Editorial CLIVAGE/DISSOCIATION Jean-Nicolas Despland Médecine & Hygiène | « Psy
Editorial CLIVAGE/DISSOCIATION Jean-Nicolas Despland Médecine & Hygiène | « Psychothérapies » 2015/1 Vol. 35 | pages 1 à 3 ISSN 0251-737X DOI 10.3917/psys.151.0001 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-psychotherapies-2015-1-page-1.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Médecine & Hygiène. © Médecine & Hygiène. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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A la fin du XIXe siècle, on compte déjà de nombreuses écoles à côté de la thérapie par l’hypnose de Bernheim et Liébault, parmi lesquelles on peut relever le mouve- ment anglais associé à la question de l’influence de l’esprit sur le corps avec Daniel H. Tuke, la Science chrétienne aux Etats-Unis avec Mary Baker Eddy, les psychothérapies par la persuasion à l’origine des thérapies cognitives, avec Dubois à Berne, ou encore la psychanalyse freudienne. L’énumération des facteurs communs à toutes ces écoles donne déjà une idée assez précise de ce qu’est une psychothérapie. Il est ainsi admis que les troubles psychiatriques sont des phénomènes psychiques, que la relation thérapeutique est au cœur du processus, que celui-ci se fonde quasi exclusivement sur la pa- role, que la participation active du sujet est requise et que toute psychothérapie comporte une dimen- sion éthique sous la forme d’une exigence de vérité à l’égard de soi-même. La controverse porte déjà et explicitement sur la nature de la relation thérapeu- tique. La part prise par la suggestion, la persuasion ou le transfert et leur importance dans le processus, au-delà des querelles terminologiques, fait débat au XIXe siècle, comme maintenant. La question de l’efficacité des psychothérapies a aussi été traversée de mouvements contradictoires. Entre 1952, marquée par l’article de Eysenck qui re- mettait en question l’effet des psychothérapies (c’est surtout la psychanalyse qui était visée) et cet édito- rial de la prestigieuse revue Nature en 2012, « The- rapy deficit : Studies to enhance psychological treat- ments are scandalously under-supported », qui relève que les études dans ce domaine sont insuffisamment soutenues, passablement d’eau a coulé sous les points. Ainsi, le développement de la médecine basée sur la notion de preuve, qui aurait pu, comme cer- tains psychanalystes le craignaient, être son chant du cygne, a eu l’effet exactement contraire. En effet, développant et conduisant ce qui s’avère être la pre- mière méta-analyse de l’histoire de la médecine, Gene Glass montre en 1976 que les psychothéra- pies sont efficaces. Il met aussi en évidence qu’il n’y a pas de différence substantielle d’effet entre les écoles de psychothérapie, fondant ce que l’on dénomme actuellement le paradoxe de l’équivalence. Qui plus est, alors même que l’utilité clinique de certains médicaments est contestée, par exemple les antidépresseurs en raison de leur faible différence avec un placebo, des publications récentes mettent Jean-Nicolas Despland Clivage/dissociation © Médecine & Hygiène | Téléchargé le 22/07/2022 sur www.cairn.info via Université Paris - Cité (IP: 195.220.128.226) © Médecine & Hygiène | Téléchargé le 22/07/2022 sur www.cairn.info via Université Paris - Cité (IP: 195.220.128.226) Psychothérapies 2 modèle plus que sur leur créativité. Qui plus est, la recherche en psychothérapie nécessite de pouvoir étudier non seulement une technique, mais aussi la manière dont le thérapeute utilise cette tech- nique, sa variabilité dans la dispensation de ce qui est prescrit. Terminons sur une note plus réjouissante. Ces dernières décennies, le développement de la psycho- thérapie a aussi permis une ouverture et un élargis- sement des méthodes et des techniques. Il est pos- sible de traiter de manière spécifique et appropriée des patients souffrant de troubles psychiques graves, dans le champ de la psychose et des états de stress post-traumatiques par exemple. Les articles de Véro- nique Beretta et de ses collègues et de Valérie Skri- van illustrent de manière vivante et fine le rôle cru- cial du thérapeute et sa capacité à développer une attitude psychothérapique à la fois rigoureuse et vivante, à l’aune de la psychopathologie singulière des patients rencontrés, notamment lorsque leur capacité à secondariser est battue en brèche par le clivage ou un mécanisme de