Dyspraxie et troubles non-verbaux © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réser

Dyspraxie et troubles non-verbaux © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Chapitre 1 Les dysgraphies en question Préambule Bien qu'il s'agisse d'un symptôme qui court tout au long des différents cas cli- niques discutés dans cet ouvrage, nous avons souhaité ouvrir ce livre par un chapitre consacré aux dysgraphies. Les anomalies, insuffisances ou déficit de performance en écriture manuelle (graphisme) – dites « dysgraphies » –, sont en effet un symptôme qui occupe une place particulière, aussi bien lors de la phase diagnostique, lors de l'évaluation du handicap et du pronostic ou encore lors de la concep- tion du projet thérapeutique. Fréquemment allégué comme premier motif de consultation, il est le symptôme qui fera souvent suspecter, ou évoquer, une possible dyspraxie. Or il s'agit là d'un symptôme qui peut ressortir de nombreuses causes, visuelles, motrices, psychologiques, cognitives, motiva- tionnelles, etc. C'est d'ailleurs souvent sous cet angle que sont d'abord considérées ces dys- graphies : on sollicite l'attention et l'application de l'enfant et on propose un surcroît d'entraînement. C'est seulement si le trouble est durable et si les pro- grès ne sont pas proportionnés aux efforts déployés qu'il est légitime d'explorer le graphisme manuel, et ce selon deux étapes successives : il faut d'abord s'as- surer que les anomalies constatées sont bien du domaine de la pathologie, puis rechercher la cause du trouble, en faire le diagnostic. 1. S'assurer que le trouble graphique est bien une dysgraphie impose des bilans étalonnés (en fonction de l'âge et du niveau scolaire de l'enfant) dans au moins trois domaines : • les caractéristiques graphiques (analyse qualitative) ; • la vitesse d'écriture ; • son degré d'automatisation, mesuré à partir du CE1 par les capacités d'accé- lération, comme proposé dans le test « Je respire le doux parfum des fleurs* ». Si les troubles sont majeurs, si l'enfant est totalement illisible ou dans l'inca- pacité de tracer des lettres, cette première étape est évidemment inutile. Mais 20 Dyspraxie et troubles non-verbaux : faire avec la complexité dans tous les autres cas, il ne saurait être question de parler de dysgraphie sans disposer des résultats de ces trois types d'épreuves. 2. Une fois la pathologie affirmée, il faut en faire le diagnostic. Il faudra tout d'abord éliminer les troubles neurosensoriels (en particulier visuels), neuromoteurs ou psychiatriques susceptibles de rendre compte du trouble. Évoquer une dyspraxie suppose que les bilans préalables (neuromo- teurs, neurosensoriels) et les échelles de Wechsler soient compatibles avec un diagnostic de dys- d'une part (intelligence préservée, hétérogénéité des perfor- mances), et un diagnostic de dyspraxie d'autre part (échec aux épreuves solli- citant les fonctions visuo-practo-spatiales, contrastant avec des réussites dans les autres domaines cognitifs). Dans le cadre d'une dyspraxie, la dysgraphie est quasi constante. A contrario, une dysgraphie n'est pas forcément dyspraxique (voir Aubin, cas clinique 3 ; voir Pascal, cas clinique 4). Sur le plan strictement graphique, les caractéristiques de la dysgraphie dys- praxique sont les suivantes (voir Joshua, cas clinique 1 ; voir Lucie, cas cli- nique 2) : • on note une fluctuation de la performance (voir figure 1.1.) : l'enfant s'y prend de différentes façons pour « rater » (voire même, exceptionnellement et de façon non reproductible, pour réussir) une lettre donnée. Cette fluctuation est d'ailleurs souvent mal interprétée, prise comme le signe d'une mauvaise volonté de l'enfant ; • la lenteur est importante : l'enfant cherche le bon geste, hésite, corrige, reprend le tracé. Une dysgraphie rapide (l'enfant écrit vite mais mal, quasiment illisible) est a priori plus vraisemblablement soit non neurologique, soit à relier à un syndrome dys-exécutif (voir figures 1.3a. et 1.3b.) ; • la dysgraphie n'est pas isolée : elle s'accompagne de troubles dans les gestes de la vie quotidienne, les activités sportives, etc. Étant donné la fréquence de la dysgraphie, la souffrance intense qu'elle induit chez l'enfant (sollicité pour écrire à la main plusieurs heures par jour), ses graves conséquences scolaires (situation quasi permanente de double-tâche aux dépens des apprentissages académiques), il est très important de la recon- naître et de la rapporter à un diagnostic précis. C'est la seule voie pour, ensuite, faire des propositions efficaces et pertinentes à l'enfant et permettre la réussite scolaire. C'est pourquoi nous proposons ici un éventail d'observations de dysgra- phies dans différentes situations cliniques : surdouance (voir Christophe, cas clinique 5), TDA/H, dyspraxie typique, etc. Introduction aux cas cliniques L'enfant qui « écrit mal » peut présenter une calligraphie « jugée » comme telle, mais cependant assurer une écriture manuelle suffisamment rapide et lisible, dans un contexte de réalisation orthographique et de coût cognitif acceptables. « Écrire mal » n'est donc pas un problème