Paradis, Swann et Gaëlle Vercollier. « La chanson contemporaine en classe de FL
Paradis, Swann et Gaëlle Vercollier. « La chanson contemporaine en classe de FLE/FLS : un document authentique optimal? » Synergies Canada, No 2 (2010) La Chanson contemporaine en classe de FLE/FLS : un document authentique optimal ?1 Swann Paradis Université York – Collège Universitaire Glendon Canada Gaëlle Vercollier Université York – Collège Universitaire Glendon Canada La chanson correspond donc, pour nos étudiants étrangers (adultes), à une réalité connue, aimée en général, vitale presque pour certains, présente dans leur culture, dans leur vécu, quels que soient leur éducation et leur niveau de scolarité. (Poliquin, 1988 : 1) Si l’utilisation pédagogique de la chanson en classe de FLE/FLS ne date pas d’hier — on trouve la trace d’études dès la fin des années 19602, avec une condensation remarquable depuis les années 19803, alors que l’approche communicative a permis aux documents authentiques (œuvres possédant le plus souvent une valeur artistique mais n’ayant pas été conçus à des fins pédagogiques) d’entrer massivement dans la salle de classe —, les principaux écueils rencontrés naguère, principalement logistiques et financiers (Leith, 1979 : 538)4, paraissent aujourd’hui obsolètes, dans la mesure où l’accessibilité technologique (démocratisation d’Internet, des formats mp3 ou mp4 et autres iTunes, iPod, iPhone et tout récent iPad), tant à la maison qu’en salle de classe, appelle à revisiter cette mine d’or didactique éminemment prégnante. Dans le cadre de ce numéro consacré à l’utilisation de documents authentiques en salle de classe, nous voudrions partager notre expérience auprès d’un groupe particulier d’apprenants en FLE/FLS, qui diffère sensiblement du public habituel en contexte canadien : nous avons pu tester diverses stratégies pédagogiques auprès d’étudiants non spécialistes 5 complétant leur premier cycle universitaire, en ayant recours principalement à la chanson contemporaine (française et québécoise). Sans renier les nombreux recensements promouvant, depuis quelque quarante ans, les bienfaits générés par la chanson « classique » en didactique des LE/L2, nous nous proposons dans cet article d’illustrer les bénéfices que l’enseignant peut tirer de l’exploitation pédagogique de la chanson « contemporaine ». Véritable document authentique ne se limitant pas aux éléments strictement linguistiques (vocabulaire, grammaire, syntaxe, niveau de langue), mais permettant également l’examen des composantes paralinguistiques et extralinguistiques (timbre de la voix, accents, etc.), la chanson contemporaine, « en prise directe avec les intérêts des étudiants, avec leurs préoccupations actuelles », possède aussi « une charge émotive et un rapport avec leur vécu » (Poliquin, 1988 : 19) qui favorise de surcroît l’ouverture sur le domaine culturel (aussi bien universel que spécifique à une civilisation cible). De plus, grâce à l’accessibilité grandement facilitée par la modernisation des ressources en salles de classe au cours de la dernière décennie, et parce qu’elle permet l’introduction à différents registres de langue — notamment celui de la langue orale de niveau familier —, la chanson contemporaine semble s’imposer dorénavant comme « un outil pédagogique sans pareil pour l’éducateur » (Poliquin, 1988 : 1) de FLE/FLS, comme un document authentique optimal. Après avoir rappelé quelques éléments théoriques qui justifient le recours à la chanson comme document authentique en salle de classe (notamment par l’examen des facteurs motivationnel, mémoriel et ethnosocioculturel), puis avoir proposé des critères de sélection pouvant seconder l’enseignant qui désire bâtir son propre corpus de chansons contemporaines, nous présenterons un modèle de fiche regroupant des activités pédagogiques qui permettront de développer les quatre principales compétences langagières (compréhension et production orales et écrites) des apprenants, et qui saura, nous l’espérons, encourager les enseignants de FLE/FLS à introduire cet outil aux multiples potentialités dans leur salle de classe. Paradis, Swann et Gaëlle Vercollier. « La chanson contemporaine en classe de FLE/FLS : un document authentique optimal? » Synergies Canada, No 2 (2010) Qui dit chanson, dit motivation ! L’insertion de la chanson en didactique du FLE/FLS s’avère un moyen efficace de stimuler la motivation intrinsèque — et « intégrative » (Poliquin, 1988 : 2) des apprenants, car elle convoque un certain plaisir souvent absent de l’enseignement traditionnel, d’autant plus si les cours sont imposés plutôt que facultatifs. Ni explication de texte, ni dissertation, ni commentaire, l’exploitation pédagogique de la chanson se démarque de la méthodologie traditionnelle des textes littéraires, notamment parce qu’elle transcende le linguistique en intégrant la musique, le rythme ou la mélodie, tous susceptibles de faire vibrer cette sensibilité universelle qui sommeille en chaque apprenant. Grâce à ses différents supports (textuel, audio, vidéo) et à son contenu (contexte socioculturel, répétitions, jeux de mots), la chanson offre à l’apprenant un environnement métacognitif (visuel, auditif, voire kinesthésique) propice à le mettre