Quatrième forum Le français langue seconde Président Selim Abou Vice-Recteur de
Quatrième forum Le français langue seconde Président Selim Abou Vice-Recteur de l'Université Saint-Joseph Beyrouth Rapporteur Samir Marzouki Université de Tunis Intervenants Stélio Farandjis Secrétaire général du Haut conseil de la Francophonie Kattia Haddad USJ, Beyrouth Nwatha Ngalasso Université Michel de Montaigne Raymond Renard Université de Mons Hainaut Jean Tabi-Manga École Internationale de Bordeaux Vita de Koninck Université Laval, Québec Serge Cao AUPELF-UREF Normand Fortin Université Laurentienne Bougouma N'Gom Secrétaire général de la CONFEMEN Sélim Abou Recteur de l'Université Saint-Joseph Beyrouth, Liban Une saine politique de la langue française ne peut pas s'élaborer sous l'emprise de la terreur qu'inspire la concurrence de la langue anglaise ; par contre, cette concurrence est un aiguillon qui stimule la comparaison différentielle entre les fonctions respectives de l'une et l'autre langue et permet de mieux définir le rôle spécifique du français dans le monde. Si l'on jugeait l'importance d'une langue au nombre de personnes qui l'utilisent comme langue maternelle, le français occuperait la onzième place après le chinois, le hindi, l'anglais, l'espagnol, le russe, l'arabe, le bengali, le portugais, le japonais et l'allemand. Mais de toutes les langues du monde, seuls, l'anglais et le français sont des langues internationales : elles sont en effet « les seules langues apprises partout dans le monde, les seules langues en expansion quantitative, les seules langues à constituer un lien majeur entre des hommes d'origine très différentes et à leur fournir une ouverture sur le monde »... Mais il est clair que le français ne peut conserver ce privilège, et encore moins le développer, que si, dans les pays dont il n'est pas la langue maternelle, il est enseigné, non pas comme langue étrangère, mais comme langue seconde. Les intervenants préciseront tout à l'heure le concept de langue seconde et ses conditions de possibilité. En guise d'ouverture, je voudrais simplement souligner quelques caractéristiques générales du français langue seconde. 1. Le français comme l'anglais, est un instrument de communication et de diffusion du savoir. Mais tandis que l'anglais, délibérément enseigné comme langue étrangère ou, comme le disent les éducateurs d'obédience américaine, comme langue « neutre », est essentiellement un véhicule d'information, le français, enseigné comme langue seconde, se veut un moyen de formation. 2. En tant qu'instrument de formation, le français façonne la personnalité profonde de l'usager, en l'initiant à l'esprit critique, au discernement des valeurs, au sens esthétique, à la puissance spéculative, et en l'aidant ainsi à structurer sa pensée et a discipliner sa sensibilité. 3. Là où il est acquis et vécu comme langue seconde, le français détermine en bilinguisme fondamental, porteur d'une synthèse culturelle originale qui diffère d'un pays à l'autre et, à l'intérieur même d'un pays, d'un groupe social à l'autre. Dans certaines 203 Sélim Abou situations, il peut revêtir un rôle identitaire, c'est-à-dire devenir une composante essentielle à l'identité culturelle de la population ou groupe concernés. 4. Dans cette perspective, il est évident que la communauté francophone n'est pas et ne peut pas être seulement celle d'une « langue partagée », elle est aussi celle d'une « culture partagée », contribuant à la promotion des langues et des cultures locales, à travers des processus de synthèse diversifiés. 5. Il y a donc une différence profonde entre deux politiques linguistiques : Panglosaxonne d'orientation pragmatique, la française d'orientation humaniste. La première tend à n'être que l'instrument de développement d'une société de consommateurs, la ; seconde contribue au développement intégré de la société, stimulant sa créativité dans les divers secteurs d'activité. 6. L'extension du français langue seconde exige une stratégie qui reste à élaborer en fonction de ces priorités absolues que sont l'éducation et la formation d'une part, le développement socio-économique d'autre part. « Dans l'espace francophone, a t-on récemment écrit, l'accès généralisé à la langue française est qu'on le veuille ou non, indispensable à l'éducation et à la formation, qui elles-mêmes sont les préalables essentiels à la solution des problèmes de développement (...) comme à la mise en place de la démocratie ». " 7. Ces priorités impliquent la révision des divers aspects de la politique de coopération scientifique, technique et culturelle dans les pays du Nord dont le français est la langue maternelle et qui sont au premier chef responsable du destin de la Francophonie, c'est-à- dire de l'aménagement d'un espace francophone structuré et cohérent. Je n'en dirai pas plus. Je cède la parole aux intervenants, qui se proposent d'évoquer un certain nombre de problèmes relatifs au français de langue seconde : les critères de la définition du français langue seconde ; les implications pédagogiques du français langue seconde ; la situation du français langue seconde dans un environnement bilingue, dans un environnement multilingue, dans l'environnement médiatique ; le français langue seconde comme véhicule des sciences sociales ; et enfin le rapport entre le français langue seconde et l'identité culturelle individuelle ou groupale. Nous terminerons sur trois expériences d'enseignement du français langue seconde, en Asie du Sud-Est, en Ontario, en Roumanie. Hubert Joly et Robert Chaudenson, Francophonie 94, in La Revue générale, N°12, décembre 1993. Samir Marzouki Conseilleur auprès du ministre de l'Education nationale Professeur à l'Université de Tunis Synthèse des travaux du forum « français langue seconde » Recommandations formulées par les participants. Le français, lien majeur entre les hommes d'origine différente, ne peut se prévaloir de ce rôle que s'il est enseigné comme langue seconde c'est-à-dire non seulement en tant que langue d'accès à l'information mais aussi comme langue participant à la formation, que si sa dimension culturelle n'est pas évacuée de l'enseignement mais participe en symbiose avec la langue et les cultures - maternelle (s) à la création d'une synthèse enrichissante. Avec la ou les autre langue (s) du système éducatif, le français doit viser à l'intégration sociale de l'apprenant ainsi qu'au développement du pays auquel ce dernier appartient. La complexité et la diversité des situations de français langue seconde que les communications présentées ont permis de mesurer, incitent à préconiser un soutien accru à toutes les recherches sérieuses menées sur la typologie des situations linguistiques, les enquêtes comme celle qui a été réalisée au Liban sous l'égide de l'AUPELF et l'ensemble des observations et analyses concernant ce domaine de recherche. Il faut également encourager les études théoriques qui découleront de cette recherche et permettront de mieux définir ce concept et d'affiner les critères sociologiques, culturels et linguistiques susceptibles d'aider à les cerner. Il convient de dynamiser la recherche en didactique du français langue seconde en développant la prise en compte des réalités locales, linguistiques, culturelles, sociales et l'accélération de l'apprentissage que permet le tremplin de la langue maternelle. Il faut développer la recherche dans le domaine de l'enseignement en français, qui demeure assez pauvre, en dépit des actions des centres spécialisés et de la coopération bilatérale et multilatérale. Pour que l'enseignement du français puisse continuer à se développer, il convient de soutenir les initiatives d'enseignement du français dans des contextes moins traditionnellement francophones ou moins francophones aujourd'hui, en partant de l'idée 205 Samir Marzouki que la situation de déficit linguistique peut être modifiée, en renforçant les classes bilingues par exemple. Mais en même temps, il faut veiller à ne pas se détourner des lieux plus traditionnellement francophones, mais qui, faute d'un soutien convenable de l'ensemble de la Francophonie, risquent de l'être de moins en moins. Il convient, par divers moyens (politiques, éducatifs, culturels) dont on citera la solidarité francophone même lorsqu'il ne s'agit pas de langue ou d'intérêt économiques, le développement des médias francophones et de la connaissance des cultures de la Francophonie, de conserver à la langue française une image positive et dynamique et non pas de donner d'elle l'image d'une langue difficile, peu performante et obsédée par l'expansion de l'anglo-américain. Il faut, par une solidarité francophone agissante, œuvrer à une prise en charge effective et performante de l'enseignement du français en investissant dans la formation ou le perfectionnement des enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur, dans la confection, l'édition et la diffusion des manuels scolaires ou universitaires, peut-être en développant des pôles régionaux d'excellence, capables d'essaimer. Il convient de trouver des moyens concrets de développer et de soutenir l'édition scientifique en français mais également l'édition tout court, qu'il s'agisse d'ouvrages, de revues ou même d'autres vecteurs culturels, disques, cassettes, etc. Il importe de concilier une approche pragmatique, seule susceptible de répondre aux problèmes concrets que se posent les être humains et une approche culturelle ouverte et généreuse, l'avantage du français, par rapport à d'autres langues, se situant dans son fonds culturel. Il convient de développer les médias francophones, susceptibles de remédier aux situations où l'offre scolaire est plus importante que le besoin social du français. En tout état de cause, par une prise de compte réelle et sans arrière-pensée des cultures de la Francophonie, rompre définitivement avec le français « langue de bois », qui serait dispensateur, plus que les autres langues, de rationalité, de valeurs humanistes et d'intelligence. On peut reconnaître de telles vertus à la culture française, comme d'ailleurs à d'autres cultures, il est difficile de les attribuer à une langue, fût-ce le français. Il est uploads/Societe et culture/ 203-pdfsam-etats-generaux-francophonie-2920021575-content.pdf
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- Publié le Sep 10, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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