcoIAFMVZpXVRkQ0GqLdrrMvOUC.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/rsGDCp0ku1iAQdY1BZPxzTnyybUULz1cNg0Hs4f4VszU9Bk4QsmuRyGhTedEfDMoyujob5CGQtP0ecbHPYa8pNOI.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/WJASEd0H6TeimXgxdiMQupumQIUn42JJLxuuMgmPXe57tlMprORHCfHXnsQp8rBGo8Yy4idDgXH8WgDYBzfOfeNN.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/NfxB2ylmFBAiINlX6xWMgLjncQlMKMKWT2uXe1hnONlRnLNFVhEnAqMoJ8fWJ3gzmdbdZuuDrWoWFhAbHkdlxoag.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/1xEqlf2CtfhF3gdaiIIFs4BHILcK6ygJfMrbWETs1UtBNHmI2gxJJjiCcn1ZYQWoQhVfdBdzSqr5yBTQJJLVqzqW.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/VVilrTnzyw5JqiO7YSEO14Gvqzi88JxJETT3CW2DE4hN23TOv5PxzztH8HpmnGfsDn1FN4EfZwTvad53PPo4tdXH.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/SxfJmpvwS6f0pMyYJpxRs0HjfKIeCAJgEokccDeUYTjF0lz5AJBPo9VJzHfMjf7OETNfBz1RkhlzJNDjGf1ot5Ht.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/PuYqh4IuurrjtFzlTysghx33Do5ewLvePHnkZW5Ohf1pfPMsPxJZ0KQA5j5xvuEGZhqgvI3ie9TcaMYaBOFfL75P.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/IGwwt17vvF3gmsp7pFjanvsQgD8eJrxda2qev2CP2zKOv8xVnp1eMtNdCenqMwkNC7MpOLs2VzzZtNaB2kqbhYFJ.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/DEmjpfA608de9vlU0zgbK0A225FqnZIAxADA9M7omXFNTbIPUAWWDShBFHsYsFxIWem6iM9Xc0Uh0cfsLZrHBHzz.png)
-
20
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 15, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
- Taille du fichier 0.2583MB