« Aussi loin que cette conscience peut s’étendre sur les actions ou les pensées
« Aussi loin que cette conscience peut s’étendre sur les actions ou les pensées déjà passées, aussi loin s’étend l’identité de cette personne. » Locke La notion d'identité personnelle chez Locke, Essais sur l'entendement humain, II 1) L’IDENTITE (§ 1) L’identité est définie comme une relation qui est le fruit d’une comparaison. On peut comparer une chose soit avec d’autres, soit avec elle-même. C’est plutôt dans le second cas que l’on peut employer de façon le terme d’identique. a) Le principe des indiscernables : deux choses ne peuvent être identiques En effet, deux choses peuvent-elles être à proprement parler identiques ? Ces deux choses sont numériquement distinctes, cad, en différents lieux de l’espace, sans quoi, elles seraient une seule et même chose. On peut parler soit d’une relation de ressemblance (elles partagent les mêmes caractéristiques) ; ou bien la relation d’égalité (elles sont égales quand on les mesure). C’est tout. CF. Leibniz, le principe des indiscernables : DEUX CHOSES NE PEUVENT ETRE IDENTIQUES, SINON ELLES NE FORMERAIENT QU’UN SEUL ET MEME ETRE. b) Suis-je le même en des temps différents ? →Le problème de l’identité Quand on parle de l’identité d’une chose, il s’agit donc de savoir si cette chose est identique à elle-même, cad, si elle est la même qu’elle même. Il s’agit du PRINCIPE D’IDENTITE : une chose ne peut dans le même temps être à la fois elle-même et une autre. Aussi bizarre que ça paraisse : il s’agit de savoir si quelqu’un est le même, malgré les changements qu’il subit. Et plus précisément, quelle est la limite des changements qui font de vous quelqu’un d’autre. Par exemple, regardez donc des photos de vous enfant ; regardez-vous maintenant dans la glace : êtes- vous identique ? Ou encore, vous allez chez le coiffeur ; vous ressortez les cheveux courts : même question. Ou encore, vous grossissez : même question. (Vous pouvez dès maintenant essayer de dire ce qui fait que vous êtes identiques, ce qui fait votre identité personnelle…) Le problème de l’IDENTITE d’une chose revient donc toujours à se demander si une chose est « la MEME » (en des temps différents). La définition de LOCKE de l’identité d’une chose sera le suivant : une chose « qui a eu un seul commencement est la même chose ». EXEMPLE : votre naissance, et à tout ce qui a eu lieu depuis : vous avez bien l’impression d’une continuité, d’être le même, ou d’être identique, depuis votre naissance jusqu’à aujourd’hui. On détermine donc L’IDENTITE D’UNE CHOSE PAR RAPPORT A CE PREMIER MOMENT AUSSI LONGTEMPS QU’ELLE EXISTE. Mais Les choses ne sont pas identiques dans le même sens, parce que toutes les choses ne sont pas de même sorte : il y a de simples corps, des êtres vivants, et des êtres humains. c) Les trois sortes d’identité L’identité matérielle (§ 2 et 3) : celle qui vaut des CORPS. Par exemple, un morceau de matière. Dans ce cas, « si un seul atome est ôté, ou si un nouveau est ajouté, ce ne sera plus la même masse, ou le même corps ». Un corps est un INDIVIDU = qqch qu’on ne peut diviser, sous peine de ne plus avoir affaire au même corps. L’identité des êtres vivants (§ 3 et 4) : Locke, Essais, II, XXVII, § 3 "Dans l’état des créatures vivantes, l’identité ne dépend pas de la masse de certains corpuscules, mais de quelque chose d’autre. Dans leur cas en effet la variation de parties même grandes de matière ne change pas d’identité : un chêne qui croît d’une petite pousse jusqu’à un grand arbre, puis qu’on taille, est toujours le même chêne. Et un poulain qui devient un cheval, qui tantôt engraisse et tantôt maigrit, n’en demeure pas moins le même cheval, bien que dans les deux cas il puisse y avoir une transformation manifeste dans les parties qui les constituent ; en sorte qu’en vérité aucun des deux n’est plus la même masse de matière, bien que l’un soit vraiment le même chêne, et l’autre vraiment le même cheval. Dont la raison est que, dans le cas d’une masse de matière et dans le cas d’un corps vivant, la notion d’identité ne s’applique pas à la même chose." C’est qu’un chêne, et en général tout être vivant, n’est pas une simple masse de matière. Voici quelle est la différence: § 4 « (…) l’une ne consiste que dans l’agrégation des corpuscules matériels quelle que soit la façon dont ils sont