Jeunesse camerounaise et prise de parole politique à l’âge du digital. CHAPITRE
Jeunesse camerounaise et prise de parole politique à l’âge du digital. CHAPITRE PREMIER LE CAMEROUN DANS LE MONDE DIGITAL : TRAJECTOIRE SOCIOPOLITIQUE DE L’INTEGRATION ET DES PRATIQUES DE L’INTERNET AU CAMEROUN. « Jamais l’ancienne affirmation, que l’homme est aussi ce que ses techniques le font être, n’a paru autant pertinent. » Les travaux développés dans le cadre de la sociologie des médias sociaux, Internet et la révolution médiatique nous apprennent qu’ « au XVème siècle, l’invention du procédé de perfectionnement de l’imprimerie par Gutenberg a profondément métamorphosé l’Europe. L’accélération de la diffusion d’idées insufflée par ce progrès technique a favorisé l’émergence du courant de pensées menant au mouvement de la Renaissance »1. En œuvrant en faveur de la transmission des connaissances et à son élargissement à d’autres cercles, le livre aurait, en quelque sorte, mis fin au monopole de diffusion de l’information et des savoirs de l’époque. Parmi les penseurs contemporains, nombreux sont les philosophes, sociologues, historiens ou prospectivistes à comparer l’imprimerie et sa révolution à celle du numérique. Parmi eux, les éminents Michel Serres, Edgar Morin, Manuel Castells ou encore Joël De Rosnay pour ne citer qu’eux, entrevoient dans notre époque, les signes annonciateurs d’une rupture et d’un changement d’ère2. Dépassant largement le champ des nouvelles technologies de l’information et de la communication et d’Internet, la révolution numérique serait la raison principale des transformations profondes que nous vivons actuellement. Alors que nombreux décrient l’usage excessif de la terminologie révolution pour désigner un responsable idéal justifiant ainsi de tous les maux de la société ; en questionnant cette notion, la récente thèse de Stéphane Vial confirme la légitimité de cette appellation. Outre le processus de dématérialisation accéléré par l’essor des technologies et leur adoption par les individus qui tendraient à nous faire évoluer dans une société du numérique, l’auteur diagnostique une mutation sociale radicale, dans la mesure où, selon lui, les structures perceptives se verraient renversées, transformées et remplacées3. A l’occasion de la conférence inaugurale du programme Paris Nouveaux Mondes4, Michel Serres n’hésite également pas à qualifier de « troisième révolution » cette époque de crises que nous vivons. Il appuie son raisonnement sur le spectre analogue de changements induits, 1Merra L. (2013) Pour une sociologie des médias sociaux, Internet et la révolution médiatique : nouveaux médias et interactions, thèse de doctorat, Paris Sorbonne cité-Paris Descartes, p. 14. 2 Ibid. p. 14 3 Vial S. (2012). La structure de la révolution numérique. Thèse de doctorat, philosophie. Paris : Université Paris Descartes 4 Serres M. (2013). L’innovation et le numérique. Conférence inaugurale du Programme Paris Nouveaux Mondes. Pres héSam, Pôle de recherche et d’enseignement supérieur, hautes études, Sorbonne, arts et métiers. Paris : 29 janvier 2013 Thèse rédigée et soutenue par Alain christian MOUANDJO EBONGUE Page 1 Jeunesse camerounaise et prise de parole politique à l’âge du digital. d’après lui, par : « cette troisième transformation du couple support/message ». Selon le philosophe, cette révolution numérique engendrerait un changement d’espace et de temps, conduisant au passage vers un nouveau monde au sein duquel le droit, le fonctionnement de nos institutions ou encore la gouvernance mériteraient d’être repensés. Si à travers les époques, le progrès technique a souvent été le moteur du développement de médias, « de l’Acta publica à la communication médiatique et médiatisée », l’histoire des médias nous rappelle également leur contribution à la cause citoyenne. Ce qui est particulièrement vrai pour les médias d’information dont l’exercice parfait reste conditionné à celui de la démocratie5. De cette « liberté d’émettre » à celle de « faire parler ceux qui se taisent ou sont réduits au silence », pour reprendre le philosophe français Jean Paul Sartre, des radios libres, la manifestation d’expressions médiatiques comme leur volonté se sont souvent révélées en opposition aux pouvoirs, aux médias existants et à leur censure, dans la perspective de s’en affranchir6. Dans ce travail, nous entendons par « média » un moyen, un outil, une technique, un intermédiaire qui permet aux individus de s’exprimer et de communiquer à autrui cette expression, quel qu’en soit l’objet ou la forme. Cette notion aussi admise que récente, demeure en réalité toujours aussi théorisée et (re)théorisée7, toujours autant querellée. Si en son époque l’industrialisation de textes imprimés a bouleversé la hiérarchie de valeurs des œuvres, la diffusion numérique de ces textes auprès d’individus connectés à Internet et en réseau, a invité plusieurs chercheurs à s’intéresser au volet médiatique de cette révolution numérique avant nous. Quelques-uns, comme Lucile Merra ont privilégié l’étude de la dimension phénoménologique à sa dimension technologique, une sociologie des usages et des technologies médiatiques d’Internet qui a inspiré notre travail. Il s’inscrit à la fois dans le champ scientifique de la sociologie politique des médias et dans celui, tout aussi large de l’étude des processus démocratique au travers des technologies numériques dans les sociétés contemporaine aujourd’hui. Nous retiendrons pour décliner de manière générique l’objet de notre travail, « média » au singulier ou au pluriel « médias » pour désigner les moyens de diffusion, de transmission et de communication d’une information. Les « médias de masse », truisme, concerneront la télévision, la radio, le cinéma, la presse et l’Internet, en général, pour leur capacité de mobilisation d’audiences massives. Qu’ils soient analogiques ou numériques, l’expression de « médias traditionnels » sera consacrée aux instruments médiatiques relevant de l’industrie médiatique traditionnelle, à travers une production de contenus confiée et réalisée par des professionnels de l’information selon les propositions sociologiques de Merra8. Enfin, les « médias sociaux », dont il sera question dans le cadre de ce travail seront ces nouveaux médias numériques, dont biens de consommation de cet environnement, sa vie et 5 Merra op. cit. p. 14 6 Merra ibid. p. 14 7 Voir Francis Balle (2017) les médias, PUF. 8 Merra Idem. p. 15 Thèse rédigée et soutenue par Alain christian MOUANDJO EBONGUE Page 2 Jeunesse camerounaise et prise de parole politique à l’âge du digital. son histoire est l’œuvre quotidienne des publics protéiformes libres participants qui le compose. Nous avons marqué ce travail de ce positionnement épistémologique. De l’essor des technologies numériques à la reconfiguration de l’espace public camerounais en passant par la revivification du débat public jusqu’aux relations sociales, nous analyserons toutes ces manières d’être au monde aujourd’hui à travers les prises de parole politique de la jeunesse camerounaise. A l’épreuve des usages, des pratiques, des représentations et des imaginaires des utilisateurs camerounais de Facebook, ce travail vise à comprendre sous le prisme communicationnel, l’objet média social et sa symbolique. Dans une perspective socio anthropologique, le jeune camerounais, individu média participe à travers l’espace/temps digital qui rend possible de nouvelles pratiques à la vie démocratique de son pays sera au cœur de notre réflexion. La manière dont ces socionautes prennent la parole sur les plateformes numériques et les registres discursif qu’ils mobilisent sont étudiés pour en saisir le sens et la signification. De la participation à l’engagement citoyen de ces jeunes, nous explorons les nouvelles formes d’expression politique et de l’activisme social qu’ils développent. Autant de pistes principales qu’emprunte ce travail. Une remarque nous semble pertinente à relever au regard de ce récit. C’est que, nous remarquons avec le chercheur Gado Alzouma que l’Afrique occupe une place périphérique dans les recherches qui traitent de la révolution des TIC aux yeux des chercheurs occidentaux. Ce travail, nous semble-t-il, est une opportunité voire une urgence de questionner à notre manière le continent de Cheik Anta Diop, de Wolé Soyinka, de Mongo Beti quant aux évolutions et mutations sus-indiquées. I. Les technologies numériques. Le temps de l’inédit. A partir de ce qu’on vient de voir, l’histoire (de)montre que l’apparition des nouvelles technologies dans les sociétés humaines est toujours génératrice d’un certain type d’attirail terminologique. Des expressions telles que la société de l’information, la société en réseaux, la société de la communication, ou encore la société numérique9 en sont une preuve et font notamment partir de cet outillage théorique né de l’essor des technologies de l’information et de la communication lesquelles nous aurait logé fatalement dans l’enseigne de la société numérique. Bénéficiant d’une certaine légitimité conceptuelle acquise des sciences sociales et humaines, elles sont l’expression de la naissance d’une nouvelle ère annoncée par ces sciences elles-mêmes. 9Voir notamment Manuel Castel, (1998) La société en réseaux. L’ère de l’information (2001), Fayard ; Isabelle Compiegne (2011) La société numérique en question(s), Ed des sciences sociales. 2 Gado Alzouma (2009) « Téléphone mobile, Internet et développement : l’Afrique dans la société de l’information ? », tic&société (en ligne), vol 2, n°/2008, consulté le 23 septembre 2019. 3 Toffler A. (1980) The Third Wave, New York, William Morrow and Company ; Negroponte N. (1996) Being Digital, New York, Vintage ; Barlow J.P. (1996) « Declaration of Independence of the Cyberspace » ; Thèse rédigée et soutenue par Alain christian MOUANDJO EBONGUE Page 3 Jeunesse camerounaise et prise de parole politique à l’âge du digital. 1.1 Des Théories technicistes très dithyrambiques. Analysant le téléphone mobile, Internet et le développement en Afrique, Gado Alzouma10 nous apprend qu’au cours des années 1980 et plus tard uploads/Societe et culture/ chapitre-premier-i 1 .pdf
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- Publié le Apv 20, 2021
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