en soi. Cette graphie insuffisante, Les dysgraphies en question 21 Figure 1.1 Illustration du travail d'élaboration progressive de la calligraphie manuelle. Ce jeune garçon de 5,9 ans est scolarisé en grande section de maternelle. Il est très demandeur d'écrire « en attaché ». Il y réussit avec son prénom (première ligne). Deuxième et troisième lignes : épreuve de grande section de maternelle de l'EDA. À noter, le a « bien décomposé », l'apparition de majuscules pour certaines lettres (moins connues ou maîtrisées-automatisées ?), le travail d'insertion des deux a dans « maman » : m-liaison- rond-jambage-m-liaison-rond(mieux positionné)-jambage-n. L'élève programme les éléments constitutifs, mais il est (normalement à ce stade de la scolarité) en situation d'attention-concentration maximum. L'image mentale de la programmation motrice est déjà en place pour que l'automatisation de l'écriture puisse intervenir, amenant un jour l'élève à une calligraphie exempte de double tâche. Figure 1.2a et 1.2b Accroissement lent des possibilités scripturales manuelles et leur automatisation14. Figure 1.2a : répartition du temps (en secondes) nécessaire à l'écriture d'une seule phrase simple, de niveau CE1, dictée à des élèves du CE1 au CM2. Figure 1.2b : accroissement du nombre de mots écrits par minute en fonction de la classe. Élèves du CE1 au CM2. Dictées de longueur et difficulté croissantes selon le niveau de classe. Temps (sec) Niveau de Classe 20 40 60 80 100 CE1 CE2 CM1 CM2 5 10 15 20 25 Niveau de Classe Nombre de mots par minute CE1 CE2 CM1 CM2 14 I. Baudry, Création d'un outil d'évaluation de la vitesse d'écriture à partir d'une dictée de niveau progressif du CE1 au CM2 : l'EVE.DP, mémoire d'orthophonie, Université de Poitiers, école d'orthophonie. 2013. 22 Dyspraxie et troubles non-verbaux : faire avec la complexité mais rentable, ne pose question qu'à l'entourage, pas à l'élève. Il peut prendre en notes les cours et réaliser les contrôles écrits, il peut se relire aisément, car les déformations scripturales sont constantes. Il n'est finalement pénalisé que sur le plan de la notation et/ou des appréciations de ses professeurs. La réalisation manuelle de l'écriture s'automatise lentement (voir figures 1.1., 1.2a. et 1.2b.) tout au long de l'école primaire. Il en va tout autrement pour d'autres élèves qui présentent une dysgraphie15 – symptôme scolaire – référant à des mécanismes causaux variés. Malgré des années d'entraînement (scolaire) ou de rééducation (avec le psychomotricien, l'ergothérapeute, l'orthophoniste, le graphothérapeute, etc.), ils ne parviennent pas à réellement automatiser leur graphie. Vitesse de réalisation, et/ou lisibilité, et/ou coût cognitif de l'écriture manuelle (et/ou orthographe défaillante) rendent compte d'une dysgraphie, constituant, à elle seule, un véritable handicap scolaire. Depuis la diffusion d'informations concernant les pathologies dys-, la dys- praxie est souvent évoquée pour tout élève dysgraphique. Cet automatisme : dysgraphie → dyspraxie, que l'on peut comprendre aisément (puisqu'il est exceptionnel qu'une véritable dyspraxie ne s'accompagne pas de dysgraphie), est cependant dommageable, car il existe de nombreuses autres causes de dys- graphies. Certaines se rencontrent en dehors du contexte des dys- (par exemple en raison d'un trouble neuromoteur des membres supérieurs : syndrome céré- belleux, voir figure 1.3a.), d'autres référent à d'autres troubles spécifiques des apprentissages (voir figure 1.3b.). B Figure 1.3a et 1.3b Deux exemples de dysgraphies non dyspraxiques. Figure 1.3a : pathologie neurologique, 8 ans, syndrome cérébelleux : tentative d'écriture du prénom. Figure 1.3b : pathologie développementale, 7,6 ans, TDA/H (écriture rapide et impulsive). A 15 En langue française, « écrire » rend compte à la fois de l'acte scriptural « manuel » et de la rédaction, transcription par l'écrit, d'une pensée, d'un raisonnement… La dysgraphie- symptôme est la constatation d'un retard hors norme en calligraphie qui génère une situa- tion de handicap scolaire dont les causes sont multiples : un dys- diagnostic comme une dyspraxie, une pathologie neuromotrice tel un syndrome cérébelleux, etc. Les dysgraphies en question 23 Dans ce chapitre, nous évoquerons en premier lieu la dysgraphie de l'enfant dyspraxique, illustrée par deux enfants aux profils contrastés. Ensuite, nous nous arrêterons sur la situation particulière d'un certain nombre d'enfants dits « à haut potentiel intellectuel (HPI) », reçus en consultation en raison de l'in- quiétude de l'entourage quant à leur calligraphie, jamais pour poser le dia- gnostic de surdouance. C'est bien l'évaluation des difficultés graphiques qui va révéler le haut potentiel. Joshua et Lucie : deux dysgraphies dyspraxiques Parmi les caractéristiques de la dysgraphie du dyspraxique, la principale est sans conteste son extrême fréquence : elle est uploads/Sante/cwrm-9782294739804.pdf

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  • Publié le Jui 25, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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