1 Congrès 2011 de la Fédération des Associations de musiciens éducateurs du Qué

1 Congrès 2011 de la Fédération des Associations de musiciens éducateurs du Québec Conférence d’ouverture L’enseignement des arts dans les programmes d’études Paul Inchauspé Montréal Le 18 novembre 2011 2 Faire en sorte que l’enseignement des arts ait une place légitime, parmi d’autres disciplines, dans les programmes d’études de l’école obligatoire ne va pas, hélas, de soi. Sur quelle base faut-il s’appuyer pour qu’il en soit autrement? Mais il ne suffit pas que les arts soient inscrits dans un curriculum d’études pour que cet enseignement se développe. La place prévue doit être occupée. Quelles sont quelques-unes des difficultés qu’il faut alors affronter? Ce sont là les questions que j’ai l’intention de traiter devant vous. Non pas théoriquement, mais à partir de mon expérience et c’est pourquoi l’allure de mon propos tient plus de la causerie que de la conférence. Il y a une quinzaine d’années, j’ai été mêlé aux opérations qui ont conduit au renouvellement du programme d’études. De plus, les deux cégeps où j’ai fait ma carrière, le cégep du Vieux-Montréal et le Cégep Ahuntsic, ont hérité d’institutions consacrées à l’enseignement des arts, l’Institut des Arts appliqués, successeur de l’École du meuble pour le premier, l’Institut des Arts graphiques pour le deuxième. Ayant occupé des postes de responsabilité dans ces deux cégeps, j’ai été confronté aux problèmes de l’enseignement des arts dans un environnement scolaire1. C’est à partir de cette expérience et dans les réflexions qu’elle a suscitées en moi que je puiserai le contenu de ce que j’ai à vous dire pour répondre au sujet annoncé. Mais étant donné la composition de cet auditoire, je précise que je traite ici de la place des arts dans l’enseignement obligatoire, dans un curriculum d’études qui s’adresse à tous et non de l’enseignement de type professionnel qui vise la formation aux « métiers » artistiques qu’on trouve surtout au collégial et à l’université. Je traiterai ce sujet en cinq temps : - j’attirerai d’abord votre attention sur ce qu’est le curriculum d’études de l’école obligatoire en montrant que c’est un « construit social »; - puis je montrerai une des caractéristiques qui marque chez nous les rapports entre Culture et Éducation : par rapport à la culture, l’école est toujours un peu à la traîne; 1 Le cégep du Vieux-Montréal à ses débuts a bénéficié de l’aura qu’avait l’Institut des arts appliqués autant pour l’enseignement des arts que dans la transformation sociale du Québec. Borduas y fut professeur. Jean- Marie Gauvreau, son directeur, était une personnalité marquante. Il avait fondé l’École du meuble, puis l’avait transformé en Institut des Arts appliqués, il fut aussi le président-fondateur du premier Salon de l’artisanat en 1955, salon qui est devenu le Salon des métiers d’arts. À cause de cette situation les demandes particulières de développement dans l’enseignement des arts ont été adressées à ce cégep. C’est ainsi que j’ai été impliqué dans la création du programme Danse-Ballet pour le collégial (1979) avec Ludmila Chiriaeff, alors directrice de l’École supérieure de danse du Québec et à tous les travaux qui ont conduit à la création (1984) de l’Institut des métiers d’art du Québec. 3 - puis, je raconterai comment c’est une réflexion sur l’école comme lieu de transmission culturelle qui a permis, lors du Comité Corbo, d’accorder aux arts le statut de « grand champ d’apprentissage » dans le programme d’études; - puis, je raconterai comment lors des États généraux sur l’éducation ce sont les demandes du secteur des arts, et un retournement des ces demandes, qui sont à l’origine du choix de la perspective culturelle comme orientation de chacune des matières du nouveau programme d’études de l’école obligatoire; - enfin, je dirai qu’il ne suffit pas que les matières artistiques soient incluses dans le programme d’études pour que soient réglés les problèmes particuliers que pose l’enseignement des arts et je parlerai de deux de ces problèmes. Pour traiter correctement un tel sujet, je ferai souvent appel à des événements historiques. Dans les changements qui affectent un système d’éducation, il n’y a jamais de « table rase ». Cette histoire s’écrit comme s’écrivaient des palimpsestes : on écrit du nouveau en grattant sur ce qui était écrit dans le manuscrit précédent. Parfois, ce qu’on gratte disparaît, mais le plus souvent il reste encore là caché, mais encore actif. Dans un tel système, comme dans tous les systèmes humains, les changements des institutions et des pratiques sont lents. 1 - Un curriculum d’études est un construit social Un curriculum d’études, ce qui s’apprend à l’école obligatoire, est un construit social. Et de temps à autre, les systèmes d’éducation changent les éléments de leur curriculum d’études parce que les attentes sociales par rapport à ce que l’école doit transmettre comme savoirs changent elles aussi. Un curriculum d’études, c’est ce que, à un moment donné, une génération pense qu’elle doit transmettre à ses enfants et ses petits-enfants pour qu’ils puissent mieux affronter les situations nouvelles telles qu’on les perçoit à ce moment-là. Et l’on peut se faire une idée de la représentation qu’a une époque des savoirs essentiels à transmettre en parcourant les différents programmes d’études pratiqués dans le temps. J’ai ici entre les mains le programme d’études des écoles élémentaires pratiqué dans les écoles du Québec en 1959, il y a seulement 50 ans. Voici la liste des matières enseignées dans l’ordre présenté par ce document : religion (la moitié du document de 700 pages est consacrée à cette matière qu’on enseignait à raison de cinq heures par semaine), langue française (neuf heures par semaine sont consacrées à cette matière), arithmétique, histoire du Canada, géographie, langue seconde, bienséances, hygiène, enseignement ménager (pour les filles), travaux manuels (pour les garçons), initiation à la musique, culture physique, calligraphie, dessin, agriculture, connaissances usuelles (les fleurs, les animaux, les oiseaux nos amis, les astres, les maisons d’autrefois et d’aujourd’hui, le cheval et l’auto, le papier, le caoutchouc…), renseignements sur les écoles et les professions. On ne trouve pas dans ce document une seule fois le mot « sciences ». 4 Quand on regarde dans chaque matière le contenu de ce qui est enseigné, on y trouve des choses qui ne changent pas, mais la référence à la situation sociale de l’époque est, même dans ces cas, manifeste. Ainsi, le programme d’initiation à la musique est dans ce programme d’études de 1959 centré sur le solfège et le chant. L’apprentissage du solfège avait comme intention de « rendre (les élèves) aptes à lire et à interpréter vocalement la musique d’une façon convenable », mais cet apprentissage porte sur le solfège moderne et aussi sur le solfège grégorien. De même, le chant avait « pour premier but d’apprendre aux enfants à exécuter convenablement des chants adaptés à leur âge », mais ces chants sont des chants profanes, mais aussi des chants religieux2. Et dans la liste des chants à étudier chaque année (une dizaine par année), on trouve des éléments du répertoire qui a constitué la « Bonne Chanson ». Faut-il rappeler à des musiciens que c’est l’abbé Gadbois qui a fondé (en 1937 et en achetant des droits d’une centaine de chansons en France) la Bonne Chanson dans le but de diffuser la chanson française et contrer l’invasion de la chanson américaine? Où l’on voit bien là qu’un curriculum d’études est un construit social. Si la musique est l’art le plus enseigné (le dessin, lui, occupe une position plus mineure) dans le programme d’études de ces années, ce n’est pas d’abord pour des raisons intrinsèques liées à la discipline elle-même, mais à l’importance qu’on lui accorde comme vecteur de l’identité nationale. Vous avez souri en entendant ces choses. Dîtes-vous que dans 50 ans, les générations futures souriront de même de certains contenus de nos nouveaux programmes d’études. Mais à partir de cet exemple, décalé dans le temps, vous comprenez que la présence ou l’introduction des arts dans le programme d’études de l’école obligatoire dépend des consensus sociaux sur cette question. Cette question n’est pas seulement théorique, elle renvoie au rapport entretenu dans une société entre le monde des arts, ou plus généralement de la culture et celui de l’école ou plus généralement celui de l’éducation. Or, quel constat pouvait-on faire sur cette question, au début des années 1990, au moment du renouvellement du curriculum d’études? Que l’école a toujours été chez nous un peu à la traîne par rapport à celui de la culture et que, indépendamment de la place de l’enseignement des arts dans le curriculum d’études de l’école obligatoire, il faudrait, pour qu’il en soit moins ainsi, établir un partenariat entre l’école et le monde de la culture. 2 - L’école a toujours été chez nous un peu à la traîne par rapport au monde des arts et de la culture C’est là au Québec une des caractéristiques des rapports ente le monde de la « culture » et celui de l’éducation. Je donnerai deux exemples qui permettront de comprendre cette affirmation. Le rapport Rioux Le rôle joué par les artistes dans le bouillonnement de la Révolution tranquille a été uploads/Societe et culture/ 223-enseignement-des-arts-paul-inchauspe.pdf

  • 56
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager