Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise Jean-Marc Stéphan Formation : mise

Abrégé de l’histoire de la médecine chinoise Jean-Marc Stéphan Formation : mise au point OBJECTIF Tradition inventée ou médecine intégrative ? De la naissance de l’acupuncture au cours des dynasties Xia, Shang et Zhou au 16 novembre 2010, date de l’inscription de l’acupuncture – moxibustion au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, un abrégé de l’histoire de la médecine vous propose de comprendre son évolution au cours des siècles. Connaître l’essentiel de l’histoire de la médecine chinoise, des civilisations pro- tohistoriques à nos jours. Introduction Il semble difficile d’isoler l’Acupuncture de la Médecine Chinoise dans son ensemble [1]. De même, on peut se poser la question de savoir si « Médecine Chinoise » cor- respond bien à la « Médecine Traditionnelle Chinoise » (MTC). Il est généralement admis que la MTC comporte cinq disciplines qui sont la diététique 营养学 (yingyangxue), l’acupuncture et moxibustion 针灸 (zhenjiu), les mas- sages 推拏 (tuina), la pharmacopée 制藥学 (shiyaoxue comprenant la phytothérapie chinoise à base de plan- tes, mais également l’utilisation des minéraux et des substances animales) et les exercices énergétiques 太極 拳 氣功 (taijiquan et qigong). Mais, en fait la MTC serait une « tradition inven- tée » [2,3]. Dès la fondation de la Chine commu- niste en 1949 par Mao Zedong, des « médecins aux pieds nus » furent formés sur le terrain pour offrir leurs soins autant à l’armée qu’à la population. Les formes traditionnelles de la médecine, y compris l’acupuncture, ont été utilisées, autant par fierté na- tionale que par simple aspect pratique. Cette méde- cine était peu coûteuse et fournissait ainsi les niveaux de base en soins de santé à une population massive. De fait, Mao Zedong affirme en octobre 1958 pour promouvoir la MTC : « La médecine chinoise est un grand trésor du patrimoine et tout doit être fait pour l’explorer et l’élever à un plus haut niveau de connaissance » [4]. Civilisations protohistoriques Ces civilisations sont représentées par trois dynasties : la dynastie Xia 夏 (2205-1766 AEC1), Shang 商 (1765- 1122 AEC) et Zhou 周 (1121-722 AEC) [5]. Les plus anciennes origines de la médecine chinoise sont liées au chamanisme ancestral chinois [6]. Les chamans avaient pour rôle de communiquer aux hommes la vo- lonté et la puissance des esprits. On faisait appel à leurs aptitudes pour rétablir la continuité de l’Ordre Cosmi- que. Un cauchemar réveillant un Prince, une douleur abdominale chronique ou une sécheresse étaient perçus comme autant de problèmes qui nécessitaient l’interven- tion du chaman. Durant cette période, il semble que la médecine est dominée par les charmes, les incantations, les amulettes. Des inscriptions d’ordre médical sont re- trouvées sur os gravés ou écaille de tortues [5]. Les premiers indices relevant de l’acupuncture se situent à la période de l’âge de pierre (durant la dynastie Shang. C’est Quan Yuan Qi de l’époque de la dynastie du Sud Liang (502 – 557 EC) qui proposa pour la première fois que la thérapeutique au poinçon de pierre (pierre 砭 Bian) était à l’origine de l’acupuncture à aiguille mé- tallique. Mais suite aux découvertes archéologiques de Mawangdui, il paraît que l’invention de la thérapeutique par acupuncture n’a pas de lien direct avec la thérapeu- tique au poinçon de pierre, instrument médical de la forme d’un couteau principalement utilisé plutôt pour ouvrir et faire suppurer les furoncles ou pour procéder aux saignées. Bref, la croyance selon laquelle la thérapeu- Acupuncture & Moxibustion 138 tique au poinçon de pierre était à l’origine de l’acupunc- ture à aiguille métallique peut être considérée comme erronée [7]. Des aiguilles de bambou, d’os, de terre cuite, ou même de piquants herbacés ont aussi été utilisées en- suite avant d’être supplantées par les aiguilles métalliques en bronze. Le Yijing (易經, également transcris Yi King ou Yi- King) ou «Classique des Changements ou des Muta- tions » date de la dynastie Zhou. Il s’agit d’un livre de divination dont les principes vont imprégner à la fois le Confucianisme, mais surtout le Taoïsme [8]. Époque des Printemps et des Automnes (722-481 AEC) À cette époque, la Chine est soumise à un régime féodal. Les rois de la dynastie des Zhou ne contrôlent directe- ment qu’un petit domaine royal, centré sur leur capitale (l’actuelle Luoyang). Partout ailleurs, le pouvoir est exer- cé par la noblesse, au travers de fiefs. On compte, au hui- tième siècle, plusieurs centaines de petits États vassaux des Zhou. La plus ancienne mention écrite concernant l’acupuncture date de 580 AEC, il s’agit des Annales des Printemps et des Automnes (春秋 Chunqiu), descrip- tion historique de l’État de Lu. Le Zuozhuan (左傳) se présente sous la forme d’un commentaire