Tétracyclines F. Lucht Les tétracyclines, malgré leur « grand âge », glycylcycl
Tétracyclines F. Lucht Les tétracyclines, malgré leur « grand âge », glycylcyclines exceptées, restent des antibiotiques très utiles, dans leur deuxième génération constituée de la minocycline et de la doxycycline, pour le traitement de nombreuses infections sexuellement transmissibles (IST), la maladie de Lyme au stade d’érythème chronique migrant, la leptospirose, les infections à germes intracellulaires telles que la fièvre Q, la fièvre boutonneuse méditerranéenne, les bartonelloses et ehrlichioses, la brucellose, les infections à mycoplasmes, la prévention du paludisme à Plasmodium falciparum. Les glycylcyclines, nouvelles tétracyclines semi-synthétiques, dites « tétracyclines de troisième génération », avec essentiellement la tigécycline, relancent l’intérêt de l’utilisation de cette famille dans le traitement d’infections sévères et/ou à bactéries multirésistantes. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Antibiotiques ; Tétracyclines ; Minocycline ; Doxycycline ; Glycylcyclines ; Pharmacocinétique ; Indications cliniques ; Tolérance Plan ¶ Introduction 1 ¶ Différentes cyclines 1 Cyclines naturelles 1 Tétracyclines semi-synthétiques 2 Glycylcyclines 2 ¶ Structure chimique, mécanismes d’action et de résistance 2 Structure chimique 2 Mécanismes d’action 2 Mécanismes de résistance 2 ¶ Spectre d’activité 2 Cocci à Gram positif 2 Cocci à Gram négatif 3 Bactéries à Gram négatif 3 Anaérobies 3 Autres micro-organismes 4 ¶ Étude pharmacocinétique et pharmacodynamique 4 Absorption 4 Diffusion tissulaire 4 Métabolisme et élimination 4 ¶ Indications thérapeutiques 5 Tétracyclines semi-synthétiques (minocycline, doxycycline) 5 Tigécycline 7 ¶ Tolérance, interactions médicamenteuses, contre-indications et précautions d’emploi 8 Tolérance 8 Interactions médicamenteuses 8 Contre-indications et précautions d’emploi 9 ¶ Mode d’administration, posologie 9 Tétracyclines semi-synthétiques 9 Tigécycline 9 ¶ Conclusion 9 ■Introduction Les tétracyclines faisaient figure, jusqu’il y a peu, de « vieux antibiotiques » et ce, d’autant que leur utilisation intensive, aussi bien en clinique humaine que dans l’alimentation ani- male, depuis leur découverte en 1948, a permis l’émergence, décrite dès 1953 chez Shigella dysenteriae, de nombreuses bactéries mutantes résistantes [1]. Cette opinion doit être désormais corrigée, sur plusieurs arguments. Les tétracyclines, à fort pouvoir de pénétration tissulaire et intracellulaire, conservent une excellente activité contre des germes habituellement responsables d’IST, contre la maladie de Lyme au stade d’érythème chronique migrans, la leptospirose, les infections à germes intracellulaires telles que la fièvre Q, la fièvre boutonneuse méditerranéenne, la maladie de Whipple, les infections à mycoplasmes, les bartonelloses et les ehrlichioses humaines. La prévention du paludisme à Plasmodium falciparum ainsi que le traitement des formes résistantes constitue une large indication de la doxycycline. Enfin, cette famille d’antibiotiques s’est enrichie en 2005 de la tigécycline (Tigacyl®), glycylcycline obtenue par une nouvelle substitution en 9 sur le cycle D de la minocycline. Cette molécule est potentiellement active sur des souches bactérien- nes d’entérocoques résistant à la vancomycine, de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SAMR) et de bacilles à Gram négatif multirésistantes aux antibiotiques (Acinetobacter, Enterobacter...). ■Différentes cyclines Cyclines naturelles Les cyclines naturelles ont été obtenues par Duggar [2], alors qu’il travaillait sur des échantillons de champignons du genre ¶ 8-004-E-10 1 Maladies infectieuses Actinomycetes : Streptomyces aureofaciens. Ce fut l’auréomycine puis l’oxytétracycline en 1950, la tétracycline en 1953, la déméthyl- chlortétracycline en 1957 et la métacycline en 1965. Ces produits à biodisponibilité médiocre et à courte demi-vie ont rapidement été remplacés par les tétracyclines semi-synthétiques. Tétracyclines semi-synthétiques La rolitétracycline et la lymécycline apparaissent au début des années 1960, suivies de la déméclocycline et de l’oxytétracy- cline, et l’apparition de la doxycycline en 1967 et de la mino- cycline en 1972. Ces molécules ont une meilleure activité antimicrobienne, une meilleure biodisponibilité et une moindre toxicité que les premières molécules [3]. Toutes ces molécules ont en commun un noyau à quatre cycles hexagonaux, les différences se faisant au niveau des radicaux (Fig. 1). Glycylcyclines Les glycylcyclines, troisième génération de cyclines, et deuxième génération de cyclines semi-synthétiques, sont obtenues par substitution en position 9 du noyau D, d’un nouveau groupe, le N-diméthylglycylamide (DMG) de la mino- cycline pour la DMG-minocycline ou tigécycline [4]. ■Structure chimique, mécanismes d’action et de résistance Structure chimique Les tétracyclines comportent une structure commune qui est un noyau avec quatre cycles hexagonaux. C’est le retrait du groupement hydroxyle de la position 6 alpha sur le cycle C qui a permis l’obtention de la doxycycline. Les tétracyclines se présentent sous forme de poudre