dissociation post-trau- matique. Cette même question de la symbolisation et du rôle dynamique que joue le psychothérapeute est développée par Dag Söderstöm dans son récit d’un processus psychothérapique marqué par un transfert psychotique, et par Jean-Marc Chauvin qui traite du processus d’introjection de la fonction rêvante de l’analyse. Le texte de Alexandre Berney et Selma Aybek résume les développement récents de la neuro- imagerie fonctionnelle dans le domaine des troubles dissociatifs. Enfin, Brigitte Leroy-Viémon et Jean- Michel Vives abordent une thématique originale, la question du tact en psychanalyse, qui souligne aussi l’importance de la présence du psychothéra- peute comme personne au cours du processus thé- rapeutique. Le texte de Alexandre Berney et Selma Aybek qui ponctue ce numéro résume les développements récents de la neuro-imagerie fonctionnelle dans le domaine des troubles dissociatifs. Freud avait-il rai- son ? Il est en tous les cas fascinant de constater que le développement de la neuro-imagerie fonction- nelle, loin d’asseoir un point de vue biologisant et réducteur, s’accompagne d’une plus grande facilité à penser le fonctionnement de l’être humain de manière multi-modale et non exclusive. en comparaison psychotropes et psychothérapies (Huhn et al., (2014) ou relèvent que ces dernières sont préférées par les patients (McHugh et al., 2013). Corrélativement, au vu du coût prohibitif du déve- loppement d’un médicament et de la difficulté à ou- vrir de nouvelles pistes de recherche, les pharmas désinvestissent de manière radicale l’étude de nou- velles molécules en psychiatrie. Faut-il, comme psychothérapeute, se réjouir de cette évolution ? Oui, si l’on considère que l’effica- cité des psychothérapies est bien établie et sans ex- clure l’utilité des médicaments. Non, si l’on prend en compte l’évolution récente de la politique de la recherche dans ce domaine. Deux constats fondent cette prise de position tranchée. En premier lieu, si l’efficacité des psychothérapies est prouvée, la com- préhension du processus thérapeutique reste très limi- tée. Le rôle de l’alliance thérapeutique est bien dé- montré, certes, mais elle ne peut être prescrite et doit être considérée comme un facteur à la fois dynamique et très spécifique. Par ailleurs, les qualités person- nelles du psychothérapeute, indépendamment de son âge, de sa profession, de son expérience et de son école, jouent un rôle crucial. Mais qu’est-ce qu’un bon thérapeute ? Et comment le choisit-on, pour au- tant qu’on puisse le choisir de manière éclairée ? En second lieu, alors même que le paradoxe de l’équivalence peine à être réfuté, on constate que l’exigence de certains systèmes de santé de ne recon- naître que les méthodes thérapeutiques dont l’effi- cacité est prouvée tend à réduire et rigidifier les pra- tiques de formation de manière alarmante. On peut le constater dans le domaine de la psychothérapie des troubles de la personnalité borderline, pour le- quel seuls quelques traitements sont reconnus aux Etats-Unis : la thérapie comportementale dialectique (DBT) de M. Linehan, la psychothérapie focalisée sur le transfert (TFP) de O. Kernberg et de son groupe, la thérapie basée sur la mentalisation (MBT) de A. Bateman et P. Fonagy, ainsi que la thérapie des schémas (SBT) de J. Young. Au vu de notre connaissance limitée du proces- sus psychothérapique, ce « branding1 » généralisé est contestable. Il risque de nous conduire à sélec- tionner les thérapeutes sur leur capacité à suivre un 1 Le branding est, dans le domaine du marketing, la disci- pline qui consiste à gérer les marques commerciales, et en particulier l’image de marque des entreprises qui exploitent les marques (Wikipedia). © Médecine & Hygiène | Téléchargé le 22/07/2022 sur www.cairn.info via Université Paris - Cité (IP: 195.220.128.226) © Médecine & Hygiène | Téléchargé le 22/07/2022 sur www.cairn.info via Université Paris - Cité (IP: 195.220.128.226) Editorial – Psychose et limites 3 Bernheim H. (1886) : De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique. Paris, Doin. Eysenk H. (1952) : The effect of psychotherapy : an evaluation. J. Consult. Psychol. 16 : 319-324. Glass G. (1976) : uploads/Sante/ psys-151-0001.pdf
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- Publié le Jan 01, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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