■ 35-320-A-10 Radiopharmaceutiques à visée thérapeutique : indications, précaut

■ 35-320-A-10 Radiopharmaceutiques à visée thérapeutique : indications, précautions d’emploi et principaux résultats F. Kraeber-Bodere, E. Garin, J.-P. Vuillez La radiothérapie dite métabolique, renommée récemment radiothérapie interne vectorisée ou moléculaire, consiste à irradier des cibles tumorales de petite taille et disséminées dans l’organisme au moyen de médicaments radioactifs. Elle s’impose de plus en plus comme une modalité thérapeutique nouvelle en cancérologie, forte d’arguments théoriques, expérimentaux mais également de résultats cliniques tangibles, ayant conduit à la mise sur le marché de plusieurs spécialités. L’iode 131 est utilisé depuis plus de 50 ans dans le traitement des hyperthyroïdies et du cancer différencié de la thyroïde avec une efficacité établie et une toxicité très limitée ; le suivi prolongé des patients atteints de cancer a permis d’adapter les indications et les modalités du traitement. Les développements cliniques récents, qui concernent avant tout les anticorps et les analogues de la somatostatine, mais aussi les agents à visée osseuse, sont d’ores et déjà probants. Les travaux en cours et les résultats récemment publiés dans ce domaine montrent claire- ment que beaucoup de pistes et d’ouvertures sont à explorer, qui concernent les mécanismes d’action, la relation entre activité injectée et efficacité à travers des approches dosimétriques adaptées, la mise au point de radiopharmaceutiques plus performants, la définition de cibles thérapeutiques nouvelles et une meilleure sélection des indications. La radiothérapie interne des tumeurs hépatiques est actuellement en plein essor avec l’utilisation des microsphères marquées à l’yttrium 90. La revue de ces différentes voies de recherche, dans le cadre d’une réflexion résolument multidisciplinaire, conduit à penser que la radiothérapie interne devrait se développer considérablement dans les années à venir. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Radiothérapie interne ; Radiothérapie vectorisée ; Radiothérapie moléculaire ; Bas débit de dose ; Thérapeutiques ciblées Plan ■Généralités : principe, intérêt 1 ■Indications 2 ■Principaux résultats 2 Iode 131 et pathologies thyroïdiennes 2 Méta-iodo-benzyl-guanidine (mIBG) 3 Traitement des métastases osseuses 4 Peptides marqués 4 Radioimmunothérapie (RIT) 5 Radioembolisation 7 ■Précautions d’emploi 10 ■Conclusion 11 ■ Généralités : principe, intérêt La radiothérapie interne consiste à irradier des cibles tumorales de petite taille disséminées dans l’organisme, au moyen de médi- caments radioactifs (médicaments radiopharmaceutiques [MRP]) le plus souvent injectés par voie intraveineuse (mais pouvant être administrés par voie cavitaire ou par voie intra-artérielle), marqués par des radionucléides émetteurs de rayonnement particulaires et dont les propriétés biologiques conduisent à un ciblage sélectif des cellules tumorales. Le terme de radiothérapie interne doit être préféré à celui de radiothérapie métabolique. En effet, si la pre- mière application, à savoir le traitement des cancers différenciés de la thyroïde, exploite le métabolisme de l’iode pour accumuler de l’iode 131 (131I) dans les cellules tumorales, la biodistribution des divers MRP maintenant utilisés en thérapie n’est pas tou- jours liée à un processus métabolique. On peut même parler de EMC - Radiologie et imagerie médicale - principes et technique - radioprotection 1 Volume 8 > n◦1 > avril 2013 http://dx.doi.org/10.1016/S1879-8497(13)60169-7 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/11/2015 par SCD Paris Descartes (292681) 35-320-A-10 ■Radiopharmaceutiques à visée thérapeutique : indications, précautions d’emploi et principaux résultats radiothérapie interne vectorisée (RIV), pour rappeler la nécessité d’une molécule vectrice et éviter la confusion avec certaines tech- niques de curiethérapie interstitielle qui laissent les sources en place (cas de l’utilisation de grains d’iode 125 dans les cancers de la prostate), voire comme le proposent certains, de radiothérapie moléculaire. ■ Indications Le traitement du cancer différencié de la thyroïde fût, histori- quement, le premier succès de la radiothérapie moléculaire et il y contribue encore de nos jours [1, 2]. Il représente environ 90 % des traitements réalisés dans les services de médecine nucléaire en Europe selon une étude réalisée en 2006 par l’association européenne de médecine nucléaire (EANM). Les 10 % restants consistent en des thérapies associant des radionucléides émet- teurs −(131I, yttrium 90 [90Y], lutétium 177 [177Lu]) et des vecteurs biologiques tels que les anticorps ou les peptides. Actuellement, ces nouveaux traitements permettent de traiter avec un certain succès des cancers tels que les lymphomes non hodgkiniens [3, 4] et certaines tumeurs neuroendocrines (TNE) [5, 6]. Certains carci- nomes hépatocellulaires (CHC) ou métastases hépatiques ont été traités efficacement par radioembolisation de l’artère hépatique suivant plusieurs techniques : soit avec du lipiodol marqué à l’131I ou au rhénium 188 (188Re) [7], soit avec des microsphères marquées avec de l’90Y [8]. Dans le traitement palliatif des métastases osseuses douloureuses, plusieurs radiopharmaceutiques permettent de sou- lager efficacement les patients [9, 10], incluant des radioéléments émetteurs de particules alpha [11]. Par ailleurs, l’alphathérapie ouvre des perspectives particulièrement intéressantes dans les tumeurs disséminées [12–14]. Le Tableau 1 présente les principaux radioéléments utilisés en RIV. Les indications de la RIV sont à envisager selon deux points de vue complémentaires : • d’une part, le type de tumeur : les tumeurs radiosensibles sont les meilleures candidates, mais les particularités de la RIV font qu’elle est sans doute moins tributaire de l’évolutivité tumorale que la radiothérapie externe ; • d’autre part, le stade évolutif. Clairement, la RIV n’a pas de sens dans les stades localisés et ne saurait s’adresser, comme la chi- miothérapie, qu’aux stades disséminés, métastatiques : il s’agit d’un traitement systémique (exception faite pour les injec- tions par voie locale, intrapéritonéales en particulier, mais qui concernent néanmoins des maladies diffuses). Dans le même temps, il est illusoire, comme l’ont montré nombre d’études, de traiter des tumeurs volumineuses, en pratique (hors le cas particulier des lymphomes) de plus de 1 cm de diamètre. En effet, la mauvaise vascularisation, et plus encore la mauvaise perfusion des tumeurs, à quoi s’ajoutent des freins à la dif- fusion et la convection des molécules (pression interstitielle élevée liée à la fuite protéique non compensée par le drai- nage lymphatique, hyperperméabilité capillaire) font que les radiopharmaceutiques ne ciblent que partiellement les cellules tumorales et que le traitement est inefficace. Ceci est toute- fois à nuancer en raison des effets bystander, mais il existe un consensus pour dire que les tumeurs de gros volumes ne sont pas une bonne indication. En revanche, les lésions de petite taille (millimétriques), voire les lésions microscopiques, sont d’excellentes cibles. C’est pourquoi la RIV se positionne de plus en plus comme traitement de la maladie résiduelle, c’est-à-dire en consolidation voire en adjuvant, selon un raisonnement similaire à l’utilisation de la chimiothérapie. Il est maintenant bien admis que les bonnes cibles pour la radio- thérapie interne sont les petites lésions, inférieures à 5 mm, du fait de l’hétérogénéité de fixation à l’échelle cellulaire et tissulaire, et des problèmes d’accessibilité. Nous avons déjà mentionné que la maladie résiduelle est la bonne indication générique de la radio- thérapie interne et que la meilleure indication serait l’utilisation adjuvante de la RIV comme méthode de consolidation. Des études préliminaires dans le cancer colique notamment vont clairement dans ce sens [15], comme du reste dans le traitement intra-artériel des CHC [16–18]. ■ Principaux résultats Iode 131 et pathologies thyroïdiennes Cancers différenciés de la thyroïde Le traitement des cancers différenciés de la thyroïde [19] consti- tue le fondement historique de la RIV. Il s’agit d’une application incontestée de la médecine nucléaire dont l’intérêt pour la survie, y compris à la phase métastatique, est bien établi et pour laquelle ont été publiés plusieurs consensus dont l’un européen [20]. La première application thérapeutique majeure de la RIV a en effet été l’utilisation de l’131I pour le traitement des patholo- gies thyroïdiennes, en particulier des cancers différenciés de la thyroïde. Les sociétés savantes recommandent son utilisation en traitement ablatif au décours de la thyroïdectomie pour la des- truction des reliquats thyroïdiens pour l’ensemble des cancers différenciés de la thyroïde, à l’exception des tumeurs de moins de 1 cm bien localisées [21]. Le traitement ablatif à l’131I permet en effet : • de détruire les reliquats tumoraux très avides d’iode et de réduire le risque de récidive [22] ; • de réaliser une scintigraphie du corps entier au décours du traitement par l’131I permettant de fac ¸on efficace le diag- nostic d’éventuelles localisations tumorales extrathyroïdie- nnes ; • de faciliter après la destruction des reliquats thyroïdiens la surveillance ultérieure en sensibilisant le dosage sérique de la thyroglobuline qui constitue un marqueur tumoral majeur en cancérologie thyroïdienne. Tableau 1. Principaux radioéléments utilisés pour la radiothérapie moléculaire. Période physique Émission thérapeutique Énergie moyenne par désintégration (MeV) Énergie de l’émission X ou gamma (keV) Parcours maximal dans les tissus mous (mm) Iode 131 8,04 j  0,192 364 0,4 Lutétium 177 6,65 j  0,148 139, 208 0,28 Strontium 89 50,5 j  0,585 – 2,03 Samarium 15 1,94 j  0,270 103 0,53 Yttrium 90 2,67 j  0,933 – 2,24 Cuivre 67 2,58 j  0,150 185 0,30 Rhénium 186 3,72 j  0,336 137 0,92 Rhénium 188 17 h  0,779 155 2,43 Radium 223 11,4 j  5,77 – 0,058 Astate 211 7,21 h  2,50 – 0,06 2 EMC - Radiologie et imagerie médicale - principes et technique - radioprotection © 2015 Elsevier Masson uploads/Sante/ radiopharmaceutiques-therapeutiques.pdf

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  • Publié le Oct 26, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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