réunis, tandis que dans l’autre les corpuscules sont disposés de façon à former les parties d’un chêne ; et l’organisation de ces parties est propre à recevoir et à distribuer la nourriture qui lui permet de se maintenir, et de former le bois, l’écorce, les feuilles d’un chêne, etc., ce qui constitue la vie végétale. Si donc est une plante unique ce qui possède une telle organisation de ses parties en un corps d’un seul tenant, partageant une seule vie commune, elle continue d’être la même plante aussi longtemps qu’elle partage la même vie, bien que cette vie se communique à de nouveaux corpuscules de matière organiquement unis à la même plante vivante, dans une même organisation qui se maintient semblable, selon la forme caractéristique de cette espèce végétale. » L’identité de l’HOMME (§ 6) est-elle différente des deux précédentes, et si oui, en quoi ? Voici comment Locke définit l’identité de l’homme : IIb., § 6 "(…) c’est tout simplement la participation ininterrompue à la même vie entretenue par un flux permanent de corpuscules matériels, entrant à tour de rôle dans une unité vivante avec le même corps organisé. " PB : l’homme n’est pas seulement un être vivant. Quand je veux savoir si Socrate est le même, est identique à lui-même, je ne veux pas savoir si l’organisation de ses parties est toujours la même, cad., si c’est le même être vivant. Je veux savoir si Socrate, cad., celui qui a défié sa cité en remettant en cause la tradition, qui était laid, qui a été mis à mort par sa cité, etc., est le même. Son âme, son caractère, est- elle/il la/le même ? 2) L’IDENTITE PERSONNELLE (§ 9 , 10) a) Identité de l’HOMME versus IDENTITE PERSONNELLE l’EXEMPLE de Socrate conduit à une troisième sorte d’identité, celle qui nous importe : l’identité personnelle. C’est aussi afin de distinguer l’identité de l’HOMME et l’identité PERSONNELLE, que Locke a défini l’identité de l’homme comme il l’a fait… Cf. § 15, l’exemple de l’âme d’un prince qui se trouve soudain dans le corps d’un savetier : c’est la même PERSONNE (le prince) mais évidemment pas le même HOMME … Ib., § 7 « (…) c’est une chose d’être la même substance, une autre d’être le même homme, et une troisième d’être la même personne, si « personne », « homme » et « substance » sont trois noms qui présentent trois idées différentes ; telle est en effet l’idée qui appartient à ce nom, telle doit être l’identité correspondante. » b) Qu’est-ce que la PERSONNE ? Ib., § 9 « (…) c’est, je pense, un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même, une même chose pensante en différents temps et lieux. » « Mais c’est surtout, il faut le savoir, un terme judiciaire. Est une personne quelqu’un qu’on peut louer et blâmer de ses actes, i.e., qui en est RESPONSABLE. Pourquoi la notion de PERSONNE est-elle liée à la notion de responsabilité ? Parce que pour que l’on soit responsable de ses actes, il faut que notre existence ne soit pas scindée en de multiples états discontinus : ainsi, si celui qui hier a commis le crime n’est plus le même que celui qui aujourd’hui est accusé du crime et va à l’échafaud, il est injustement accusé, car ce n’est pas lui qui a commis le crime mais en toute rigueur, c’est un autre. » Ib., § 26 : La PERSONNE, terme judiciaire. « C’est un terme du langage judiciaire qui assigne la propriété des actes et de leur valeur, et comme tel n’appartient qu’à des agents doués d’intelligence, susceptibles de reconnaître une loi et d’éprouver du bonheur et du malheur. C’est uniquement par la conscience que cette personnalité s’étend soi- même au passé, par-delà l’existence présente : par où elle devient soucieuse et comptable de ses actes passés, elle les avoue et les impute à soi-même, au même titre et au même motif que les actes présents. » b) C’est la conscience qui selon Locke, va faire l’identité personnelle (§ 9 et 10) Ib., § 9 « L’identité de telle personne s’étend aussi loin que cette conscience peut atteindre rétrospectivement toute action ou pensée passée ; c’est le même soi maintenant qu’alors, et le soi qui a exécuté cette action est le même que celui qui, à présent, réfléchit sur elle. » Ib., § 24 « (…) quoiqu’une substance ait pensé ou fait, si uploads/Societe et culture/ 4-cours-identite-locke.pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 23, 2021
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0798MB