Études de stylistique anglaise 12 | 2018 La Société de Stylistique Anglaise (19

Études de stylistique anglaise 12 | 2018 La Société de Stylistique Anglaise (1978-2018) : 40 ans de style La stylistique anglaise comme carrefour de l’anglistique Sandrine Sorlin Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/esa/407 DOI : 10.4000/esa.407 ISSN : 2650-2623 Éditeur Société de stylistique anglaise Édition imprimée Date de publication : 30 janvier 2018 Pagination : 7-35 ISSN : 2116-1747 Référence électronique Sandrine Sorlin, « La stylistique anglaise comme carrefour de l’anglistique », Études de stylistique anglaise [En ligne], 12 | 2018, mis en ligne le 19 février 2019, consulté le 24 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/esa/407 ; DOI : https://doi.org/10.4000/esa.407 Études de Stylistique Anglaise La stylistique anglaise comme carrefour de l’anglistique Sandrine SORLIN Présidente de la SSA Aix Marseille Univ, LERMA, Aix-en-Provence, France Introduction : le paradoxe d’une existence Née du constat d’un manque et d’un geste audacieux, la Société de Stylistique Anglaise (SSA) a émergé dans le paysage de la Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur (SAES) il y a tout juste 40 ans1 et a fonctionné depuis avec une « régularité de métronome »2 pour reprendre l’expression de Gilles Mathis lors du 25e anniversaire de la SSA (alors qu’il en quittait la présidence après plus de dix ans de fidèle dévouement)3. Malgré des débuts plus ou moins difficiles liés à toute création ex nihilo dont les éditoriaux des premiers numéros du Bulletin de la Société de Stylistique Anglaise (BSSA) témoignent, sous la plume de son premier président, Henri Suhamy, la Société n’a fait que se renforcer d’année en année. Les ateliers annuels de la SSA au sein de la SAES qui lui a fait toute sa place (nous rendons ici hommage à Robert Ellrodt qui a su accueillir et favoriser la naissance de la jeune Société) sont depuis l’origine le lieu de rencontres et d’échanges stimulants. 1 La toute première Assemblée Générale de la Société s’est en effet tenue le 7 octobre 1978 de 9h30 à 12h à l’Ecole Normale Supérieure à Paris. 2 BSSA 24 (2004, 7). 3 S’il nous est impossible ici de rendre hommage à toutes les chevilles ouvrières de la Société, trésoriers mais aussi vice-présidents qui ont œuvré pour que la SSA soit ce qu’elle est aujourd’hui, nous saluerons cependant Albert Poyet, trésorier de la Société pendant de nombreuses années, notamment sous la présidence de G. Mathis. LA STYLISTIQUE ANGLAISE COMME CARREFOUR DE L’ANGLISTIQUE Pourtant cette existence relève d’un paradoxe : contrairement à la stylistique française qui jouit d’un fort ancrage institutionnel grâce à la présence d’une épreuve de stylistique aux concours de recrutement des enseignants, la stylistique anglaise n’est pas massivement présente dans les cursus des départements d’études anglophones des universités françaises (voir Maechling dans ce volume) – sans doute en raison de son absence aux concours, lesquels ont tendance à orienter la nature des cours en amont4. Pourtant la SSA est une Société connue et reconnue nationalement, qui se développe à l’international grâce aux liens qu’elle a su tisser avec l’association internationale de stylistique anglaise (PALA, Poetics And Linguistics Association), des professeurs sur des chaires de linguistique se réclament de la stylistique et forment des doctorants de la même sensibilité. Malgré ce terreau favorable, la stylistique ne fleurit guère au sein des intitulés de profils de postes qui restent conformes aux traditionnelles dénominations (littérature, civilisation, linguistique, traduction et plus récemment anglais de spécialité). L’on peut se consoler en concevant cette sous-représentation de la stylistique dans les appareils institutionnels comme un gage de créativité. Maître de conférence à la Sorbonne, spécialiste de stylistique française du texte littéraire, Cécile Narjoux (2012, 11) semble envier à la stylistique anglaise en France sa liberté hors des concours d’enseignement qui « contribuent à forclore le champ de la réflexion ». La position excentrée de la stylistique anglaise serait ainsi garante d’une recherche hors des sentiers battus (disciplinaires). Il me semble que ce décalage entre situation d’inconfort institutionnel et rayonnement de la recherche en stylistique (inter)nationale est révélatrice du paradoxe d’une discipline qui n’existe nulle part mais qui pourtant, pour reprendre une expression fétiche de Jean-Jacques Lecercle, un autre pilier fondateur de la Société, « insiste ». La stylistique « insiste », d’où son existence éminemment paradoxale : elle est à fois contournée et incontournable. C’est à l’« inévitabilité » de la stylistique que sont consacrées les sections 2 et 3 de ce chapitre, tentant de montrer, avec l’audace autorisée par les célébrations d’anniversaire, la centralité de la stylistique au sein de l’anglistique. Après un retour sur les 4 Et ce malgré les tentatives répétées de G. Mathis en faveur d’une plus grande intégration de la stylistique dans la formation universitaire et comme épreuve aux concours de l’agrégation (voir notamment le « Rapport sur le secteur n°14 : stylistique anglaise » dans le Livre Blanc de la recherche en études anglophones 2001, http://doczz.fr/doc/4152007/ livre-blanc---recherche) 8 Sandrine SORLIN conditions de naissance de la Société, un coup de projecteur sur ce qui en constitue ses valeurs et son credo, selon moi inchangés malgré les évolutions nécessaires, puis une projection en forme de pari sur l’avenir de la stylistique, ce chapitre présentera les contributions de chaque auteur de ce volume anniversaire, témoins privilégiés de la vigueur de la Société, que je remercie chaleureusement d’avoir accepté mon invitation avec spontanéité et enthousiasme. De l’artisanat au numérique : fidèles évolutions Des origines à nos jours La Société de Stylistique Anglaise est issue d’une audace personnelle, d’un climat de recherche (collective) et d’un contexte. C’est au cours d’une réunion de la SAES à Paris qu’Henri Suhamy (Paris Nanterre) a demandé la parole pour faire part de son souhait, relevant à ce stade d’une initiative purement individuelle, de former une société sur le modèle de celles qui existaient déjà, consacrée à la stylistique. Avec le recul, le fondateur de la SSA s’étonne aujourd’hui de cette hardiesse5. Mais, comme souvent, les idées germent sur un sol fertile. Sans doute cette volonté de porter la stylistique à la lumière a été inspirée d’un groupe de recherche mené à Aix-en-Provence par Jacques Roggero, le GRES (Groupe de Recherches et d'Etudes Stylistiques) ayant amorcé depuis sa création en 1975 une réflexion interdisciplinaire sur la stylistique. Bref, la nécessité de théoriser et de fédérer les études stylistiques était dans l’air du temps. H. Suhamy a su créer les conditions de la mise en place de la SSA qui, contrairement au GRES, ne se voulait pas à l’origine un groupe de recherche mais un lieu ouvert à tous, y compris à ceux qui n’avaient pas l’intention de travailler sur le sujet. L’appel d’Henri Suhamy a alors rencontré des échos favorables chez des collègues travaillant déjà dans le domaine de la stylistique, comme Gilles Mathis, membre actif du GRES et adhérent de la première heure de la SSA, plutôt littéraire que linguiste, préparant une thèse sur le style de Milton6 dans une perspective de 5 Communication personnelle. Tous les anciens présidents m’ont accordé de leur temps pour me faire part de leur rôle et de leur perception de la Société au moment où ils en étaient présidents. Je tiens à leur adresser mes plus sincères remerciements pour leur disponibilité, présence et soutien. 6 Analyse stylistique du ‘Paradis perdu’ de John Milton: l’univers poétique, échos et correspondances (1987). 9 LA STYLISTIQUE ANGLAISE COMME CARREFOUR DE L’ANGLISTIQUE stylistique structurale (Michael Riffaterre) et de stylistique des effets (Stanley Fish), et Geneviève Hily-Mane, américaniste officiellement spécialisée en linguistique et qui préparait sa thèse sur le style d’Hemingway7. Les orientations diverses de ces chercheurs intéressés par un objet similaire (Henri Suhamy se réclame davantage de la métrique comme sous-domaine de la stylistique)8 sont à l’image de ce qui constitue la Société : une diversité d’approches et d’origines disciplinaires au service d’une passion commune pour l’analyse discursive. H. Suhamy n’avait en effet aucune intention de former une école ou d’imposer une doctrine. Il confesse même que ces rencontres autour de différents textes informés de théories diverses étaient source de culture agréable pour un esprit curieux comme le sien. Wilfrid Rotgé (président de la Société de 2004 à 2007) a une très belle formule qui exprime bien ce respect (de l’originalité) des personnes au cœur de la SSA, « c’est une Société où l’on vient avec ce que l’on est »9, même si la pluridisciplinarité n’est pas absence de discipline, au contraire. Cette curiosité et cette capacité d’accueil sont soulignées à de multiples reprises dans les éditoriaux du BSSA, des plus anciens aux plus récents. Simone Rinzler (co-rédactrice en chef du Bulletin de 2004 à 2011 et vice-présidente de la Société de 2007 à 2011) définit ainsi le stylisticien : « Tantôt linguiste, esthète, philosophe du langage, détective ou théoricien, le stylisticien est un intellectuel curieux ouvert à la pensée de l’autre » (BSSA 29 2007, 10). Elle insiste sur le plaisir du partage et la passion commune pour le langage qui obligent le stylisticien à une ouverture disciplinaire : « L’acceptation de la pensée de son Autre stylisticien met à distance l’obsession monodisciplinaire qui guette tout enseignant- chercheur » (BSSA 31 2008, 15). Société accueillante pourrait-on dire avec Monique uploads/Societe et culture/ esa-407.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager