CONFLIT DES CULTURES DANS LA CONSTITUTION DE SOI L'apport de l'approche ethnops
CONFLIT DES CULTURES DANS LA CONSTITUTION DE SOI L'apport de l'approche ethnopsychiatrique Charles Di et Marie Rose Moro CNAF | Informations sociales 2008/1 - n° 145 pages 16 à 24 ISSN 0046-9459 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2008-1-page-16.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Di Charles et Moro Marie Rose, « Conflit des cultures dans la constitution de soi » L'apport de l'approche ethnopsychiatrique, Informations sociales, 2008/1 n° 145, p. 16-24. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour CNAF. © CNAF. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF 16 Informations sociales n° 145 L’individu et ses appartenances P E N S E R L’ I N D I V I D U Charles Di – psychologue clinicien et chercheur, consultation transculturelle, service de psychopatholo- gie de l’enfant à l’hôpital Avicenne (Bobigny) Marie Rose Moro – professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Université de Paris-XIII, chef de service, hôpital Avicenne Conflit des cultures dans la constitution de soi L’apport de l’approche ethnopsychiatrique Vivre au-delà de ses propres frontières oblige à des réaménagements de tous ordres : culturels, psychiques et symboliques. La nécessité de se distancier du passé et celle de s’inscrire dans le présent pour s’inté- grer fragilisent les personnes. Quelles ressources internes et externes ces dernières sont-elles alors capables de mobiliser ? En situation de migration, au carrefour des cultures, il est exigé de l’individu des réajustements et des réamé- nagements de soi (1). De nos jours, de plus en plus de gens quittent leur pays, leur milieu de vie, leur culture. En partant de chez eux, ils s’éloignent de leur façon de penser, d’être et de faire. Ils vont à la rencontre d’autres représentations du monde, d’autres systèmes de croyan- ce et de valeurs. Mais ce passage d’un univers à un autre se fait-il sans heurt ? À quoi s’exposent ceux qui migrent ? Et, en écho, comment ceux qui les reçoivent sont-ils sollicités ? Comment se traduit cette rencontre dans les interactions, dans les comportements des indi- vidus et dans les processus psychiques sous-jacents ? L’altérité culturelle produit des possibilités de réponses infinies. Nous les examinerons ici du point de vue de l’ethnopsychanalyse, dans sa double approche à partir de l’anthropologie et de la psychanalyse (Moro, 1998). ! Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF 17 n° 145 Informations sociales L’individu et ses appartenances P E N S E R L’ I N D I V I D U La culture, du particulier à l’universel Les ethnologues nous ont appris que l’homme est un être de culture (Róheim, 1943). “Il n’y a pas de socié- té ni même d’individu « inculte »”, (“uncultured’’, sans culture), notait Linton (1977, p. 32). De ce point de vue, la culture est universelle, non pas au sens où elle serait la même partout, mais au sens où tout homme en est issu, comme il parle une langue. On se trouve là en face de la dialectique de l’un et du multiple, de l’uni- versel et du particulier. Qu’est-ce qui est universel et qu’est-ce qui est particulier dans la culture ? Lévi-Strauss (1947), étudiant la notion d’inceste, montre que la prohibition de relations sexuelles dans une parentèle est un fait commun aux sociétés humaines, dans l’état toutefois des observations anthro- pologiques. En revanche, la détermination de liens de parenté qui concernent cet interdit varie d’une société à une autre, d’une culture à une autre, d’une ethnie à une autre. En effet, “l’interdiction du mariage entre proches parents peut avoir un champ d’application variable selon la façon dont chaque groupe définit ce qu’il entend par proche parent ; mais […] cette inter- diction […] est toujours présente dans n’importe quel groupe social” (p. 10). On pourrait faire le paral- lèle (Moro, 2007) avec l’amour que l’on porte aux enfants. Sentiment universellement partagé et vécu de manière différente. Si le principe est universel, les applications pratiques sont relatives. Chaque culture place et déplace ses normes et ses valeurs. Ces particularités qui témoignent tout autant de l’universalité de la culture sont d’ailleurs bien connues du sens commun. Ne dit-on pas commu- nément : “À Rome, il faut