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Opposées par défini- tion, ces deux formes d’approche présentent pourtant certains points de convergence, no- tamment dans les considérations qui ont guidé leur genèse : assurer la dignité de la personne mourante en œuvrant pour qu’elle puisse mourir avec et dans la dignité ^3_, lutter contre la douleur et la souffrance engendrées dans bien des cas par les situations de fin de vie, refuser « l’acharnement thérapeutique », re- penser les limites et la pertinence de la méde- cine curative ^1G%9G%<_. Ce qui réunit ces deux tendances se présente comme une conver- gence par défaut, basée principalement sur une forte opposition à l’instrumentalisation et aux dérives du monde médical. C’est aussi une volonté de réfuter l’arbitraire, en ne lais- sant rien au hasard. Mais là s’arrête la com- paraison ; dans leurs modalités et leurs finali- tés, il n’y a que divergences. !# Soins palliatifs et culture médicale D"$E%("'-*'>". En Suisse, le développement d’associations pour le droit à l’autodétermination en fin de vie participe d’un mouvement social spontané, constituant une expression autorégulée émanant d’une portion subs- tantielle de la population en quête d’une reconnais- sance juridique et politique pour ce qui dépend avant tout d’un choix personnel$. Les controverses actuelles sur l’euthanasie, ses implications pénales et juri- diques et le débat public et politique qui en découle soulèvent une double question : premièrement, dans quelles conditions cette pratique peut-elle et/ou doit- elle avoir lieu ? Deuxièmement, où doit-elle se dé- rouler ? % La perspective de l’autodétermination trans- forme la mort en une question de droit individuel. Réduite à un choix singulier, celle-ci relève ainsi d’un repliement dans l’intime ; devenue menace, elle se transforme en problème à résoudre, qui doit être décidé et anticipé. Au sein de ces mouvements, l’in- timisation de la mort se traduit par une autonomi- sation de l’intime. Les soins palliatifs sont de fait la seule réponse éclai- rée et argumentée aux problèmes de douleurs et de souffrances générées par le vieillissement et le far- deau contemporain de la fin de vie. Et pour cause. Ils relient la mort à un imaginaire rattaché à l’idéo- logie du progrès médical et du contrôle technique, valorisant ainsi une culture de l’anticipation. Dans la pratique, la réponse à la douleur et à la souffrance mobilise stratégies d’actions et engagement des pro- fessionnels. En ce sens, les soins palliatifs, depuis leur apparition, s’accompagnent d’une réforme de l’orga- nisation institutionnelle, ouvertement pluriprofes- sionnelle. Ils visent à assurer une clinique qui puisse englober les traitements médicaux, les soins de sup- port, l’accompagnement soignant, le soutien psycho- logique, social et spirituel dans le but d’améliorer la qualité de vie des personnes gravement malades et de soutenir leurs proches ^5_. Dans leur démarche, ils ne diffèrent guère de l’approche curative, en ce qu’ils visent, à l’instar de celle-ci, à l’élaboration d’une culture professionnelle partagée, à caractère trans- versal et interdisciplinaire, ainsi qu’au renforcement et au renouvellement des compétences au sein de chaque profession. Les soins palliatifs reposent ainsi sur des fondements scientifiques, sur une culture de la relation et sur une expertise clinique, tant du point de vue de leur statut professionnel que de leur organisation insti- tutionnelle. Si la rigueur scientifique, le contrôle technique et les stratégies de communication sont les paramètres indispensables à toute activité pal- liative, ils constituent en même temps le support visible de ce que notre société mobilise pour faire face à la mort. Consacrés par les pouvoirs publics, les soins palliatifs s’insèrent aujourd’hui dans une stratégie qui vise à en assurer l’accès dans un souci d’équité et de justice sociale ; en les intégrant dans les nouvelles orientations des politiques fédérales et cantonales de la santé, les exécutifs donnent une réponse claire, planifiée et pondérée aux craintes générées par la mort. Une telle réponse est appelée à coordonner de mul- tiples registres : les droits et les choix du malade et de sa famille, la rigueur des méthodologies et du lan- gage scientifiques, les aspects cliniques et thérapeu- tiques, les dimensions relationnelles et communi- cationnelles, les contraintes exercées par l’économie de marché sur les politiques de santé. Face à la cer- titude biologique, à l’inéluctable phénomène natu- rel qu’est la mort, les soins palliatifs se distinguent radicalement du suicide assisté non seulement par les valeurs qu’ils véhiculent, mais aussi par le souci de professionnalisation qui les anime. Cette revendication d’expertise professionnelle s’at- tache aux aspects biologiques, psychologiques et relationnels du malade, valorisant une vision singu- lière et subjective de la finitude, qui appréhende le processus du mourir comme un accomplissement individuel. Réduite à ses prémisses temporelles que sont la dégradation biologique et à la perte d’auto- nomie de l’individu, la mort est définie par défaut comme un événement précédé par une série de pro- blèmes à régler. Leur résolution ne peut qu’être pro- fessionnelle. C’est pourquoi, au sein des soins pal- liatifs, l’intimisation et la professionnalisation de la mort vont de pair ^`G%:_. Cette approche du patient comme « sujet » se traduit par l’attention grandissante portée au soulagement de sa douleur et de sa souffrance, à la valorisation de sa « qualité de vie » et de sa dignité. Là est le cœur du problème : comment penser, au-delà d’une logique $& '(&)*+,,-&./01(2-3&'4563&0/*7-0-(8&1,,/9+18+:&;*+&.-<./*=-& =>*,&2-&;*+(?-&0+>>-&0-0@.-,3&9.+,81>>+,-&>A188-(8+/(&=/>+8+;*-& -8&0B2+18+;*-&-8&,-&=./:+>-&9/00-&>-&=/.8-C=1./>-&2A*(-&0/*C 71(9-&2-&>1&,/9+B8B&9+7+>-D&E/*.81(83&,+&9-&0/*7-0-(8&.-=/,-& ,*.&>AB>1(&=/=*>1+.-&F&=B8+8+/(,&-8&.B:B.-(2*0,&G&>1&9>B&C&>1& .-7-(2+918+/(&2*&2./+8&G&>A1*8/2B8-.0+(18+/(&2*&,*H-8&(-&=-*8& =1,&-8&(-&2/+8&=1,&:1+.-&>AB9/(/0+-&2A*(-&71>+218+/(&=./:-,C ,+/((->>-3&0B2+91>-&-8&2-&,1(8B&=*@>+;*-D& %& I1(,&>-&91(8/(&2-&J1*23&>1&K/(218+/(&2-&L+7-CM-*7-3&:+2N>-& 1*O&=.B9-=8-,&=1>>+18+:,3&,A-,8&:/.0->>-0-(8&/==/,B-&1*&,*+C 9+2-&1,,+,8B&1>/.,&;*-&>-&PQRJ&1&/*7-.8&,-,&=/.8-,3&1=.N,&*(-& -O=-.8+,-&H*.+2+;*-3&G&>A1,,/9+18+/(&'456&2-=*+,&2B9-0@.-& %SST3&,/*,&2-,&9/(2+8+/(,&8.N,&,8.+98-,D&'(&%SSU3&>-&0B2-C 9+(&9V-:&2*&,-.7+9-&2-&,/+(,&=1>>+18+:,&2-&>AVW=+81>&*(+7-.,+81+.-& ,A-,8&-O=.+0B&21(,&>1&=.-,,-&-(&B7/;*1(8&>A+(9/0=18+@+>+8B& 2-,&2-*O&2B01.9V-,D&'(&01.,&%S$S&21(,&>-&91(8/(&2-&J1*2& *(-&7/818+/(&=/=*>1+.-&8.1(9V-.1&,*.&>1&=/,,+@+>+8B&2A/::.+.&9-& .-9/*.,&1*&,-+(&2-,&B81@>+,,-0-(8,&0B2+9/C,/9+1*OD !X =$,($)"%/*,,&*(&#"% 8%/+$)%*'(&>&/")%"(%*>>$"&,,&)%,*%I+)( symptomatologique, les liens entre douleur et qua- lité de vie ? Ou encore entre souffrance et dignité ? Ce qui peut aussi se traduire par les questionnements suivants : la gestion de la douleur permet-elle une amélioration de la qualité de vie ? La souffrance du malade nous parle-t-elle de sa dignité ? Pour esquisser des ébauches de réponses à l’évidence fort complexes, il convient avant tout – et c’est ce à quoi va tendre cet article – d’en explorer les pré- misses. Pour ce faire, l’on s’attachera à interroger des notions médicales susceptibles de nous éclairer aussi bien sur le mode de penser propre à la médecine que sur les conséquences pratiques qu’il entraîne!. En effet, deux notions de l’approche palliative, le pro- nostic et l’accompagnement, révèlent, par leur sens intrinsèque, comme par la portée pratique de leurs implications, deux dimensions-clé des soins pallia- tifs. L’option choisie repose sur un double constat. D’une part le pronostic marque le commencement de l’action palliative et fonde sa légitimité. D’autre part, l’accompagnement, s’impose comme une évi- dence face aux difficultés que de plus en plus de patients éprouvent face à leur maladie ; il renvoie médecins et soignants à la nécessité de passer d’une médecine centrée sur la maladie à une médecine de soutien et d’accompagnement centrée sur le ma- lade ^a_. L’un et l’autre offrent ainsi un biais pour mettre en lumière les conditions qui permettent le passage de la réflexion à la pratique médical, en nous parlant de la manière à travers laquelle, par les soins palliatifs, la médecine anticipe et accueille la mort. 8-"%').$*/*(&%'#)'0-%$' ,' #&'(%-.-3$*/ La démarche curative et l’approche palliative consti- tuent deux paradigmes de la science médicale qui d’emblée peuvent apparaître divergents, voire anti- nomiques, puisque l’un consiste à atteindre la guéri- son ou du moins à assurer la meilleure forme possible de bien-être tandis que l’autre s’attache à soulager et accompagner la personne en fin de vie, selon, dans ce dernier cas, une temporalité très variable, allant de quelques heures à plusieurs années. Entre ces deux modalités il n’y a souvent pas de frontière à propre- ment parler, mais une zone mouvante, caractérisée par une pluralité de définitions et d’articulations ^5_. Cette variabilité comporte des enjeux éthiques im- portants tant au plan médical que du point de vue du malade et de ses proches. En effet, dans le contexte d’incertitude qui caractérise la fin de vie, le passage de traitements curatifs à des soins palliatifs repose sur une décision qui mobilise tous les protagonistes à travers une évaluation professionnelle qui se redé- finit constamment en fonction de situations singu- lières, qu’elles se rapportent aux patients et à leur famille ou aux équipes et aux professionnels avec qui elles collaborent. Cette évaluation nous parle à la fois d’un état et d’une perspective, en reliant diag- nostic et pronostic. Dans le système médical occidental, ces deux instru- ments de première importance que sont le diagnos- tic et le pronostic, confèrent au uploads/Sante/ rossi-culture-palliative-anticiper-et-accueillir-la-mort.pdf

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  • Publié le Jul 29, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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