L’EDUCATION A L’IMAGE DANS UN PROJET EDUCATIF GLOBAL Cinéma, audiovisuel et mul
L’EDUCATION A L’IMAGE DANS UN PROJET EDUCATIF GLOBAL Cinéma, audiovisuel et multimédia au service d’une mission éducative généralisée Damien ROUCOU délégué pédagogique du « site.TV » Education à l’image : on fait le point ! Nous savons que les enseignants utilisent peu l’audiovisuel en classe. On sait pourtant qu’ils sont la catégorie sociale qui fréquente le plus les salles de cinéma et qu’ils consomment des produits audiovisuels ou numériques, tels que les DVD, en plus grand nombre que la moyenne nationale. D’où provient cet écart ? Pourquoi les élèves, qui en dehors de la classe ou des cours sont de plus en plus attirés, voire aimantés, par les nouveaux médias et les supports numériques, ne bénéficient pas d’un enseignement de l’image digne de les aider à mieux comprendre ces images ? A l’heure de la société de l’information, la communication médiatique semble encore cantonnée au loisir et au divertissement. Du point de vue de l’institution éducation nationale la culture télévisée et internet des jeunes représente plus un objet d’étude sociologique qu’un ensemble de cas pratiques ou d’exemples d’investissement d’espaces d’expression. Mais d’ailleurs, l’école doit-elle s’intéresser à cette culture, à ces films, ces documentaires, ces séries, ces news et ces vidéos-clip ? le « podcasting », c’est-à-dire la mise en ligne sur internet de vidéos, mais aussi de sons ou de textes, pour les rendre accessible au plus grand nombre, serait-il un geste d’un intérêt pédagogique quelconque ? Comme le disait Jacques Gonnet en exergue de son étude sur l’éducation aux médias, « l’idée d’éduquer aux médias est séduisante mais équivoque »1. Se pose la question de la place de l’audiovisuel dans l’éducation : l’éducation doit-elle s’intéresser aux médias ? Les médias doivent-ils être enseignés ? Après tout il n’existe pas de cours de cinéma ou d’audiovisuel ? Ni d’ailleurs d’éducation aux mathématiques ? N’étant pas une discipline scientifique l’audiovisuel serait-il voué à disparaître des programmes ou bien alors devenir une part de chacune des disciplines scolaires ? Au risque selon certains d’une perte de sa spécificité ? L’approche doit-elle être uniquement disciplinaire ou bien transdisciplinaire ou encore médiologique 2. Et quelle formation proposer aux enseignants le cas échéant ? La réalité nous montre que la place et l’intérêt des images en mouvement sont reconnus dans les programmes mais pas systématiquement pris en compte dans la formation des enseignants, ni dans l’évaluation (des profs et des élèves), ni intégrés à une approche globale dans la vie de l’élève. De plus, persiste une crainte sur la présence de la violence à la télévision, d’une violence intrinsèque de la télé, comme média promoteur d’une perturbation cérébrale. Plusieurs manques sur la dimension sociale du cinéma sont particulièrement révélateurs, mais n’étant pas au cœur du projet scolaire d’éducation à l’image semblent trop subalternes et empêchent de percevoir sa spécificité même, l’influence globale que ces images ont sur la représentation du monde chez les jeunes. 1 Education aux médias, les controverses fécondes, Jacques Gonnet, Hachette-CNDP, Paris, 2001. 2 sur la relation entre transmission et communication, voir Des machines et des âmes, Régis Debray, 3 conférences à la BNF, Descartes & Cie, 2002. L’approche sociétale a longtemps fait défaut dans les analyses ou dans les pratiques autour de l’image. Le rôle ou l’influence sociale de l’audiovisuel au sens large est peu perçu par le monde éducatif justement parce que chacun croit l’avoir correctement compris, comme une sorte de vérité révélée, une connaissance spontanée, une science infuse, une intuition magnifique et évidente. Après expertise, on se rend compte que la connaissance sociale du cinéma dépasse la connaissance du phénomène cinématographique. Les enseignants et les élèves ont en définitive développé un savoir vernaculaire sur la cinématographie. Comme nous le verrons avec les dispositifs de sensibilisation à la culture cinématographique, la dimension spectaculaire du cinéma est souvent trop vite évacuée. La banalisation de l’acte d’aller dans une salle de cinéma pour voir un film a fini par occulter l’interrogation sur l’impact et la charge émotionnelle que représente le film lorsqu’il est vu en salle3. Enfin, pour parvenir à comprendre et redonner du sens à l’hyperconsommation de films, d’images ou d’écrans par les nouvelles générations, il serait nécessaire de mieux cerner l’environnement socio- culturel qu’ils propagent. Dans une société de l’information hyper expressive où les modèles audiovisuels reposent sur la personnalisation et l’individualisation du message, il s’agit d’aider les jeunes dans cette offre de modèles comportementaux et de les protéger contre une uniformisation latente. Il faudrait aussi qu’ils puissent se défendre contre une bonne conscience facile obtenue selon les standards télévisuels actuels par la spectacularisation de l’image de soi. La projection de soi limitée à une « extimité » racoleuse prive le pédagogue de la possibilité de s’appuyer sur ces modes d’expression, souvent très riches et originaux4. La création et la diffusion de modèles de comportement, de modèles socio-culturels, d’archétype de la langue et des langages, la modification des relations humaines par le biais des supports web sont ainsi trop négligés. Les médias télévisés, avec les émissions de télé-réalité, et Internet, la photographie et la vidéo ont mis l’emphase sur l’autoreprésentation. Mais cette évolution n’est pas une impasse. Ne trouve-t-on pas de nombreuses tentatives de création, des propositions artistiques, littéraires, des journaux intimes mais aussi des prises de position politique ? Nous pouvons effectivement constater qu’avec la démocratisation et la multiplication des outils de production s’ajoute une surabondance d’informations, qui sème d’ailleurs le flou entre pratiques amateurs ou désirs semi-professionnels, expériences initiatiques et nouveaux rites de passage à l’âge adulte, entre actions militantes et blagues de potache. Ce regard tourné vers soi et soumis au jugement anonyme du grand public est sans doute le signe d’une société en manque de projet collectif. C’est également le signe que dans la démarche de construction de l’identité, les nouvelles technologies offrent l’opportunité d’appréhender par soi-même le monde qui nous entoure en dehors des systèmes de validation classiques. Or ces méthodes « fabriquées » ou du moins suivies par les jeunes pour apprendre autrement via l’imagerie moderne restent très peu reconnues par l’institution scolaire ou universitaire. Bref, nous pouvons dire que la culture numérique dans son ensemble est acceptée comme outil mais encore peu utilisée en classe et in fine laissée aux jeunes, livrés à eux-mêmes face aux sollicitations des industries culturelles et des fabricants d’objets communicants. La mission de l’école devrait être d’investir cette sphère nouvelle comme étant un champ d’expressions et d’expérimentations pédagogiques inédit. C’est un enjeu démocratique que de s’emparer des supports de communication plutôt que de laisser toute une génération subir la pression marketing des marchands de rêve. 3 étude réalisée en 2002 par le Département des études et de la prospective du Ministère de la Culture et de la Communication, « Impact des dispositifs nationaux de sensibilisation et d’initiation à la culture cinématographique en direction du public scolaire sur la culture et les pratiques des élèves » 4 L’intimité surexposée, Serge Tisseron, Hachette, Paris, 2002. Education à l’image et aux médias : vers une approche culturelle de la transmission des savoirs Si la présence des images dans le quotidien des jeunes n’est plus à démontrer, il n’en va pas de même pour l’utilisation de ces images dans le cadre éducatif. Pourtant, rien n’indique que la lecture des images animées, films, télévision ou internet, soit évidente ou innée. Bien au contraire, c’est à un déficit d’analyse critique, de distanciation et d’appropriation constructive auquel on assiste. Tout se passe comme si la sensibilité des jeunes aux médias, surtout aux nouveaux médias, suffisait. L’incompréhension des adultes (enseignants ou parents) face à certains comportements addictifs des jeunes, ou la fascination pour la dextérité de ceux-ci devant les technologies de l’information et de la communication, n’oblitère pas leur rôle d’éducation. Ce n’est pas parce qu’un enfant a l’habitude de vivre avec des voitures et des motos dans les rues qu’il est dispensé d’éducation à la sécurité routière ! La culture de l’image ne saurait, elle aussi, être acquises de facto parce que l’on va souvent au cinéma ou que la télévision demeure le premier loisir des jeunes. Non seulement, on perçoit mieux la nécessité d’apprendre à déconstruire le processus de fabrication des œuvres audiovisuelles ou numériques, mais on connaît maintenant tout l’intérêt critique qu’il existe à intégrer des images animées dans une séquence d’apprentissage. Tout l’apport sémantique et sémiotique, mais également cognitif, qu’un enseignement à l’image ou par l’image peut procurer fait l’objet de nombreuses publications (cf bibliographie). Un premier élément de réponse est sans doute culturel et historique. Les enseignants - les adultes - n’ont pas grandi dans ce monde d’images en mouvement, d’images mobiles et s’ils le découvrent à présent avec appétit, les dimensions sociales, les implications cognitives, la relation aux savoirs, le supplément de capacité d’expression, relèvent pour eux au mieux d’une logique utilitaire ou domestique. Pour d’autres, ces médias et nouveaux médias restent principalement dans le registre du loisir. Nous aboutissons ainsi à un paradoxe édifiant : nombre d’enseignants ont un rapport, parfois intense, avec le cinéma et l’audiovisuel, beaucoup utilisent internet chez eux, mais très peu utilisent ces supports en uploads/Societe et culture/ education-a-l-image-2-dr.pdf
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- Publié le Aoû 01, 2021
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