Psychopathie et son évaluation V. Majois, X. Saloppé, Claire Ducro, T.H. Pham L
Psychopathie et son évaluation V. Majois, X. Saloppé, Claire Ducro, T.H. Pham L’article commence sur l’évaluation de la psychopathie qui prend de plus en plus sens à l’heure actuelle. L’utilité de ce diagnostic touche particulièrement le domaine de l’expertise, celui du traitement mais aussi l’évaluation du risque et la gestion de la récidive. L’article concerne principalement les adultes psychopathes. Dans un premier temps, il parcourt l’évolution du concept de psychopathie. Dans un deuxième temps, il décrit les instruments d’évaluation de la psychopathie et mentionne ses critères pertinents. Il aborde ensuite l’intérêt de la psychopathie dans le champ de la prédiction du risque de récidive et de l’expertise pénale. Il explicite les liens entre la psychopathie et les comportements violents auprès des populations délictueuses particulières. Enfin, il étudie les implications de la psychopathie dans le domaine des émotions, de la qualité de vie perçue et de son influence dans la prise en charge. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Psychopathie ; Évaluation ; Outils ; Risque ; Violence ; Expertise Plan ¶ Introduction 1 ¶ Outils structurés pour l’évaluation de la psychopathie 1 Évolution du concept de psychopathie 1 Évaluation structurée de la psychopathie 2 Évaluations de la psychopathie dérivées de la PCL-R 3 Comprehensive Assessment of Psychopathic Personality 4 Évaluation autorapportée de la psychopathie 5 ¶ Implication de l’évaluation de la psychopathie 6 Psychopathie et comportements violents 6 Psychopathie et prédiction du risque de récidive 7 Implication dans le domaine de l’expertise pénale 7 Implication de l’évaluation de la psychopathie dans les recherches relatives aux émotions 7 ¶ Conclusion 8 ■Introduction L’article porte sur l’évaluation de la psychopathie qui prend de plus en plus sens à l’heure actuelle. L’utilité de ce diagnostic touche particulièrement le domaine de l’expertise, celui du traitement mais aussi l’évaluation du risque et la gestion de la récidive, qui constituent des enjeux essentiels aujourd’hui [1]. L’article concerne principalement les adultes psychopathes. Dans un premier temps, nous parcourons l’évolution du concept de psychopathie, depuis sa conceptualisation ancienne à sa définition actuelle. Puis nous décrivons les instruments d’évaluation de la psychopathie et mentionnons ses critères pertinents. Nous abordons l’intérêt de la psychopathie dans le champ de la prédiction du risque de récidive et de l’expertise pénale et explicitons les liens entre la psychopathie et les comportements violents auprès des populations délictueuses particulières. Enfin, nous étudions les implications de la psychopathie dans le domaine des émotions et de la qualité de vie perçue. ■Outils structurés pour l’évaluation de la psychopathie Évolution du concept de psychopathie À l’origine, le concept de « psychopathie » signifiait la maladie mentale, dans son sens le plus large. Les influences anglo-saxonnes et germanophones ont recentré la psychopathie sur les troubles graves de la personnalité en rapport au fait que les facultés intellectuelles et le sens critique étaient globalement conservés. Dès lors, le sujet psychopathe était qualifié de « dégénéré », de « pervers constitutionnel » atteint de « folie morale », de « déséquilibre psychique » ne souffrant ni de psychose ni de déficience mentale significative, mais menant une vie non conforme aux normes sociétales [1]. En France, la psychiatrie employa le terme « déséquilibré » pour signifier le terme allemand « psychopathe » ou « antiso- cial ». En 1914, Birnbaum a évoqué le terme de « personnalité sociopathique », où le problème était généré par la société [2]. Ensuite, en 1934, Kurt Schneider a défini la « personnalité psychopathique » comme se caractérisant par des perturbations caractérielles, et des manifestations antisociales, témoignant de la recherche de son identité. Ces manifestations sont diverses et citées comme suit : instabilité, irritabilité, impulsivité, inadapta- bilité, criminalité polymorphe, abus de substances diverses, etc. Schneider évoque une conduite « sociopathe » : le sujet psycho- pathe manifestant ainsi dès son plus jeune âge son opposition ferme aux règles et normes de la société, et montrant une réelle irresponsabilité en mettant sa vie et celle des autres en perpétuel danger [1]. La « psychopathie » n’existe pas au sens strict au sein des classifications internationales [3]. Le Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM) [4-6] définit la « personnalité antisociale ». Cette dernière est définie comme suit : « trouble de la personnalité comportant une histoire de conduites antisocia- les chroniques et continues, avec violation des droits d’autrui, persistance à l’âge adulte d’un mode de conduite antisociale apparu avant l’âge de 15 ans, et incapacité à conserver une ¶ 37-320-A-45 1 Psychiatrie efficience professionnelle satisfaisante durant plusieurs années » [3]. Dans une conceptualisation assez proche, la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes 10e révision (CIM-10) [7] définit la « personnalité dyssociale ». Il est souvent évoqué, à tort, la personnalité antisociale et la personnalité dyssociale comme équivalent à la personnalité psychopathique. Le trouble de « personnalité antisociale » n’est pas le seul à être associé à la psychopathie. En effet, le trouble de « personnalité borderline » est souvent cité et ce, en raison de l’irresponsabilité, de l’instabilité affective, de la recherche d’identité, et de l’abus de substances qui s’avèrent être des caractéristiques communes aux troubles de la personnalité borderline et de la psychopathie. La définition opérationnelle de la psychopathie la plus validée à l’heure actuelle est sans nul doute l’échelle d’évalua- tion de la psychopathie de Hare (PCL-R) [8]. La psychopathie ainsi définie constitue un construit clinique défini par un pattern de caractéristiques interpersonnelles, affectives et comportementales comprenant l’égocentricité, la manipulation, l’insensibilité aux autres, l’irresponsabilité, l’instabilité relation- nelle, l’impulsivité, le manque d’empathie, d’anxiété, de remords ou de culpabilité et un pauvre contrôle comportemen- tal, qui se manifestent notamment par la mise en place de comportements antisociaux mais pas nécessairement criminels [8-10]. À l’aide de la PCL-R, la distinction entre personnalité antiso- ciale et personnalité psychopathique est plus claire. En effet, la psychopathie se distingue de la personnalité antisociale en raison de l’inclusion de critères diagnostiques plus centrés sur les caractéristiques interpersonnelles et affectives de la person- nalité. Les caractéristiques antisociales font partie du tableau, mais elles ne définiraient pas, à elles seules, le diagnostic de psychopathie. Nous parlons dans ce cas de diagnostics asymé- triques entre la personnalité et la psychopathie, où un sujet psychopathe aurait nécessairement une personnalité antisociale, alors que le sujet présentant une personnalité antisociale ne serait pas nécessairement psychopathe. En effet, la prévalence des deux diagnostics varie considérablement au sein des populations incarcérées : il y aurait entre 50 % et 80 % de personnalité antisociale, contre 5% à 10 % de personnalité psychopathique (PCL-R avec un point de coupure égal à 30) [8]. L’ensemble des outils d’évaluation de la psychopathie qui vont suivre ont notamment été influencés par les travaux de Cleckley (1964) [11] qui a décrit le prototype de psychopathie à partir de seize items clés. Ce dernier a défini ses critères ainsi que ses hypothèses étiologiques à partir de sa pratique clinique et de ses recherches théoriques (Tableau 1). Évaluation structurée de la psychopathie Échelle d’évaluation de la psychopathie de Hare [8] Description La PCL-R est constituée de 20 items répartis principalement en deux grands facteurs : le facteur 1, relatif aux caractéristiques interpersonnelles, affectives et narcissiques de la psychopathie, et le facteur 2, définissant les caractéristiques liées au style de vie impulsif/parasite et la tendance antisociale chronique. Dans la première version de son manuel, Hare (1991) a insisté sur la structure bifactorielle de la psychopathie. Cette structure demeure largement utilisée à l’heure actuelle. Depuis la seconde version du même manuel (2003), ces deux grands facteurs sont eux-mêmes scindés en quatre facettes. Le premier facteur comprend les facettes évoquant la relation interpersonnelle et la froideur émotionnelle du sujet psychopathe, le deuxième comprend les facettes style de vie impulsif, et comportement antisocial du psychopathe. Seuls deux items ne font partie d’aucun facteur et, par là-même, d’aucune facette alors qu’ils figurent parmi les 20 critères [1, 12]. Passation et cotation La passation de cette échelle doit obligatoirement être effectuée par un clinicien ou un chercheur, le plus souvent psychologue, ou psychiatre. Une formation de plusieurs jours est indispensable. Chaque item de la PCL-R est évalué sur une échelle à trois points selon que l’item s’applique ou non : • un score de 0 est octroyé au sujet pour qui l’item ne s’appli- que pas ; • un score de 1 est octroyé lorsque l’item s’applique au sujet dans une certaine mesure ; • et un score de 2 est octroyé au sujet pour qui l’item s’appli- que complètement. Au total, le sujet peut présenter un score minimal de zéro point, et un score maximal de quarante points. Les scores obtenus à cette échelle peuvent être, selon la littérature [12], soit considérés comme une catégorie ou soit comme un continuum. Hare (2003) ainsi que ses collègues ont proposé un point de coupure de 30/40 lorsqu’on aborde le score de psychopathie à la PCL-R comme une catégorie. Dans cette approche, le dia- gnostic de psychopathie peut clairement être posé pour un score de 30/40, a contrario, il peut être exclu pour un score uploads/Sante/ psychopathie-emc2011.pdf
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- Publié le Fev 20, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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