Les corpus oraux et leur didactisation Coordonné par Véronique Bourhis et Roxan

Les corpus oraux et leur didactisation Coordonné par Véronique Bourhis et Roxane Gagnon études de linguistique appliquée revue de didactologie des langues-cultures et de lexiculturologie Didier Érudition Klincksieck 198 avril-juin 2020 198 avril-juin 2020 Les corpus oraux et leur didactisation Coordonné par Véronique Bourhis et Roxane Gagnon Didier Érudition Klincksieck études de linguistique appliquée revue de didactologie des langues-cultures et de lexiculturologie Les corpus oraux et leur didactisation Les corpus parlés et leur didactisation : quelle parole (ap)prise dans l’espace de la classe ? Introduction................................ 133 par Roxane GAGNON et Véronique BOURHIS Pour un français parlé de référence à partir de corpus. ............ 137 par Christophe BENZITOUN D’une parole individuelle à une dynamique argumentative collective.............................................................................. 149 par Sylvie PLANE S’approprier les constructions des verbes se souvenir et oublier : prendre en compte la parole des élèves allophones................. 163 par Marie-Noëlle ROUBAUD et Marie-Laure ELALOUF Le synopsis comme annotation d’un corpus filmique. De l’objet enseigné à l’objet de recherche. ............................................. 181 par Véronique BOURHIS Des corpus vidéo pour (re)construire l’intention de la parole multimodale de l’enseignant. .................................................. 195 par Brahim AZAOUI Des corpus pour travailler la compréhension de l’oral. .............. 207 par Jean-François DE PIETRO, Roxane GAGNON et Christian REHM Didactiser des corpus de documents authentiques pour ensei- gner à interagir en langue étrangère...................................... 225 par Élodie OURSEL Les enjeux de la compréhension du français oral quotidien en FLE : création d’une base de données de français parlé annoté. 241 par Christian SURCOUF BIOBIBLIOGRAPHIE DES CONTRIBUTEURS............................ 257 DES CORPUS VIDÉO POUR (RE)CONSTRUIRE L’INTENTION DE LA PAROLE MULTIMODALE DE L’ENSEIGNANT Résumé : Cette contribution propose une analyse croisée de commentaires métalangagiers évaluatifs émis par une enseignante filmée dans ses cours de français langue première et seconde. Visionnés par le chercheur, ils sont d’abord pris comme objets d’étude pour en comprendre la réalisation multi- modale. Visionnés par les élèves destinataires de ces commentaires, ils sont l’objet de métadiscours dont l’analyse offre l’occasion d’observer dans quelle mesure les apprenants s’appuient sur divers paramètres pour comprendre l’in- tention de l’acte évaluatif en contexte. Cela nous invite à réfléchir à la dimen- sion réflexive concernant le discours pédagogique et l’emploi d’un français de scolarisation que l’utilisation de corpus de classe permet de développer chez les apprenants. La poursuite et la réussite de l’objectif d’apprentissage sont un processus collaboratif. L’expérience intersubjective et donc la compréhension de l’inten- tionnalité, consciente ou non, contenue dans les interventions de chacun vont être des paramètres essentiels dans sa réalisation. Cela étant dit, la compréhension de l’intentionnalité d’autrui n’est pas tou- jours évidente. D’une part, celle-ci n’est pas toujours consciente : le corps peut parfois « dire » notre intention avant même/sans que nous en ayons (encore) conscience (Azaoui, 2017). D’autre part, certains paramètres culturels (Duranti, 2006) peuvent freiner son appréhension, par exemple le degré de familiarité des élèves avec le fonctionnement de leur enseignant ou de l’institution scolaire. Ainsi, les élèves allophones nouvellement arrivés en France (EANA) sont confrontés à une culture éducative (Beacco et al., 2005) qui ne partage pas nécessairement les mêmes normes scolaires (Azaoui, 2016) que celles aux- quelles ils ont pu être confrontés dans leur scolarité au cours de leur parcours migratoire. Si une part de la compréhension de l’intention visée par l’enseignant est dépendante de la compréhension linguistique de l’énoncé, d’autres aspects sont liés aux éventuels implicites culturels (au sens notamment de culture scolaire) qui opacifient potentiellement le message et échappent aux élèves, qu’ils soient allophones ou francophones. Or, tout élève ne peut coopérer que 196 s’il est en mesure de (re)construire le sens de l’interaction, de ses enjeux et de l’intention conversationnelle (et donc pédagogique). Une manière de le faire est de filmer et analyser des séances dans des dis- positifs pour élèves allophones arrivants (UPE2A) et dans des classes dites ordinaires, mais aussi de mener et filmer des entretiens hétéroscopiques avec des élèves (Azaoui, 2019a), à partir d’un corpus vidéo de séances de classe, pour évaluer leur degré de compréhension des intentions de leur enseignante. Dans une conception multimodale de la communication, nous considérons les réalisations mimo-gestuelles de l’enseignante comme des supports à prendre en compte dans la construction du sens. Ainsi, cette contribution s’attachera à montrer comment des corpus vidéo peuvent permettre l’analyse multimodale à même d’appréhender les gestes professionnels et les intentions pédagogiques dont ils sont vecteurs. Nous argumentons en faveur d’un usage de ce type de corpus audiovisuels comme outils d’oral réflexif permettant une meilleure compréhension des rôles de la parole dans la classe. 1. ENSEIGNER-APPRENDRE EN FRANÇAIS ET CONSTRUCTION DE L’INTENTION La question du traitement didactique de l’oral en classe de français est un sujet qui souffre de son apparente évidence. Les compétences qui lui sont propres ne nécessiteraient pas de prise en charge par l’école. Cette partie revient sur cette conception erronée qui concerne également la compréhension de l’oral et propose de s’arrêter sur l’intérêt de mettre en place un oral réflexif pour favoriser le traitement didactique de ce domaine. 1. 1. La place de l’oral dans les apprentissages L’histoire de la didactique de l’oral est une « histoire à éclipses » (Nonnon, 2011 : 184). Ce champ est mis en lumière par intermittence alors qu’il mérite une attention continue car, d’une part et quelle que soit la discipline, il a un rôle central dans les apprentissages scolaires et, d’autre part, la littérature scientifique fait état d’une conception vraisemblablement erronée de l’apprentissage/enseignement scolaire de l’oral selon laquelle il suffirait que l’école apprenne à l’enfant « à réaliser des opérations complexes à l’oral (raconter, décrire, argumenter, expli- quer des procédures…) » (Maurer, 2001 : 43). Pour ce qui relève de la portée pragmatique des formes linguistiques, elle « serai[t] automatiquement donné[e] à l’enfant avec l’accroissement de ses compétences linguistiques » (ibid. : 44). Il semble en être de même avec la compétence liée à la compréhension de l’oral : « Tout se passe comme si comprendre résultait naturellement de la pratique des activités scolaires et de l’enseignement de la langue » (Verdelhan- Bourgade, 2003 1). Il est assez fréquent d’observer des pratiques de classe de 1. Référence numérique sans pagination, ni indication de paragraphe. 197 langues (français inclus) visant à entrainer les élèves à apprivoiser différents types d’interactions et genres de discours oraux, produits dans des contextes différents. Si un travail sur l’écoute de l’oral peut aider des élèves à « tenir compte de ce que dit un camarade, à lui répondre, à se situer par rapport à lui » (Nonnon, 2011 : 197), peut-être peut-on également considérer qu’un travail similaire sur le dire de l’enseignant peut être envisagé pour familiariser les élèves aux spécificités du discours pédagogique, complexe notamment parce qu’il est souvent à cheval sur plusieurs temps didactiques (l’activité faite, à faire et en train d’être faite) et qu’il contient plusieurs éléments d’information que l’élève doit être en mesure de distinguer pour comprendre les attendus de son enseignant. L’intérêt d’une telle formation à la compréhension nous parait également pertinent en ce que le discours pédagogique revêt une dimension interculturelle non négligeable puisqu’il met en contact des normes divergentes selon les disciplines, les niveaux d’enseignement, le français utilisé (social vs scolaire), et a fortiori selon les cultures éducatives. 1. 2. L’oral réflexif en français langue de scolarisation À ce sujet d’ailleurs, il s’avère nécessaire de distinguer le français langue maternelle du français langue de scolarisation (Verdelhan-Bourgade, 2002) pour signaler les spécificités de ce domaine-ci qui demande des compétences particulières. D’ailleurs, comprendre les éléments relevant de la dimension linguistique de l’oral ne suffit pas toujours à des élèves français, a priori aguerris aux échanges de classe en France, pour saisir l’intention du message (Azaoui, 2019a). Dès lors, nous pouvons supposer que des élèves allophones, dont la maitrise du français et de ses codes communicationnels est en cours de construction, seront d’autant plus susceptibles d’être confrontés à de telles situations d’incompréhension. Il apparait dès lors nécessaire d’accompagner ces élèves allophones dans une appréhension apaisée des échanges de classe dites ordinaires dont la spontanéité et le caractère polylogal (Bouchard, 2005) peut déstabiliser par son aspect que d’aucuns pourraient trouver désorganisé. Verdelhan-Bourgade (2003) a proposé une ébauche de typologie d’actes de compréhension qui peut se révéler intéressante dans le cadre d’enseignement consacré à ce domaine en français langue de scolarisation : « - les actes de repérage ; - les actes d’inférence ; - les actes de dépassement du dit ; - les actes de relation ; - les actes de classement ; - les actes de création. » Un point en particulier nous intéresse : celui des « actes de dépassement du dit » qui requièrent une aptitude à accéder notamment à l’implicite, à ces non-dits qui participent pourtant à l’intention de l’enseignant. Verdelhan- Bourgade (ibid.) y inclut : « en deçà : - repérer et interpréter les implicites, les ellipses ; 198 - remplir les « blancs du discours» ; au-delà : - anticiper, comprendre la suite ; - deviner où on veut nous mener ; - faire des hypothèses. » Travailler ces actes-ci peut s’effectuer en mettant en œuvre un uploads/Societe et culture/ corpus-video-dans-la-formation-des-eleves.pdf

  • 13
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager