Béatrix PAILLOT Consacrée dans le célibat Communauté de l’Emmanuel Médecin géri

Béatrix PAILLOT Consacrée dans le célibat Communauté de l’Emmanuel Médecin gériatre Carrefour Parcours professionnels de santé Paray le Monial juillet 2004 PRENDRE SOIN : UNE VOCATION ET UNE MISSION En janvier 2004, une conférence de consensus était organisée à Paris par l’ANAES à la demande du gouvernement sur le thème de l’Accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches. Parmi les questions posées aux experts, il y en avait une particulièrement insolite, intitulée : « Peut-on soigner sans prendre soin ? ». Cette question est particulièrement étonnante : serait-il possible de soigner sans prendre soin ? Pourtant en écoutant les malades nous raconter telle ou telle anecdote les concernant, il n’est pas rare d’entendre parler de traitements ou d’actes de soins, effectués sans que le patient ait l’impression que l’on prenne soin de lui. - Telle annonce de diagnostic grave faite brutalement debout dans un couloir… - Tel geste invasif effectué sans préparation et sans ménagement… - Telle investigation réalisée sans que le patient n’en ait été prévenu… Et nous-mêmes, en tant que soignants, ne nous est-il pas déjà arrivé, dans telle ou telle situation, de faire au plus vite un geste technique sans vraiment prendre le temps de s’intéresser à la personne que nous soignons ? …parce que cette personne est de caractère difficile, parce que le soin à réaliser nous est particulièrement pénible, parce que l’analyse diagnostique n’est pas simple, parce que le temps est court, parce que l’on est dérangé dans notre démarche de soins, parce que c’est la fin de la journée et que l’on est fatigué, peut-être aussi parce que notre vie personnelle est difficile et que l’on en a assez de faire ce travail ou parce que l’on souffre d’un manque de reconnaissance dans notre métier… etc… Nous sommes conscients de nos limites et des situations complexes auxquelles nous sommes confrontés : tout ceci peut contribuer à ce qu’un patient, à certains moments, ne se sente plus vraiment sujet, mais seulement objet de soins. Il ne s’agit pas ici de se culpabiliser vainement de nos limites humaines ou de dénigrer la technique au profit d’un peu plus d’humanité. Mais il nous faut prendre conscience d’une tendance de plus en plus marquée de notre système de santé : celle de dissocier le soin technique du soin relationnel. Cette terminologie est apparue depuis une quinzaine d’années pour analyser la charge de travail des soignants paramédicaux : on parle d’un côté des soins techniques qui sont comptabilisés très précisément et on parle de l’autre côté des soins relationnels qui sont généralement très mal pris en compte dans l’activité des services. C’est ici, par excellence, la dissociation du quantitatif et du qualitatif, telle qu’elle a été introduite par la méthode scientifique dans les siècles passés : et aujourd’hui la notion de soin n’en est pas épargnée… Soigner fait appel tout autant au savoir faire qu’au savoir être. Mais la distinction qui s’exprime aujourd’hui se fait entre donner un soin qui renvoie au savoir faire et prendre soin qui renvoie d’avantage au savoir être, sans exclure pour autant le savoir-faire. Notre monde médical et scientifique a comme oublié les règles du savoir-être au profit du savoir- faire, si bien que toutes sortes de démarches qualité et de chartes tentent de remettre un peu d’humanité là où elle fait défaut. Mais ce n’est pas dans des règles extérieures à nous-mêmes que nous retrouverons le sens du savoir être, le sens du prendre soin, le sens de l’attention à l’autre… C’est dans une conversion intérieure, dans une prise de conscience intime et personnelle que nous pourrons faire le choix de placer le malade au centre de notre attention et de notre sollicitude. Et cela, dans une présence, une écoute et une disponibilité allant parfois fortement à l’encontre des manières de faire et d’être de notre entourage professionnel. Plan : 1- Que signifie prendre soin ? 2- Comment Dieu prend-t-il soin de nous ? 3- Prendre soin : une vocation et une mission I- QUE SIGNIFIE PRENDRE SOIN ? Définition du Petit Larousse illustré (2002) : Le mot « soigner » a 3 significations : 1- « Avoir soin de quelqu’un, de quelque chose, s’en occuper.» (= s’occuper de l’être dans sa globalité) 2- « Procurer les soins nécessaires à la guérison de quelqu’un » (= donner un traitement) 3- « Apporter de l’application à quelque chose » (= s’appliquer à ce que l’on fait) Prendre soin : « être attentif à, veiller à quelque chose » (rejoint surtout le sens n°1, mais sans exclure les sens n°2 et 3). Le prendre soin ajoute au verbe soigner une dimension de vigilance particulière et d’attention à l’autre. Bien souvent, lorsque l’on interroge des malades, ceux-ci ont le sentiment que l’on a pris soin d’eux lorsque l’on a fait attention à l’ensemble de leurs besoins, tant sur le plan physique que sur le plan de leur réalité intérieure. Ils considèrent que l’on a pris soin d’eux quand on a su réagir de manière adaptée à leurs symptômes pour les soulager, mais aussi quand on a su faire attention à l’ensemble de leur personne et quand on a su les considérer comme des sujets à part entière. Dans cette attente des malades, vis à vis de leurs soignants, il y a donc plus qu’une demande d’un savoir-faire, il y a une demande de savoir être. Je me suis interrogée sur cette formulation étrange du « prendre soin ». Vous ne trouvez pas qu’il y a quelque chose d’étonnant dans cette formulation « Prendre soin » ? C’est comme s’il s’agissait pour le soignant de recevoir un soin du malade lui-même ! Je m’explique. Quand on dit : « je donne un soin », on comprend bien que j’ai l’initiative de réaliser un soin, par exemple un pansement. Je fais quelque chose pour le malade. Je lui rend un service. Il est objet de soin. On est dans l’ordre du savoir faire. Mais quand on dit : « prendre soin », c’est comme si l’on se mettait en position de recevoir quelque chose, quelque chose qui est de l’ordre du soin. Prendre signifie accueillir, recevoir. Ce que je comprend, c’est que lorsque je prend soin de quelqu’un, je me mets en position de me mettre à son écoute pour recevoir de lui ce qu’il veut me donner ou me dire de manière verbale ou non verbale. Et ce que je vais recevoir de lui, sera comme un soin pour moi (même si ce qu’il dit est désagréable : car ce qu’il dit est un enseignement qui peut m’être très utile pour ma vie personnelle). Prenons un exemple : celui du jardinier qui prend soin de ses fleurs. Derrière ce mot du « prendre soin », on voit toute l’activité du jardinier qui retourne la terre, plante ses graines, arrose, vérifie l’ensoleillement, enlève les mauvaises herbes… Mais en même temps, on perçoit sa vigilance et son attention tant pour réagir aux besoins des fleurs, que pour s’émerveiller du résultat obtenu. Le jardinier reçoit de ses plantes des cadeaux et des enseignements. Il va voir une petite pousse sortir de terre et il va s’émerveiller de cette plante qui commence à apparaître. C’est un cadeau : le cadeau de la vie naissante, s’élevant vers le ciel. Il va en même temps prendre conscience de la fragilité de cette jeune pousse, et il va écarter le chien pour qu’il ne l’écrase pas. Il va protéger sa plantation des dangers. Et puis, la fleur va grandir et resplendir de toute sa beauté. Elle va embaumer le jardin et réjouir ce qui passeront la regarder. Et le jardinier, toujours vigilant et attentif, va s’émerveiller du résultat obtenu. C’est un merveilleux cadeau qu’il reçoit et qui réjouit son cœur de tous les efforts accomplis. Et en même temps, cette fleur dans toute sa beauté, reste fragile et nécessite d’être protégée. Et le jardinier reçoit un enseignement : c’est que la vulnérabilité, la fragilité de sa fleur lui révèle ses propres fragilités, ses propres limites, son besoin à lui aussi d’être soigné et protégé. Et puis, un jour, la plante va se faner et cet événement va l’aider à prendre conscience du caractère temporaire et provisoire de la vie sur cette terre.. « Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir » dit le livre de l’Ecclésiaste. Avec nos malades, c’est un peu la même chose. Nous leur donnons des soins, mais ils ont aussi l’initiative du soin vis à vis de nous. Lorsque nous prenons soin d’eux, nous nous mettons par notre attention à leur personne, en situation de recevoir ce qu’ils veulent bien nous donner d’eux en cadeaux ou en enseignements. Et le fait de pouvoir nous donner quelque chose va leur faire du bien et les aider à aller mieux, car nous leur donnons l’occasion d’être d’avantage eux- mêmes. Et cela est objet de réjouissance aussi bien pour le soigné que pour le soignant. Et je pense que ceci est vrai même quand uploads/Sante/ prendre-soin-vocation-mission-2004.pdf

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  • Publié le Oct 27, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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