du Chunqiu et rend compte de l’état de la médecine à l’époque des An- nales des Printemps et des Automnes qui est encore mal séparée de la magie. La sphygmologie et l’acupuncture systématisée sont inconnues [7]. Époque des Royaumes Combattants (Ve-221 AEC) Si les croyances de base dans la cosmologie chamanique n’évoluent pas au cours des Royaumes Combattants, la perception de l’organisation du monde change. Les phénomènes naturels sont désormais perçus comme tous liés les uns aux autres dans une cosmologie cor- rélative. Tout événement est analysé et reporté dans des almanachs afin de comprendre les différents cycles. L’Univers semble en perpétuel mouvement. Dans ce contexte vont s’élaborer toutes les concepts théoriques et les fondements dialectiques du qi, du yin et du yang, des Cinq Phases ou Mouvements (wuxing), de la divi- nation issue du Yijing observant les mutations. Cette intense intellectualisation aboutit à une redéfinition de l’Univers qui offre une nouvelle perception de l’espace et du temps, des pratiques rituelles et même de la mé- decine. La médecine chinoise devient alors une « méde- cine scientifique » à part entière. C’est à cette époque que vécurent deux personna- ges, Laozi (auteur présumé du Daodejing 道德經) et Confucius (Kongfuzi 孔夫子) dont les pensées exer- cèrent une influence déterminante sur la philosophie chinoise et indirectement sur la médecine. Le Huangdi neijing (黄帝内經) ou Classique interne de l’empereur Jaune, considéré comme le plus ancien ouvrage de médecine chinoise aurait été publié au cours de cette époque, mais selon les dernières découvertes is- sues des manuscrits de Mawangdui 馬王堆 (168AEC), l’ouvrage sous la forme que l’on connaît serait bien plus tardif et remanié dès le IIème EC [8]. Dynastie Qin (-221 à -206 AEC) Cette dynastie a mis fin à des siècles de féodalité en jetant les bases administratives d’un État centralisé qui favorisa l’unité culturelle du territoire. Son fondateur, le Premier Empereur, Qin Shi Huangdi (秦始皇帝), connu pour son régime cruel, autoritaire et impopulai- re a été redécouvert en 1974 par l’intermédiaire de son monumental mausolée à Xi’an et de ses milliers de sol- dats en terre cuite. Il est parfois considéré comme le « père » de la Grande Muraille (figure 1) et fut à l’origine en 213 AEC d’un autodafé visant à la destruction de tous les ouvrages de l’empire, à l’exception des manuels d’agriculture et de divination. Néanmoins le Huangdi neijing fut sauvé du désastre [9]. Figure 1. La grande muraille de Chine à Badaling. 2011, 10 (2) Jean-Marc Stéphan 139 Dynastie des Han (206 AEC-220 EC) Cette période est prolifique aussi bien en classiques renommés qu’en médecins célèbres. Le Nanjing 難 經, encore appelé Classique des difficultés daterait du I ou IIème AEC (mais discuté [8]), les manuscrits de “Mawangdui” (168 AEC), le Shanghanlun 傷寒論 (Traité des atteintes du froid), le Shennong bencaojing 神农本草經 (L'herbier de Shennong) qui est le pre- mier traité de matière médicale (Ier AEC) sont quelques uns des ouvrages réputés. Le chirurgien Hua Tuo 華佗 (110-207EC) pratiqua des interventions chirurgicales abdominales avec anesthésie par les plantes (chanvre indien, datura). On lui attribue d’autre part l’unité de mesure variable permettant de localiser les points : le cun [9,10]. Zhang Zhongjing (158-219 EC), autre médecin célèbre qui rédigea le Shanghanlun a été sur- nommé l’Hippocrate chinois. Les Trois Royaumes, Dynastie Jin, dynasties du Nord et du Sud (220-581) Durant cette période, le Majing 脈經 « Classique des Pouls », écrit par Wang Shuhe 王叔和 au IIIème siècle et reconnu pour sa description des vingt-huit pouls pa- thologiques donne au diagnostic en acupuncture toute son originalité [11]. Le premier ouvrage de «simplification» de la médeci- ne chinoise, le Zhenjiu jiayijing (針灸甲乙經, L’ABC d’Acupuncture et de Moxibustion) fut écrit en 259 de notre ère par Huangfu Mi 皇甫謐 (215-282) sous la dynastie des Jin. Cet ouvrage rassemble toutes les théories traditionnelles dans le domaine médical, et donne le nom et le nombre de points de chaque mé- ridien selon leur localisation exacte ainsi que leurs in- dications [8]. Ge Hong 葛洪 (283–343 EC), alchimiste et médecin taoïste a laissé deux traités médicaux importants : les « Médications du Coffre d’Or » (Jinkui yaofang 金匱 藥方) et les « Prescriptions d’Urgence » (Zhou hou bei jifang 肘後備急方) qui donnent des conseils de méde- cine préventive pour prolonger la vie et éviter les ma- ladies [12]. Il est aussi l’auteur du célèbre Baopuzi (抱 朴子), traité sur l’alchimie, la diététique et certaines pratiques médicales uploads/Sante/ abrege-de-l-x27-histoire-de-la-medecine-chinoise-meridiens.pdf

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  • Publié le Mai 13, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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