en confiance et à lui faire acquérir de nouvelles stratégies : associant la musique aux mots, elle fait entrer le non verbal et le non-dit, contribuant ainsi à diversifier les modalités d’apprentissage offertes à l’apprenant. De par sa valeur ajoutée — qui ancre la langue dans l’actualité du quotidien —, la chanson contemporaine aurait aussi le potentiel d’aider les apprenants les plus faibles à passer par ce stade de « déconditionnement » (Holec, 1981 : 22) qui leur permettra de quitter leur état « d’impuissance acquise » (Tardif, 1992 : 97) pour ainsi « se débarrasser de leurs préjugés négatifs et développer l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes » (Besnard, 1995 : 427). La chanson contemporaine se pose donc comme un outil privilégié pour faire découvrir aux apprenants de nouvelles stratégies d’apprentissage propres à les remotiver et à les guider sur la route du succès. Sans refaire la revue détaillée de la littérature ayant exploré la pertinence de l’utilisation de la musique en apprentissage d’une LE/L2 (voir à ce sujet la remarquable synthèse de Stansell, 2005), mentionnons néanmoins que l’on retrouvait déjà, dès la deuxième moitié des années 1970, l’essentiel des caractéristiques qui tendent à suggérer que la chanson — entité sémiotique sous-tendue par différents codes (linguistique, littéraire, culturel, musical) pouvant être explorés indépendamment ou concomitamment (Brown, 1975 : 24) — s’avère potentiellement comme un document authentique optimal (Leith, 1979 : 537). Cette richesse pédagogique inhérente à ce « mélange de linguistique, de mélodique et de rythmique » (Poliquin, 1988 : 8) traduit bien le potentiel heuristique de la chanson en classe de FLE/FLS : en effet, ce « genre spécifique dans lequel les éléments linguistiques et extra-linguistiques sont étroitement liés et se combinent » (id.) permet d’aborder l’étude de la langue selon les codes susmentionnés, en présentant un « univers sémantique » polysémique susceptible d’exciter la curiosité des apprenants (Brown, 1975 : 28). La quasi totalité des études réalisées depuis la fin des années 1960 avaient souligné la dimension ludique ou divertissante (non seulement pour l’apprenant, mais aussi pour l’enseignant) associée à l’utilisation de la chanson en classe de FLE/FLS, faisant de celle-ci un moyen privilégié de susciter la motivation des apprenants : comme elle a le potentiel de toucher l’affect individuel par-delà le seul message textuel, la chanson a comme avantage substantiel sur les textes traditionnels d’inciter plus efficacement les apprenants à s’engager psychologiquement et affectivement dans l’étude de la LE/L2. Depuis qu’il a été démontré, en continuité avec la théorie des intelligences multiples (Gardner, 1983), qu’« apprendre de façon significative engage toute la personne de l’apprenant dans ses dimensions cognitives, affectives et comportementales » (Côté, 1987 : 237) — puisqu’il y a « autant de styles cognitifs et de styles d’apprentissage qu’il y a d’étudiants » (Besnard, 1995 : 426) —, et que le l’intelligence « verbale-linguistique » travaille en synergie avec la « musicale-rythmique » (Stansell, 2005 : 9), il appert que l’enseignant devrait s’efforcer d’offrir une variété d’activités pédagogiques susceptibles de rejoindre ces différents types d’apprenants — visuels, auditifs et kinesthésiques (Mora, 2000 : 146). Dans ce contexte, la chanson (d’autant plus s’il s’agit de la chanson contemporaine) se présente d’emblée comme un document authentique optimal, dans la mesure où, tout en inscrivant la langue dans un cadre actuel et vivant, elle appelle à la mobilisation de plusieurs sens et s’avère tout indiquée pour l’exploitation des quatre principales compétences langagières. Musique et mémoire On ne saurait passer sous silence l’importance des composantes paralinguistiques ou extralinguistiques — émotions suscitées par le timbre de la voix, l’introduction musicale, le refrain qui grave dans la mémoire une trace mélodique —, contribuant non seulement à faire que les apprenants retrouvent indirectement le plaisir du texte pour ensuite en scruter les aspects linguistiques (vocabulaire, grammaire, syntaxe) avant d’en explorer ultimement la polysémie, mais aussi à stimuler le « Language Acquistion Device (LAD) » (Mora, 2000 : 146). En effet, la chanson peut agir comme un puissant « activateur » de ce processus d’acquisition, car la musique jouerait un rôle facilitant l’encodage des divers stimuli sensoriels, ce qui simplifierait ultimement le décodage sémantique du message véhiculé par la chanson (Murphey, 1990 : 53, 56)6. Ainsi, la chanson aurait non Paradis, Swann et Gaëlle Vercollier. « La chanson contemporaine en classe de FLE/FLS : un document authentique optimal? » Synergies Canada, No 2 (2010) seulement la particularité de solliciter simultanément plusieurs parties du cerveau (Medina, 2002)7 — donc divers types d’intelligences et de mémoires (Mora, 2000 : 148) —, mais la musique, en « accrochant » l’attention de l’apprenant, serait uploads/Societe et culture/ 1896.pdf
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- Publié le Jan 07, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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