INTRODUCTION P OUR TENTER D’OUVRIR UN ESPACE de « réflexion trans - versale » s

INTRODUCTION P OUR TENTER D’OUVRIR UN ESPACE de « réflexion trans - versale » sur la pratique artistique latino-québécoise dans la Ville de Québec, nous tiendrons compte de ren - contres intensifiées et diversifiées au sein de la ville entre « le Nous » et « les Autres », dans un contexte où le local et le global sont structurellement imbriqués et interdé pen - dants à un point tel qu’on parle aujourd’hui du « globcal ». Ce néologisme met en évidence la synergie complexe et contradictoire des rencontres multiples et des interactions riches entre ces deux dimensions. Dès lors, ces interactions culturelles, sociétales, économiques et de genres artisti - ques divers donnent lieu à des innovations, des transcul - turations et à des « pollinisations culturelles croisées », ou « fertilisations croisées », dans des communautés esthé - tiques dans lesquelles « […] interagissent les niveaux local, national et supranational [...] ». Ces phénomènes de ferti - lisation culturelle croisée prennent de l’importance, mais ils ont été moins étudiés que l’acculturation et la transcul - turation. Pourtant ils sont déterminants ; ces croisements culturels sont en progression dans les domaines de création 241 Victor H. Ramos Artistes latino-américains à Québec : trajectoires, dialogues et « pollinisations » culturelles croisées et d'émergence de la nouveauté, en particulier dans les arts. Les échanges et les interactions culturelles entre les sociétés sont un phénomène permanent dans l’histoire humaine qui s’accentue avec le développement des diffé - rents moyens de communication et qui a reçu une impul - sion très impor tante au XXe siècle, particulièrement durant les quarante dernières années. Cet essor d’interactions est le résultat du concours, d’une part, du développement des techno lo gies de l’information et de la communication, sur fond de « globalisation1 » transnationale, et d’autre part, de l’émi gra tion et de l’exile des créateurs des pays latino- américains aux prises avec des gouvernements dicta to riaux ou avec de mauvaises conditions économiques ag gra vées par les poli tiques néolibérales. Cependant, cette même globa li sa tion transnationale pousse aussi plusieurs sociétés à la crispation identitaire, cherchant à se « cloisonner » devant le « rouleau compresseur » global qui tend vers l’homo gé néi sation culturelle et mercantile, ainsi que vers les inter ventions géopolitiques. Cette étude explore, dans une perspective ethnogra - phique, quelques expériences artistiques qui pourraient servir à des études approfondies sur ce thème clef qu’est la rencontre des cultures par les arts en ces temps de mondialisation. L’intérêt est porté sur le sens que les créateurs attribuent à leur action. La contextualisation occupe une place importante et la démarche est progres - sive. Cet essai est la première étape d’autres qui viendront, nous l’espérons. Nous présentons aussi deux organisations latino-américaines qui jouent un rôle important dans la diffusion des arts latino-américains et le dialogue inter - culturel dans la Capitale-Nationale. Du point de vue métho - dologique, nous avons procédé de la façon suivante : pour la sélection des artistes, nous avons tenu compte de deux principaux critères qui sont, d’une part, assurer la diver - sité de disciplines artistiques présentes dans ce travail et, 242 VU ES T RAN S VERS AL ES Panorama de la scène artistique latino-québécoise d’autre part, représenter les trajectoires différentes d’enra - ci nement artistique des créateurs et des créatrices de cul - tures latino-américaines qui vont depuis le renfer me ment dans sa culture, jusqu’à l’indifférence ou l’éloigne ment de sa matrice culturelle. Entre les deux, il y a un large éventail de possibilités de combinaisons et de créations métissées nouvelles. Nous avons premièrement contacté les répondants par téléphone pour leur expliquer l’objectif de la recherche et pour les inviter à y participer. Ensuite, nous avons envoyé à tous le document abrégé du projet et un texte qui précise la démarche à suivre, la longueur et la langue de leur réponse écrite, ainsi que trois points importants à développer librement par écrit au sujet de leurs œuvres, des influences que leur culture d’origine et celle du Québec ont sur leurs créations, des éventuelles « hybridations » créatives et un quatrième espace pour ajouter toute infor mation qui leur paraissait pertinente. La grande majorité a suivi le « canevas » des questions proposé, sans toutefois le suivre toujours exactement de la même façon. Nous avons contacté les répondants par télé - phone pour préciser avec eux des parties non claires de leur réponse écrite en français. Nous avons donné priorité à la parole des créa teurs et cela dans un style oral. LA VILLE DE QUÉBEC : QUEL VISAGE CACHE-T-ELLE ? Assez souvent, on colporte sur la Ville de Québec le stéréotype d’une communauté francophone « tricotée serrée », rébarbative aux étrangers, et qui a gardé son unité lin - guistique et culturelle sans grands changements depuis sa fondation en 1608. Qu’en est-il vraiment ? Quel visage cache-t-elle ? Ce vi - sage « caché » est celui de la diversité. En effet, au moment 243 VICTOR H. RAMOS Artistes latino-américains à Québec... de la colonisation de la Nouvelle-France, l’« ancienne » France était loin d’être unifiée linguistiquement et cultu - rel lement, comme l’Espagne et la plupart des pays euro - péens. Pour être en mesure de communiquer, les colons français de différentes origines qui parlaient leur propre langue ont dû adopter le français comme langue commune. Une société et une culture, nouvelle et française, étaient nées. Mais en 1763, par le traité de Paris, qui a mis fin à la Nouvelle-France, une autre période de diversité linguis - tique et culturelle a commencé, marquée par la domination anglaise et l’immigration massive des loyalistes fuyant la révolution américaine. L’anglais devint la langue du com - merce, de l’économie, de l’industrie et de l’administration. C’est avec la « Révolution tranquille » des années 1960 que la Ville de Québec a récupéré son « visage français ». Et, à partir de ces années, le visage de la province de Québec a commencé à se diversifier sous l’impulsion de l’arrivée, timide au début et importante plus tard, de populations des pays des quatre continents autres que l’Europe. C’est également à cette époque qu’arrivent des cohortes de Latino-Américains, sous le choc des coups d’État, de l’exclu - sion économique et des persécutions politiques des dicta - tures. LA PRÉSENCE DES LATINO-AMÉRICAINS À QUÉBEC ET LEUR INTÉGRATION OUVERTE Commençons par préciser brièvement le nom identi - taire collectif « Latino-Américain », qui se prête à des interprétations diverses et que l’on confond souvent avec celui d’« Hispano-Américain ». Dit de façon simple, nous concevons comme « Latino-Américain » l’ensemble des personnes originaires du continent américain et des îles des Caraïbes dont la langue prédominante est l’espagnol, le portugais ou le français. Cette identité collective se 244 VU ES T RAN S VERS AL ES Panorama de la scène artistique latino-québécoise construit et se reconstruit dans des contextes globaux concrets, dans lesquels des dynamiques culturelles, civili - sa tionnelles, politiques et géopolitiques sont en action de façon contradictoire2. La présence actuelle des Latino- Américains dans la Ville de Québec, en croissance depuis les années 1970, peut se chiffrer comme suit : En 2016, on y recense 2 935 personnes originaires des Caraïbes et 8 435 du reste de l’Amérique latine. Ce qui donne par pays3 : 245 VICTOR H. RAMOS Artistes latino-américains à Québec... 3 185 Colombiens 635 Péruviens 155 Argentins 1 720 Haïtiens 475 Salvadoriens 150 Paraguayens 1 425 Mexicains 455 Cubains 110 Guatémaltèques 805 Brésiliens 285 Dominicains 95 Équatoriens 735 Chiliens 190 Vénézuéliens 70 Boliviens Selon une thèse de maîtrise en anthropologie faite en 1988 à l’Université Laval sur les Latino-Américains de la Ville de Québec, ceux-ci mettent en pratique un processus d’enracinement ouvert sur la société québécoise de diverses façons, notamment par la reconstitution de leur réseau d’amitié, l’écoute de la radio et de la télévision en français, etc. Ce rapprochement avec les Québécois ne se fait pas sans heurts et il y a des différences réelles et imaginaires qui les séparent4. Notre contact assez étroit et soutenu avec les membres de la communauté latino- américaine en général et notre travail avec les artistes en particulier, ainsi que d’autres sources5, nous indiquent que cette « intégration ouverte » est toujours d’actualité. Cependant, pour s’en assurer rigoureusement, une nou - velle recherche de ce type est nécessaire. QUELQUES EXPÉRIENCES ARTISTIQUES SIGNIFICATIVES DES LATINO-AMÉRICAINS DE LA VILLE DE QUÉBEC M US I QUE Daniel Alejandro Daniel Alejandro est un chanteur et un claviériste originaire de Lima, au Pérou. Il joue du piano, a connu un cheminement musical riche en expériences diverses et œuvre présentement dans ce que l’on peut appeler la musique latine électronique de fête. Voici ses réponses à nos questions : Peux-tu nous parler des caractéristiques spécifiques de ton art ? « Je suis un chanteur latino qui se promène par diffé - rents rythmes et styles de musique, que ce soit une ballade ou une salsa, j’essaie de trouver la meilleure façon d’ame - ner uploads/Societe et culture/ artistes-latino-ame-ricains-trajectoires-in-vues-transversales-ebook.pdf

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