CRIMINOLOGIE Pr. Mohamed JAOUHAR 1 Introduction générale: Observations prélimin

CRIMINOLOGIE Pr. Mohamed JAOUHAR 1 Introduction générale: Observations préliminaires Le crime est un phénomène universel, auquel se trouve confronté toutes les sociétés. Sa connaissance s’impose, vue son caractère énigmatique et problématique. Ainsi, la criminologie en fait son objet d’étude car, littéralement parlant, c’est la science du crime, ou encore de manière générale, la science du phénomène criminel. A l’égard de ce phénomène, il est nécessaire de formuler trois observations préliminaires: 1) Le crime est un phénomène humain: En ce sens qu’il est propre à l’être humain. Même l’animal le plus féroce ne saurait commettre des actes criminels, puisqu’il est incapable de distinguer entre le bien et le mal, et par conséquent, il ne pourra faire l’objet de responsabilité. En outre la criminalité est congénitale à l’humanité, depuis sa présence sur terre. Le récit du meurtre d’Abel commis par son frère Caïn est très significatif à cet égard. 2) Le crime est un phénomène social: En ce sens qu’on ne peut pas envisager d’action criminelle en dehors de l’existence d’un groupement social. Peu importe la taille de ce groupement, il constitue une condition sine qua none à l’expression du comportement criminel. A ce propos, le comportement criminel dans sa dimension sociale constitue l'un des thèmes majeurs de la sociologie. 3) Le crime est un phénomène culturel: En ce sens qu’il évolue par rapport à l’évolution des sociétés, et qu’il est déterminé en fonction de la culture de chaque société. Le même acte peut être considéré comme criminel pour une société, et non criminel pour une autre société. C’est dans ce sens, qu’on parle de la relativité du crime dans le temps et dans l'espace. Ainsi en fonction des valeurs et des normes de chaque société le même comportement peut constituer ou ne pas constituer une infraction punissable. C'est en quelque sorte la culture de la société qui qualifie un acte comme étant criminel. 2 Chapitre I: Criminologie et sciences criminelles 3 PI: Émergence et caractéristiques de la criminologie En tant que science, la criminologie est d’apparition récente, elle remonte, en quelque sorte à la fin du 19ème siècle. Cela ne signifie pas l’absence de toute réflexion sur le comportement criminel de l’Homme. Il s’agissait auparavant beaucoup plus d’idées philosophiques ou littéraires, que d’une véritable approche scientifique. L’histoire du savoir criminologique retient les noms des trois pionniers italiens de cette discipline. En premier lieu, le médecin-légiste Cesare Lombroso, qui a publié en 1876, un ouvrage intitulé «L’Homme criminel». Lombroso a condensé, en quelque sorte, les conclusions de ses observations à partir d’autopsies pratiquées sur certains criminels. En deuxième lieu, le juriste et sociologue Enrico Ferri a publié en 1881 un ouvrage intitulé «La Sociologie criminelle». Dans cet ouvrage, il consacre certaines idées de Lombroso, mais il traite le comportement criminel dans le cadre d’une analyse sociologique. C’est à Ferri que revient le mérite de l’intégration des mesures de sûreté dans le système pénal. En troisième lieu, le pénaliste Rafaëlle Garofalo a publié en 1885 un ouvrage intitulé «Criminologie». Ce terme fait son apparition pour la première fois dans le monde scientifique. C’est dans cet ouvrage que Garofalo a avancé cette distinction célèbre entre les infractions naturelles et les infractions conventionnelles. Ces trois mousquetaires peuvent être considérés, à juste titre, comme les véritables fondateurs de la criminologie et les illustres représentants de l’école positiviste. Cette science a pu se développer par la suite grâce à l'organisation de congrès et à des formations dispensées par des Instituts de Criminologie du monde occidental dans les différents domaines de cette discipline, ainsi qu’à travers de nombreuses recherches et publications scientifiques se rapportant aux différents thèmes de la criminologie. 4 Cette science qui s’intéresse au crime et au criminel, mais également à la victime se trouve au carrefour de plusieurs disciplines. Prenant le comportement de l’Homme dans sa dimension sociale, elle relève à la fois des sciences humaines et des sciences sociales. S’intéressant à l’Homme dans sa dimension criminelle, elle relève pleinement de l’anthropologie. Cette forme d’anthropologie est qualifiée d’anthropologie criminelle. En étudiant et en analysant le comportement criminel de l’être humain, elle ferait sans aucun doute partie des sciences comportementales (Béhaviorisme). Le phénomène criminel peut être analysé et expliqué à travers plusieurs angles de vue, soit biologique, soit psychologique, soit encore sociologique. Ainsi, on peut se placer sur le terrain de la biologie criminelle, ou sur le terrain de la psychologie ou psychiatrie criminelle, ou encore sur le terrain de la sociologie criminelle. Ainsi, différentes sciences peuvent être mobilisées pour comprendre et expliquer les facteurs du comportement criminel. C’est la raison pour laquelle, on qualifie la criminologie de science de carrefour. Mais quel que soit le terrain sur lequel on se place, chaque fois qu’on étudie les facteurs du comportement criminel, on se trouve dans le cadre de l’étiologie criminelle, qui signifie la recherche de la causalité criminelle et des facteurs qui ont présidé au comportement criminel. En tant que science, la criminologie essaie, de manière générale, d’étudier, d’analyser, de comprendre et d’expliquer le phénomène criminel, et de manière particulière d'aborder le comportement criminel de l’Homme en faisant appel à plusieurs sciences. Elle peut également constituer une source d’inspiration pour le droit pénal, visant à prévenir et à combattre la criminalité et à envisager un traitement spécifique pour chaque type de criminels. Cependant, la criminologie a sa propre particularité par rapport au droit pénal. D’abord la notion de crime n’est pas entendue de la même manière. Si le droit pénal saisit l’infraction en fonction de trois concepts, crime, délit, contravention; pour la criminologie le terme crime est conçue de manière très large, en englobant les trois 5 concepts précédents. La criminologie élargit davantage son terrain, en s’intéressant non seulement à la délinquance, mais également à la déviance. Sur un autre plan, si le droit pénal saisit le phénomène criminel à travers un catalogue d'infractions, c'est à dire un ensemble d’actes incriminés et punis par la loi pénale; la criminologie s’intéresse plutôt aux différents profils des personnalités criminelles, en érigeant des typologies criminelles, c’est-à-dire des classifications en fonction des différents types de criminels. Ainsi, au lieu de s’intéresser à la responsabilité fondée sur le libre arbitre, elle préfère évaluer la dangerosité du criminel. Dans ce sens, on peut affirmer que le droit pénal a une approche objective, alors que la criminologie a une approche subjective. Malgré toutes ces différences, la criminologie a toujours constitué une source d’inspiration pour le droit pénal, qui n’a pas hésité à intégrer certains apports de celle-ci. Ainsi sur la base du principe de l’individualisation de la sanction, qui constitue l’expression même d’une approche subjective qui s’intéresse à la personnalité du délinquant, le droit pénal a intégré plusieurs mécanismes proposés par la criminologie. Il en est ainsi, du minimum et du maximum de la peine, des mesures de sûreté, des circonstances aggravantes et des circonstances atténuantes, du sursis, de la récidive, ou encore de l’excuse absolutoire et de l’excuse atténuante, de même en ce qui concerne les peines alternatives. Tous ces mécanismes et d'autres essaient d’adapter la sanction en fonction de la dangerosité du criminel. En fait, la dangerosité constitue un concept clef de la criminologie. PII: Le bloc des sciences criminelles A vrai dire la criminologie n’est pas la seule science qui s’intéresse au criminel et au crime, d’autres disciplines s’intéressent aussi au crime et au criminel, mais de leur propre point de vue. En fait la criminologie n’est qu’une discipline parmi d’autres dans le bloc des sciences criminelles. Ce bloc se compose de disciplines à caractère normatif, c’est le cas pour le droit pénal général, le droit pénal spécial 6 et d’autres matières relevant du champ pénal. Ce bloc se compose aussi de disciplines explicatives, comme la criminologie ou la pénologie ou encore la politique criminelle. Il se compose enfin de disciplines considérées comme auxiliaires, apportant leur concours à la justice pénale, c’est le cas pour la criminalistique, la médecine légale ou encore la psychologie judiciaire. Afin donc de distinguer le champ de ces disciplines par rapport à celui de la criminologie, il est nécessaire de faire la connaissance de certaines disciplines. A- La criminalistique et les sciences forensiques La criminalistique est une discipline technique, qui englobe dans la conception française uniquement la police technique et la police scientifique. Dans cette conception la médecine légale est considérée comme une science à part. Par contre dans la conception anglo- saxonne, on utilise plutôt l’expression Forensic Sciences, traduite en français à travers l’expression: Sciences forensiques, qui signifie sciences légales, ou sciences au service de la loi. Contrairement à la criminalistique la notion de sciences forensiques est beaucoup plus large que la criminalistique. Ces sciences englobent la police scientifique, la police technique, la médecine légale, et toutes les disciplines scientifiques qui peuvent apporter leur concours à la justice pénale. Qu’il s’agisse de criminalistique ou de sciences forensiques, on est bien devant des disciplines ayant une vocation probatoire (cherchant les preuves) pour la justice pénale, dans la mesure où faisant usage de leurs connaissances, elles permettent de fournir des preuves scientifiques à la justice criminelle. uploads/Societe et culture/ criminologi-1 2 .pdf

  • 18
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager