1 La filière du sang en France : un modèle économique fragilisé, une exigence d

1 La filière du sang en France : un modèle économique fragilisé, une exigence de transformation _____________________ PRÉSENTATION _____________________ À la suite de deux crises sanitaires majeures, le dispositif français de prélèvement du sang et des produits sanguins a été profondément restructuré durant les années 1990. Le renforcement de la sécurité sanitaire s’est d’abord traduit en 1993 par la séparation des missions, auparavant réunies au sein du Centre national de transfusion sanguine (CNTS), entre trois opérateurs, l’Agence française du sang, devenue ensuite l’Établissement français du sang (EFS), le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) et l’Institut national de la transfusion sanguine (INTS). En 1998 enfin, la responsabilité de la sécurité sanitaire des produits issus du sang a été confiée à une agence, devenue en 2012 l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dans son rapport public annuel de 2010, la Cour s’interrogeait notamment sur la capacité de la filière à répondre aux besoins en produits issus du sang, qu’il s’agisse des produits sanguins labiles à destination des hôpitaux ou du plasma pour fractionnement destiné au LFB. Elle estimait que les efforts engagés par l’EFS pour améliorer sa productivité étaient encore insuffisants. Elle notait également l’absence d’évaluation de l’impact financier des mesures réglementaires de sécurité sanitaire. Enfin, la Cour relevait le manque de coordination des politiques de recherche de l’EFS et de l’INTS et s’interrogeait sur l’avenir de l’INTS. Dans le cadre d’une nouvelle enquête, la Cour a examiné la mise en œuvre des recommandations du rapport de 2010. Elle a également constaté que le contexte économique et règlementaire de la filière française du sang et des produits dérivés du sang avait profondément évolué et emportait des risques significatifs pour sa pérennité. Rapport public annuel 2019 – février 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 272 L’organisation de la filière du sang en France, restée quasiment inchangée depuis 2000, est confrontée aujourd’hui à des difficultés qui fragilisent son modèle économique (I). Des pistes pour assurer sa viabilité existent, mais nécessitent une action rapide et concertée des pouvoirs publics (II). I - Une filière menacée, une pérennité incertaine Vingt ans après la restructuration de la filière du sang, les opérateurs sont aujourd’hui confrontés à une remise en question de leur équilibre économique, voire à des difficultés financières importantes, des interrogations sur leur pérennité et une exigence de transformation. A - Un dispositif hérité de la crise du sang contaminé, reposant sur trois opérateurs 1 - L’Établissement français du sang, opérateur unique de la transfusion sanguine Créé le 1er janvier 2000, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, l’EFS a pour mission principale, aux termes du code de la santé publique239, de veiller à la satisfaction des besoins des établissements de santé en matière de produits sanguins labiles (PSL)240 destinés à la transfusion. L’EFS a le monopole de la collecte du sang et des produits sanguins en France. En outre, il assure l’approvisionnement du LFB en plasma destiné à la fabrication de médicaments. L’EFS effectue chaque année près de 3 millions de prélèvements de sang total, de plasma et de plaquettes241 auprès de plus de 1,3 million de donneurs, dans le respect des principes du don éthique, qui garantissent le caractère bénévole, anonyme et gratuit du don242. Après une étape de 239 Article L. 1222-1 du code de la santé publique. 240 Les produits sanguins labiles sont des produits issus d’un don de sang et destinés à être transfusés à un patient. Ils comprennent les concentrés de globules rouges (CGR), le plasma thérapeutique et les plaquettes. 241 Les prélèvements de plasma et de plaquettes sont effectués par aphérèse, qui est une technique de prélèvement de certains composants sanguins par circulation extracorporelle du sang. Les composants non prélevés sont réinjectés au donneur. 242 Interprétation du don éthique plus restrictive que le droit européen, qui autorise l’indemnisation du don. Rapport public annuel 2019 – février 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LA FILIÈRE DU SANG EN FRANCE : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILISÉ, UNE EXIGENCE DE TRANSFORMATION 273 qualification biologique243, ces prélèvements ont permis de traiter près d’un million de patients en 2017. Les prix de cession des produits sous monopole et du plasma cédé au LFB sont fixés par arrêté ministériel, à l’exception, depuis 2014, des prix du plasma cédé à des fins thérapeutiques244. Au titre de ses activités hors monopole, l’EFS réalise chaque année plus de 500 millions d’actes de biologie médicale, notamment des examens d’immunohématologie des receveurs. Il gère aussi 76 centres de santé, compte 19 équipes de recherche245, exploite avec leur concours cinq plateaux de thérapie innovante et assure dans neuf banques la garde de poches de sang placentaire, riche en cellules souches hématopoïétiques. En 2017, l’EFS a réalisé un chiffre d’affaires de près de 865 M€246 et employait près de 8 600 salariés, répartis entre le siège (300 environ) et treize établissements régionaux247. 2 - Le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, entreprise publique chargée de la fabrication de médicaments dérivés du plasma Le LFB a pour activité principale la fabrication de médicaments obtenus par fractionnement du plasma humain. Il est investi, aux termes du code de la santé publique248, de la mission de fractionner en priorité le plasma issu du sang ou de ses composants collectés par l’EFS et de distribuer prioritairement sur le territoire français les médicaments qui en sont issus, pour satisfaire les besoins nationaux. Le prix de ces médicaments est fixé par le comité économique des produits de santé (CEPS). Il a également développé à partir des années 2000, comme prévu par le code de la santé publique, une activité de recherche et développement 243 Cette étape consiste à vérifier l’absence de virus, parasites ou bactéries avant de délivrer les produits aux établissements de santé. 244 À la suite d’un arrêt du Conseil d’État du 23 juillet 2014 qui a requalifié en médicament dérivé du sang le plasma sécurisé par solvant détergent, à la demande de la société Octapharma, ouvrant ainsi à la concurrence l’ensemble du marché des plasmas cédés à des fins thérapeutiques. La société Octapharma est aujourd’hui l’unique concurrent de l’EFS sur le marché français. 245 Source : rapport d’activité 2017. 246 Dont environ 10 % relatifs aux activités hors monopole. 247 Au 1er janvier 2018, le périmètre des établissements régionaux a été aligné sur les nouvelles régions administratives. 248 Article L. 5124-14 du code de la santé publique. Rapport public annuel 2019 – février 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 274 pour la production de médicaments issus des biotechnologies, principalement pour la substitution des médicaments dérivés du plasma. Le fractionnement du plasma Le fractionnement du plasma a pour but d’isoler principalement trois familles de protéines : les immunoglobulines, prescrites en faveur de patients atteints de déficits immunitaires ou de maladies auto-immunes ; l’albumine, indiquée dans le traitement des insuffisances hépatiques aiguës et du collapsus cardio-vasculaire ; les facteurs de coagulation, notamment le fibrinogène, utilisés dans celui de l’hémophilie. Constitué initialement sous la forme d’un groupement d’intérêt public, le LFB a été transformé en 2006 en une société anonyme à conseil d’administration, LFB SA, dont le capital est détenu à 100 % par l’État. LFB SA détient la totalité du capital de deux filiales principales, LFB Biotechnologies et LFB Biomédicaments. Cette dernière est seule autorisée à exercer l’activité de fractionnement du plasma. Le LFB collecte également du plasma à l’étranger pour la fabrication de médicaments destinés à l’exportation principalement en Europe et dans certains pays émergents. LFB SA a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires consolidé de 490 M€. Il comptait environ 2 250 salariés, dont les deux tiers dans LFB Biomédicaments. Le groupe détient environ 2,5 % du marché mondial des médicaments issus du plasma, estimé à 20 Md$ en 2015. En France, le LFB détient moins de 50 % de parts de marché auprès des établissements de santé, aux côtés de grandes entreprises pharmaceutiques internationales qui opèrent généralement à partir de plasma dont le don est rémunéré. L’organisation de la filière du sang à l’étranger Dans la plupart des pays, les activités de collecte de sang total pour transfusion sont séparées de l’industrie du fractionnement du plasma qui dispose de ses propres réseaux de collecte. Seuls les Pays-Bas disposent d’un opérateur public unique, Sanquin, qui a le monopole de la collecte du sang et des produits sanguins et du fractionnement du plasma. Dans les autres pays européens et aux États-Unis, la collecte de sang total est généralement confiée à des organismes publics ou privés sans but lucratif, du type Croix-Rouge, tandis que la collecte et le fractionnement du plasma sont effectués par des entreprises à but lucratif. Rapport public annuel 2019 – février 2019 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LA FILIÈRE DU SANG EN FRANCE : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE FRAGILISÉ, UNE EXIGENCE DE TRANSFORMATION 275 En Italie et en Espagne, la collecte du sang est partagée entre des centres publics et des organismes privés à but non lucratif (associations uploads/Sante/10-filiere-sang-france-tome-2-0.pdf

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  • Publié le Jul 08, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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