cristal- line de couleur jaune, sensible à la lumière, mais stable à l’état sec à 25 °C pendant plusieurs années. Leur forte liposolubilité explique leur excellente pénétration tissulaire [3-5]. Mécanismes d’action Les tétracyclines inhibent la synthèse protéique bactérienne en se liant au site A de haute affinité, de la sous-unité riboso- male 30S [6, 7], bloquant ainsi l’entrée de l’acide aminé apporté par l’acide ribonucléique (ARN) de transfert, dans la chaîne d’élongation peptidique. Mécanismes de résistance Les mécanismes de résistance aux tétracyclines sont essentiel- lement de deux types (l’inactivation enzymatique des tétracycli- nes étant exceptionnelle) : • un système d’efflux, énergie-dépendant, des tétracyclines en dehors de la bactérie [8] ; • une protection du ribosome par une protéine soluble [9]. Ces mécanismes sont codés par de très nombreux gènes – tet(M), tet(O), tet(K), tet(L)... – situés, soit sur des plasmides, soit sur des transposons [10]. La tigécycline échappe à ces mécanismes grâce au gros composant situé en position 9 du cycle D [11]. La résistance croisée entre la tigécycline et la minocycline pour les Enterobac- teriaceae est due aux pompes d’efflux multidrogues codées par des gènes chromosomiques. Il n’y a pas de résistance croisée au niveau du site d’action ribosomal entre la tigécycline et la plupart des autres classes d’antibiotiques [8, 10, 11]. ■Spectre d’activité Il s’agit, en règle générale, d’antibiotiques bactériostatiques à très large spectre d’activité [1, 6-8, 12, 13]. Cocci à Gram positif (Tableau 1) Doxycycline, minocycline Concentrations critiques : avec des disques chargés à 30 mg pour la doxycycline et la minocycline, les concentrations critiques sont : S inférieure ou égale à 4 mg/l et R supérieure à 8 mg/l, selon l’European Committee on Antimicrobial Suscep- tibility Testing (EUCAST) : • environ 20 % des souches de streptocoques A, C, G et de Streptococcus viridans sont résistantes ; • 80 % à 90 % des souches de streptocoques B sont résistantes ; • 20 % à 40 % des souches de pneumocoques sont résistants ; • 40 % à 80 % des souches d’entérocoques sont résistantes ; • 70 % à 80 % des souches de Staphylococcus aureus sensibles (SAMS) ou résistant à la méticilline (SAMR) sont résistantes. Tigécycline Concentrations critiques : Staphylococcus sp. : S inférieure ou égale à 0,5 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l ; Streptococcus sp. autres que Streptococcus pneumoniae : S inférieure ou égale à 0,25 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l ; Enterococcus sp. : S inférieure ou égale à 0,25 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l. Dans une collection [13] de 10 127 souches de staphyloco- ques, streptocoques et entérocoques, elle est active contre tous les streptocoques (S. pyogenes, S. pneumoniae et S. viridans) à une concentration inférieure à 0,12 mg/l. Cette activité est majoritairement conservée sur des souches de S. pyogenes (concentration minimale inhibitrice de 90 % des bactéries [CMI90] inférieure à 0,06 mg/l) et de S. agalactiae OH OH OH OH O O O N(CH3)2 CONH2 N(CH3)2 CH3 CH3 CH3 N H H N Figure 1. La tigécycline avec les quatre cycles communs à toutes les tétracyclines. Tableau 1. Cocci à Gram positif : CMI50 (mg/l). Cocci à Gram positif Minocycline Tigécycline Staphylococcus aureus MS Staphylococcus aureus MR 1,6 – 0,06-0,5 ≤0,13-0,5 S. pyogenes A 0,5 0,06-0,13 Streptococcus pneumoniae péni G – S Streptococcus pneumoniae péni G – I Streptococcus pneumoniae péni G – R 0,2 0,2 – 0,03-0,25 0,03-0,25 0,06-0,25 Streptococcus viridans 0,5 0,06-0,13 Enterococcus faecalis vanco S et R Enterococcus faecium vanco S et R 50,0 – 0,13-0,25 0,06-0,25 CMI50 : concentration minimale inhibitrice de 50 % des bactéries ; Péni G : pénicilline G ; Vanco : vancomycine ; S : sensible ; R : résistant ; I : intermédiaire ; MS : méticilline-sensible ; MR : méticilline-résistant. 8-004-E-10 ¶ Tétracyclines 2 Maladies infectieuses (CMI90 inférieure à 0,25 mg/l) résistant aux macrolides – gène majoritaire erm(B) – et résistant aux tétracyclines – gènes majoritaires tet(M) et tet(O) –. Elle est active contre Streptococ- cus pneumoniae résistant à la pénicilline G. Elle est également régulièrement active contre les S. aureus, qu’ils soient SAMS ou SAMR, ou de sensibilité diminuée à la vancomycine, ainsi que contre les Staphylococcus epidermidis, avec une CMI90 de 0,25 mg/l sur les SAMS et de 0,5 mg/l sur les SAMR. Contre les entérocoques (E. faecalis et E. faecium), y compris les entérocoques résistant à la vancomycine (VRE), quel que soit le phénotype VanA, VanB, ou VanC, elle a régulièrement une bonne activité in vitro avec une CMI90 à 0,5 mg/l. En revanche, elle n’est jamais bactéricide contre les cocci à Gram positif, avec une concentration minimale bactéricide de 90 % des bactéries (CMB90) supérieure à 32 mg/l. Cocci à Gram négatif (Tableau 2) La minocyne est active sur Neisseria gonorrhoeae, mais 30 % des souches sont résistantes. La tigécycline est active sur uploads/Sante/ tetracyclines.pdf
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- Publié le Aoû 17, 2021
- Catégorie Health / Santé
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