faire comme les Romains” ? Mais que cela implique-t-il pour un individu d’être dans un univers culturel autre, en situation transcultu- relle ? La diversité des cultures Nous trouvons presque autant de définitions de la culture que d’auteurs (Moro, 1994). L’anthropologue améri- cain Ralph Linton (1977, p. 33) explique cette diversité par le fait que chacune des définitions est fonction de l’angle adopté. Nous nous référons à J. P. Lederach Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF 18 Informations sociales n° 145 L’individu et ses appartenances P E N S E R L’ I N D I V I D U (1995, p. 9). La culture est perçue, selon lui, comme un ensemble de connaissances : des schèmes de comporte- ments et de pensée créés et partagés par un ensemble de personnes pour percevoir, interpréter, exprimer et répondre aux réalités sociales autour d’elles. Selon Kaës et al. (1998), “la culture est, à ce niveau interne, l’ensemble des dispositifs de représentations symbo- liques dispensateurs de sens et d’identité, et à ce titre organisateurs de la permanence d’un ensemble humain, [des] processus de transmission et de trans- formation. Elle comporte nécessairement un disposi- tif d’auto-représentation, qui implique la représenta- tion de ce qui n’est pas elle, de ce qui lui est étranger, ou de ce qui lui est attribué” (p. 1). La culture apparaît alors comme un ensemble plus ou moins partagé de savoirs, savoir-faire et savoir être, relatif à un univers culturel. Ces modèles partagés iden- tifient les membres d’un groupe culturel, en les distin- guant d’un autre groupe. La culture est acquise, apprise. Elle est intériorisée. De ce fait, elle structure et détermine le comportement de l’individu. Elle lui fournit une grille de lecture et de décodage de la réalité sociale. Comme le dit Linton : “La culture en tant qu’ensemble fournit aux membres de toute société un guide indispensable pour toutes les circonstances de la vie” (1977, p. 23). En tant que telle, elle met à sa disposition des schèmes comportementaux d’adaptation en lien avec un envi- ronnement particulier. Souffrance identitaire et différence culturelle La migration introduit une série de discontinuités entre les modèles de comportements appris et l’environ- nement dans lequel on se trouve. Vivre dans son milieu culturel n’est pas un état de fait ordinaire et naturel, même si cela paraît spontané. C’est un processus qui s’étaye sur un univers de signifiants, à partir d’un environnement humain et institutionnel donné. La migration introduit une série de discontinui- tés et de dysfonctionnements qui rend difficile le déploiement de ce processus. Elle fait émerger de nou- velles exigences. Le migrant se trouve dans un monde dont il ignore les codes. Il est parfois partagé entre la Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 31.33.186.92 - 20/12/2013 02h01. © CNAF 19 n° 145 Informations sociales culture de dedans et la culture de dehors, pour emprun- ter à T. Nathan (2001, p. 33). Cela souligne la question du sujet dans un contexte de différence culturelle. Du point de vue de la psychanalyse, l’analyse de Kaës et al. (1998) part du concept de différence dans l’œuvre même de Freud, où il est parfois associé à celui de l’étranger, souvent lié aux sentiments de déplaisir et d’hostilité. Notamment lorsque Freud évoque le narcis- sisme des “petites différences”. Kaës souligne plu- sieurs effets négatifs de la différence : le déplaisir, lié à la confrontation au “non-moi” assimilé ici au “non- bon”, source de “non-plaisir” ; la souffrance qui tient au “non-lien”, à la séparation qui se traduit en termes d’éloignement par rapport au corps maternel ; l’expé- rience de la différence, celle de l’altérité, du “non-le même” ; enfin le désagrément et la souffrance du “non- nous”. Ainsi, “les représentations et les affects associés à ces expériences de la différence sont d’abord marqués d’un signe négatif” (p. 10). La différence dans la réali- té psychique est marquée, dans un premier temps, par la violence uploads/Societe et culture/ charles-di-et-marie-rose-moro-2008-conflit-des-cultures-dans-la-constitution-de-soi.pdf
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- Publié le Jan 25, 2021
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
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